Mahotella Queens
Rayonnantes de malice juvénile, ex-choristes du chanteur Mahlathini, décédé en juillet 1999, ces trois délicieuses quinquagénaires sud-africaines ont participé dans les années 60 à l'invention du tonique et joyeux mbaqanga. Un style qu'elles continuent de perpétuer toujours avec autant de fougue à travers leur nouvel album Sebai Bai.
Une leçon de bonheur
Rayonnantes de malice juvénile, ex-choristes du chanteur Mahlathini, décédé en juillet 1999, ces trois délicieuses quinquagénaires sud-africaines ont participé dans les années 60 à l'invention du tonique et joyeux mbaqanga. Un style qu'elles continuent de perpétuer toujours avec autant de fougue à travers leur nouvel album Sebai Bai.
RFI Musique : Que vouliez-vous exprimer à travers le mbaqanga?
Mahotella Queens : Nous souhaitions simplement faire quelque chose de neuf avec des instruments modernes en mélangeant tous les styles (musiques traditionnelles, marabi, rythm and blues, soul, gospel américains...). Au début il y avait uniquement la basse, une batterie et une guitare, puis le clavier et le sax sont venus compléter l'orchestre. Depuis le mbaqanga, aucun style aussi important n'a émergé en Afrique du Sud. Le kwaito ou d'autres genres encore, ce ne sont que des modes et les groupes ne tiennent pas longtemps. Le reggae, que fait Lucky Dube, c'est un style importé. Le mbaqanga, lui, dure, il a une vraie histoire et continue d'influencer toute la musique sud-africaine.
Parce qu'on s'est mariées. Et chez nous en Afrique, une femme doit rester à la maison pour s'occuper de son mari, des enfants s'il y en a, de la belle-mère. C'est normal et c'est comme cela que la famille te reconnaît en tant que vraie femme. Pendant cette éclipse, on a utilisé notre nom. Il y a eu d'autres chœurs féminins qui se faisaient appeler les Mahotella Queens. Mais les seules, les vraies, c'est nous.
Qu'est-ce qui a motivé votre retour?
Après quelques années, on avait montré notre capacité à être de "vraies" femmes. Depuis, on a divorcé. On s'est débarassées des hommes. C'est West Nkosi qui nous a remis sur scène avec Mahlathini et le Makgona Tsothle Band. Peu de temps après, en 1987, on est tous venus en France, invités par Christian Mousset, le directeur du festival d'Angoulême. Il nous a fait enregistrer dans la foulée Paris-Soweto puis a organisé l'année suivante notre première tournée internationale.
Enregistrée la première fois en 1983 par Obed Ngobeni et les Kurhula Sisters sous le titre Hluvukilé Eka Zets, elle raconte l'histoire de gens d'un township un peu à l'abandon qui se mettent ensemble pour obtenir de meilleures conditions de vie, de l'eau, etc…
Où avez-vous appris à chanter et à danser?
Chacune a appris à chanter à l'église, à l'école dans les townships. Quant à la danse on l'a inventée. C'est beaucoup de travail et on répète tous les jours.
Vous n'avez jamais envisagé d'intégrer une quatrième chanteuse?
Ah sûrement pas! On a grandi ensemble, on s'est enguelées puis réconciliées, on s'est battues, soudées depuis quarante ans. Si une autre essaie de s'immiscer entre nous, on la tue.
Vous portez toujours un costume très chamarré...
C'est celui du Zululand. Pour nous, c'est une façon de rappeler d'où nous venons, un message pour les gens extérieurs. Et puis il est très pratique, suffisamment large pour danser et plus sexy que d'autres.
Dans le premier titre de l'album (Kumnyama Endlini), par exemple, on parle de l'insécurité. On veut pointer, mettre le doigt sur l'un des graves problèmes de la société sud-africaine actuellement : l'émergence de la violence (cette plaie n'est d'ailleurs pas spécifique à chez nous). On interpelle les gouvernants pour qu'ils prennent des mesures. Il y a aussi un titre où nous prônons l'unité et la réconciliation. Un autre où nous incitons les femmes à ne pas baisser les bras. La fin des violences, des guerres dans le monde ne peut venir que des femmes. Nous sommes beaucoup plus fortes que les hommes, nous savons nous battre sans violence, nous rencontrer, parler. Les hommes, eux, se tapent tout de suite dessus.
Lors de votre première venue en Europe, qu'est-ce qui vous a le plus étonné?
Nous avons été très surprises de voir des films pornos diffusés à la télé dans les hôtels, des hôtels où nous nous retrouvions avec des Blancs, où nous étions saluées et traitées avec beaucoup d'égards. Nous n'étions évidemment pas habituées à tout cela.
Avec votre constante bonne humeur vous donnez l'illusion d'avoir complètement oublié l'apartheid.
Pourquoi remuer de mauvais souvenirs? C'était une sale époque, OK. Mais maintenant, si on parlait du futur?
Majhotella Queens Sebai Bai (Indigo) 2000