NOËL, UN SAPIN ET DES CHANSONS

Paris, le 22 décembre 2000 - S'il est un thème idéal pour les chanteurs, c'est bien Noël. Difficile d'ignorer une fête aussi populaire et surtout, aussi propice au commerce… Au 20ème siècle, Noël fut chanté à toutes les sauces, les plus traditionnelles ou les plus rock'n'roll. Pour cet article, environ 300 titres ou versions différentes ont été répertoriés ! A l'aube du nouveau siècle, plongeons-nous dans l'immense répertoire suscité par le 25 décembre.

Depuis 100 ans, c'est Noël pour les chanteurs

Paris, le 22 décembre 2000 - S'il est un thème idéal pour les chanteurs, c'est bien Noël. Difficile d'ignorer une fête aussi populaire et surtout, aussi propice au commerce… Au 20ème siècle, Noël fut chanté à toutes les sauces, les plus traditionnelles ou les plus rock'n'roll. Pour cet article, environ 300 titres ou versions différentes ont été répertoriés ! A l'aube du nouveau siècle, plongeons-nous dans l'immense répertoire suscité par le 25 décembre.

Le Père Noël réaliste

Fête catholique devenue pour beaucoup une fête laïque, une obligation sociale, voire une mode purement commerciale, Noël est un sujet en or pour la chanson depuis le début du siècle. Depuis qu'elle existe sous une forme moderne, disons enregistrée. De tous temps, Noël fut décliné sous sa forme chaleureuse, familiale, enfantine voire nunuche. Dans les années 30, Berthe Sylva y va de son Bonhomme Noël (1930) ou de son Joujou de Noël (1934). La vedette marseillaise Alibert récupère la tradition locale avec Marioun (sérénade de Noël) ou le Noël des petits santons. Autre Marseillais, moins typique cependant, Jean Lumière y va de son approprié Noël de France en 41. Et pour Lucienne Delyle en 49, Noël est un voyage.
Mais en pleine vague de chansons réalistes, Noël reste pour certains un jour triste qui met en exergue la solitude, la misère matérielle et morale. Et amoureuse. C'est ce que confie Lucienne Boyer en 43 avec Je ne crois plus au Père Noël. En 42, Priolet chante le Noël des gueux. Mais dans ce registre, c'est Edith Piaf qui dans la seule chanson qu'elle ait consacré à Noël, le Noël dans la rue (1951), reste fidèle à la fois à ses souvenirs d'enfance et à son image d'artiste populaire : "Le Noël de la rue / C'est la neige et le vent / Et le vent de la rue / Fait pleurer les enfants."

Mais c'est surtout avec Tino Rossi que la chanson de Noël devient une manne commerciale convoitée des producteurs. En 1946, le chanteur corse, alors idole de toutes les Françaises, interprète dans un film (Destin de Richard Pottier) une petite mélodie qui, l'air de rien, fera sa fortune : Petit Papa Noël. Deux ans plus tard, le chanteur enregistre la version la plus célèbre, celle qui se vendra à plus de 30 millions d'exemplaires, sera traduite en 12 langues et fera l'objet de rééditions annuelles. On compte plus de 60 reprises à travers le monde dont la plus notable et la moins respectueuse est indéniablement celle du groupe français de hard-rock Trust en 90. Du coup, jusqu'à sa mort en 1983, Tino Rossi est en France l'icône incontournable des fêtes de fin d'année.

Le Père Noël yéyé

Dans les années 50, on n'ose pas trop encore s'attaquer au mythe de Noël. Les Compagnons de la Chanson chantent sagement A Noël en 49, Yvette Giraud Joyeux Noël en 56. Rien de subversif sinon le Noël des enfants noirs de Charles Trenet en 56 : "Mais une chose les tourmente (…) / Pourquoi sur la terre d'Afrique / Le Bon Dieu est-Il blanc ?". Dans les années 60, les grands noms de la chanson y vont de leur Noël. Dans la veine de Piaf, Léo Ferré en 1960 nous conte un Noël sombre qui ne sera pas édité avant 1996 ("Pourquoi ce Noël, pourquoi ces lumières / Il n'est rien venu d'autre que les pleurs"). La même année, Georges Brassens écrit un très tendre mais ambigu le Père Noël et la petite fille ("Il a mis du grain dans ta grange / Il a mis les mains sur tes hanches"), Barbara signe son Joyeux Noël en 68, prétexte pour conter l'aventure d'un homme et d'une femme se rencontrant par hasard sur le pont de l'Alma le soir de Noël. Quant à Pierre Perret, en 64, il préfigure dans Noël avant terme, un style irrévérencieux qui fera son succès : "Petit papa Noël exauce tous mes vœux / Je voudrais que grand-mère ne me réveille plus / Quand elle rentre le matin beurrée comme un p'tit Lu."

Les yéyés et autres jeunes loups de la chanson ne ratent pas le coche non plus. Les Chaussettes noires fêtent Noël de l'an dernier, Claude François chante En rêvant à Noël en 63 (il en chantera plusieurs autres dans un album pour enfants en 70), Christophe chante Noël en 65, Sylvie Vartan Noël sans toi en 66, sans doute adressé à un Johnny Hallyday souvent absent. La même année, est créé la géniale la Fille du Père Noël de Dutronc, délice d'humour qui imagine la rencontre de la fille du Père Noël et du fils du Père Fouettard, terreur des enfants. Enfin, déjà chantre de la paix plus que chanteur yéyé, Enrico Macias, interprète Souviens-toi de Noël là-bas en 63, une évocation de l'Algérie alors juste sortie de sa guerre d'indépendance (dans le même ordre d'idées, François Valéry chantera Noël à Oran en 1990).

Noël, c'est aussi les reprises des standards américains. Les deux plus gros du genre, Noël Blanc (White Christmas) et Vive le Vent (Jingle Bells) ont été adaptés en français par l'humoriste Francis Blanche. Le premier a été chanté en 60 par Dalida, en 78 par Eddy Mitchell, en 83 par Christophe ou en 2000 par Roch Voisine. Indémodable. Mais ce qui reste très vendeur, ce sont aussi les chansons traditionnelles et religieuses, ces titres que l'on connaît tous sans savoir d'où ils viennent. En 1974, le groupe Il Etait Une Fois adapte ainsi Douce Nuit Sainte Nuit. Mais les noëls traditionnels sont aussi un matériau parfait pour sortir un album entièrement consacré à l'événement. Dorothée en 84, Jairo en 85, Nicole Rieu et Richard Clayderman en 86, Demis Roussos en 91 ne s'y sont pas trompés et ont parfois trouvé là une manne commerciale inespérée surtout lorsque leur carrière est en pente douce… En revanche, certains artistes se fendent d'albums originaux écrits pour l'occasion tels Anne Sylvestre en 82, Pierre Barouh en 91 ou Charles Aznavour en 96.

Le Père Noël rock'n'roll

Souvent vite oubliées, les chansons autour de Noël donnent cependant parfois des tubes à l'instar de Noël 70 du groupe d'ados les Poppys et surtout de Noël interdit de Johnny Hallyday en 73. A partir des années 80, on commence vraiment à bousculer Noël sans crainte de passer pour un monstre. Si Petit Papa Noël continue d'être ressorti, avec succès, tous les ans, il est désormais contré par de jeunes chanteurs qui se foutent bien des bienséances. En 80, Renaud, qui démarre sa carrière, chante le Père Noël noir : "J'ai mis mes santiags d'vant la ch'minée / Vu qu'on était l'24 décembre / P't'être que l'Père Noël se pointerait / (…) / Il est bien v'nu mais manque de bol / S'est rétamé la gueule par terre / (…) Le Père Noël est un crétin / S'est barré vers cinq plombes du mat' / Avec mes bottes et mon blouson / M'a chouravé aussi ma gratte / Y m'a juste laissé le boxon ". En 85, dans Ce soir c'est Noël, Louis Chédid ironise aussi à sa façon sur les Fêtes : "Ce soir, c'est Noël / Tout le monde s'aime ce soir / C'est pas comme demain".

Irrévérence très rock'n'roll chez les VRP en 88 avec Le Père Noël (il ne passera pas par moi), allusion à une campagne anti-sida du moment. Idem avec les Wampas en 90, Ce soir c'est Noël (rien à voir avec le Chédid), ou les Belges de Sttellla qui rhabillent aussi le Père Noël le même hiver. D'autres, râlent contre Noël mais de façon plus grave. Fred Blondin lance carrément en 99, Noël n'existe pas. Quant à Casse Pipe, pour eux en 2000, c'est un Noël noir : "Ce soir c'est Noël et j'm'en balance !".

Mais si en chanson comme ailleurs, Noël en réjouit certains et en déprime d'autres, c'est aussi le moment où jamais d'utiliser l'occasion à des fins utiles. L'humanitaire ne s'y est pas trompé et cette année, l'association Ensemble contre le sida, emmenée entre autres par Line Renaud, a sorti un album consacré à Noël reprenant 17 titres classiques, traditionnels ou plus récents. Citons pour l'exemple Vive le Vent par Henri Salvador, Noël à Paris par Charles Aznavour et Axelle Red, Noël interdit par Lââm ou Petit Papa Noël par Florent Pagny. Mais ce disque est surtout prétexte à un single, Noël ensemble, écrit par Pascal Obispo, Patrice Guirao et Lionel Florence et interprété par plus de cents personnalités dont, en vrac, Jane Birkin, Patrick Bruel, Francis Cabrel, Faudel, Sheila, Françoise Hardy, Hallyday père et fils ou Serge Lama, quelques sportifs et quelques acteurs. Sorti le 21 novembre, ce disque frise déjà les 500.000 exemplaires vendus. Tout y est, la tradition, le commerce, la solidarité, la chanson française.

Catherine Pouplain