La garde de Marseille

Si Shurik’n et Faf Larage ne sont pas des inconnus pour les amateurs de hip hop, ils le sont encore moins l’un pour l’autre. Dans la vie civile, le rappeur d’IAM et l’auteur de C’est ma cause sont tout simplement frères. Après une première collaboration en 1997, les Marseillais se retrouvent trois ans plus tard pour un album complet dans lequel ils ont uni leurs deux univers, l’Asie et l’heroic fantasy, et s’en expliquent ici même.

Shurik'n et Faf La Rage unissent leur fraternité

Si Shurik’n et Faf Larage ne sont pas des inconnus pour les amateurs de hip hop, ils le sont encore moins l’un pour l’autre. Dans la vie civile, le rappeur d’IAM et l’auteur de C’est ma cause sont tout simplement frères. Après une première collaboration en 1997, les Marseillais se retrouvent trois ans plus tard pour un album complet dans lequel ils ont uni leurs deux univers, l’Asie et l’heroic fantasy, et s’en expliquent ici même.

Vous avez travaillé de concert une première fois en 1997 pour un titre seulement, La Garde meurt mais ne se rend pas. Pourquoi ne pas avoir tenté l’aventure dans la foulée ?
Shurik'n : L’envie de faire un album est née après ce maxi, mais nous ne savions pas encore que nous allions travailler ensemble. Quand on passait voir ensemble des potes en studio, machinalement, ils nous appelaient La Garde. Lorsque nous avons eu le temps, nous nous sommes dit : "OK, pourquoi pas maintenant ?". Puis, nous nous sommes demandés quel type d’album faire. C’était fin avril 2000. En mai, nous avons planché sur l’album. Vu que nous produisons tous les deux, nous avions déjà pas mal de morceaux faits chacun de notre côté. Nous les avons rassemblés et nous sommes arrivés à une cinquantaine d’instrumentaux. Si un morceau ne plaisait pas à l’un ou à l’autre, il dégageait. Pour les lyrics, nous nous sommes vus tous les jours chez moi pour écrire. Parfois, on regardait la télévision et rien ne venait. Puis, le lendemain, on pouvait écrire un texte ou un texte et demi.

Vous êtes-vous imposé une discipline ? A la maison, le rythme de travail est quelquefois plus relâché…
S : C’est un projet qui nous tenait à cœur, donc l’inspiration est venue assez facilement.

Sur la pochette, vous apparaissez en chevaliers médiévaux. Dans les chansons, vous vous exprimez chacun à travers un personnage. Comment expliqueriez-vous le concept La Garde ?
S : La Garde, c’est la réunion de nos deux univers : l’Asie et l’heroic fantasy. C’est la défense de notre vision du hip hop et de nos principes. Il ne faut jamais négliger le fond car, quand tu as le privilège d’être sur une scène et de tenir un micro dans tes mains, la moindre des choses que tu dois à ceux qui te donnent ce privilège est de ne pas leur raconter n’importe quoi. Dans nos lectures, il est toujours question du petit contre le fort, de David contre Goliath, le peuple contre les hautes sphères… On aborde souvent nos textes dans cette optique-là, le fait de partir de rien et d’arriver à quelque chose.

Ces justiciers de tous les temps nous montrent au moins qu’au fond, rien n’a changé.
S : Exactement.

En créant à deux, on s’influence mutuellement. Qui a apporté quoi ?
Faf la rage : Nous avons chacun un pied dans le monde de l’autre, peut-être superficiellement car je ne me suis pas mis à pratiquer des arts martiaux pour La Garde ! Tout le côté asiatique et féodal, c’est Jo qui l’a amené et le côté heroic fantasy, chevaleresque, c’est moi. A ce niveau-là, la pochette parle d’elle-même.
S : L’heroic fantasy, je la lisais en bandes dessinées adultes, genre Chroniques de la lune noire. La lire en roman, ça m’est venu il y a deux ans par l’intermédiaire de Faf. Mon but, c’est l’écriture et l’heroic fantasy m’a amené un nouveau vocabulaire, de nouvelles tournures de phrases, une nouvelle façon de planter un décor, de décrire des personnages…
F : Jo peut arriver avec des sons traditionnels asiatiques que je n’ai pas le réflexe de sampler. D’autre part, je n’ai pas cent disques de musique traditionnelle asiatique chez moi, alors que lui, les a. Il y a eu un gros mélange musical. On a mêlé du typiquement blues à une harpe que tu imaginerais médiévale, alors que pas du tout. Au plus tu mélanges, au plus tu crées des atmosphères inédites.

Un projet commun comme celui-ci vous apporte-t-il quelque chose dans vos carrières solo ?
S : Déjà, une énorme satisfaction. Dans la manière de travailler, ça m’a poussé à essayer d’avoir un flow plus varié, à suivre la musique. C’est une ouverture d’esprit que je vais conserver dans mon travail.
F : Pour moi, même si c’est ponctuel, c’est plus qu’un projet annexe : c’est carrément un deuxième album solo. Nous nous sommes autant impliqués dans cet album que dans nos albums solo respectifs. Jo a une façon de ressentir la musique différente de la mienne. A la base, il est danseur. Moi, je ne danse pas. On ne réagit pas de la même manière en écoutant un instrumental. Maintenant qu’on a fait cet album ensemble, je commence à peine à voir comment il écoute la musique. Dans mes prochaines productions, je reviendrais peut-être avec quelque chose d’un peu plus dansant que ce que je faisais.

La scène, ça se prépare comment ?
S : Nous avons voulu que la plus grande partie de l’album soit jouable sur scène. Nous venons de faire deux show cases au Canada. Nous n’avions jamais joué nos morceaux sur scène. Les écouter à fond avec du monde dans la salle a été l’occasion de prendre nos marques. Ça nous permet de commencer à y penser. Mais ce n’est que le début.

Que vous inspire la scène rap ces derniers temps ?
S : On s’est mis dans le hip hop par passion. Mais, depuis dix ans, beaucoup se sont lancés par appât du gain. Aujourd’hui, des groupes pas très réputés demandent parfois des cachets extraordinaires ou ont des exigences incroyables. Ils veulent tout, tout de suite. Il y a tellement de rap qu’il y a forcément de la récupération. Avant, quand tu disais que tu faisais du rap, les gens se foutaient de ta gueule. Il fallait être passionné. Les choses ont changé. Après, c’est le temps qui juge. Ceux qui ne sont pas là par passion ne durent pas.

La Garde (Virgin / Delabel)