La 'Belle' aventure

Notre-Dame de Paris fut le spectacle musical le plus populaire de cette fin de millénaire dans la sphère francophone. Les auteurs, Luc Plamondon et Richard Cocciante sont parvenus à remettre au goût du jour la célèbre œuvre de Victor Hugo et ont décroché le jackpot à l’instar des principaux interprètes qui bénéficièrent personnellement des retombées médiatiques.

Bruno Pelletier, Garou, Ségara et Fiori après Notre-Dame de Paris

Notre-Dame de Paris fut le spectacle musical le plus populaire de cette fin de millénaire dans la sphère francophone. Les auteurs, Luc Plamondon et Richard Cocciante sont parvenus à remettre au goût du jour la célèbre œuvre de Victor Hugo et ont décroché le jackpot à l’instar des principaux interprètes qui bénéficièrent personnellement des retombées médiatiques.

Depuis sa présentation officielle au Midem 98, Notre-Dame de Paris a fait du chemin. La troupe originale s'est constituée pour la première scène à Paris au Palais des Congrès. Son succès fut largement relayé par les médias qui outre les auteur et compositeur, sollicitèrent les chanteurs pour la promotion du spectacle. Cela n’aurait sans doute pas eu le même impact auprès du public si ceux-ci n'avaient pas eu de réelles personnalités artistiques. Québécois ou Français, vedettes ou débutants, acteurs ou pas, le cocktail fut bien dosé et ces artistes qui pendant de longs mois, se produisirent au sein de cette troupe, finirent par reprendre des activités plus personnelles.

Québec, deux points !

Au commencement, il y a le premier single issu de l'enregistrement studio de NDDP. Le temps des cathédrales est interprété par Bruno Pelletier, chanteur québécois bien connu de ses compatriotes. Sa performance vocale sur ce titre en particulier, impressionne tout le monde. Difficile en effet de monter aussi haut dans les aigus sans se casser la figure, ou plutôt la voix. Avec maestria, le chanteur endosse le rôle de Gringoire, le mari d'Esmeralda. Bruno n'en est pas à son coup d'essai en matière de comédie musicale puisqu'il avait aussi participé en 92 à La légende de Jimmy que Michel Berger et Luc Plamondon avaient écrite, puis à la reprise de Starmania au Québec.

Mais Bruno Pelletier tient aussi à sa carrière solo. En août 99, il sort son quatrième album, D'autres rives, enregistré entre Paris et Montréal, au moment où il joue et chante dans NDDP. Sur les terres de la Belle Province, Bruno Pelletier est une véritable star. Le nombre de Félix (l'équivalent au Québec des Victoires de la musique) qu'il a raflé depuis ses débuts est impressionnant. Les plus récents, ceux de l'année 2000, le consacrent Interprète de l'année (vote populaire) comme en 99 et 97 et lui attribuent le Meilleur album de l'année dans la catégorie Pop rock. L'aventure NDDP n'est sans doute qu'un bel intermède dans la carrière du chanteur aux cheveux longs. Jusqu'au prochain rôle que lui proposera le prolixe Plamondon.

Après le Temps des cathédrales, les radios et les télévisions ne se lassent pas du deuxième extrait de l'album studio, Belle, la chanson phare que Daniel Lavoie, Patrick Fiori et Garou interprètent. Si les deux premiers ne sont pas des inconnus, le "petit" dernier, du haut (très haut) de ses 25 ans constitue sans aucun doute, la révélation de ce spectacle musical. Le dénommé Garou à la voix grave et rocailleuse, dans la peau de Quasimodo, fait chaque soir un malheur. Son expérience artistique se résume jusque-là à quelques concerts dans les clubs québécois avec un groupe de blues. NDDP le rend populaire. Les médias se l'accaparent.

Sa prestance, sa voix puissante et ses beaux yeux en séduisent plus d'une. Même Céline Dion craque et l'invite pour son show du 31 décembre 99. Sur sa lancée, elle enregistre un duo avec lui, Sous le vent que l'on retrouve aujourd’hui sur le premier album du jeune chanteur, intitulé Seul. Car c'est bien ainsi qu'on attendait Garou, après le raz de marée de Notre-Dame. Solo. En fait, ce disque sorti début novembre, rassemble une brochette de célébrités parmi les auteurs et compositeurs, de l'incontournable Plamondon, à Romano Musumara en passant par Richard Cocciante, Didier Barbelivien ou Franck Langolff. Mais la musique est avant tout une question d'alchimie et Seul n'a rien d'un élixir de jouvence. Au contraire, voilà un disque qui pourrait être une démonstration de ce qu'on peut faire en matière de variété sans âme, standardisée, certes bien produite mais bien loin de ce que l'intéressé laissait présager. Les fans quant à eux, n'ont pas fait la fine bouche : dix jours après sa sortie, l' album Seul était certifié Disque d'or (100.000 exemplaires vendus).

France, deux points !

Presque au moment où sort le disque de Garou, Patrick Fiori, équipier de Belle, qui incarnait Phoebus dans NDDP, vient de terminer ses concerts à l'Olympia à Paris avant d'entamer une tournée française. Il a troqué sa cote de maille contre un costume de ville pour défendre sur scène son album Chrysalide. On se souvient d'un jeune homme en smoking s'égosillant sur Mama Corsica, un titre présenté par la France à l'Eurovision 93 et écrit par François Valéry. A l'âge de la maturité, ses choix artistiques se sont un peu diversifiés. Ils semblent maintenant dictés par une rigueur très professionnelle, attachée à la qualité des textes et des musiques. Pour ces dernières, Patrick rappelle au fil des interviews données avant son passage à l'Olympia, que le travail avec les musiciens est pour lui indispensable, qu'il a besoin de sentir la symbiose entre sa voix et les instruments. Il évoque ainsi sa frustration pendant les représentations de Notre-Dame de Paris, à chanter sur une bande enregistrée.

Le beau gosse originaire de Corse a su lui aussi, surfer sur la déferlante Notre-Dame et a conquis un public féminin à la recherche d'une nouvelle idole. Faisant la une des magazines people au bras notamment de la vociférante Lara Fabian (dont il est maintenant séparé), il s'est sans aucun doute positionné comme un artiste populaire, toujours souriant, affable, toujours prêt à chanter quelques notes pour son plaisir et celui des autres.

La chanson populaire, c'est aussi le créneau qu'a investi la belle Esmeralda, ou plutôt celle qui l'incarnait dans Notre-Dame de Paris, à savoir Hélène Ségara. La jeune femme qui en 96, connaît son premier tube avec la chanson Je vous aime adieu rencontre en France, un succès certain qu'Orlando, le frère de Dalida manage avec maestria. Cette jeune femme originaire de la Côte d'Azur, cartonne aujourd’hui avec un album, Au nom d'une femme sorti en 99 (écoulé selon les derniers chiffres à plus de 1 million d'exemplaires) et le titre Il y a trop de gens qui t’aiment. Pour la première fois et quelques jours avant son ami Patrick Fiori, elle a aussi rempli l’Olympia quatre soirées de suite en octobre. Elle est actuellement en tournée et ce jusqu’au printemps. Elle sera de retour à Paris au Palais des Sports le 26 janvier.

Pour Hélène Segara comme pour Patrick Fiori, l’aventure Notre-Dame de Paris s’est terminée sur une note plutôt négative. En effet, quand il fut question d'adapter en anglais le spectacle et de le monter dans un premier temps à Londres, les artistes français n’ont pas été retenus par la production alors que leurs collègues québécois, Pelletier, Garou, Luck Mervil et Daniel Lavoie ont pu continuer de jouer et de chanter devant le public anglais. Ils étaient sans doute les seuls à maîtriser suffisamment la langue anglaise ou tout du moins, l’accent. Si dans un premier temps, nos artistes français n’ont pas vraiment apprécié la mise à l’écart, ils se sont rapidement remis au travail reportant à plus tard une incursion dans le monde du show-biz anglo-saxon.

Une entreprise collective de l'ampleur de Notre-Dame de Paris ne peut laisser le public indifférent. Il y a les pro et les anti mais personne ne peut prétendre être passé à travers les tentacules de la pieuvre médiatique. On peut en conclure que le battage autour de cette comédie musicale a largement servi la carrière de ses interprètes. Cela a aussi favorisé sans conteste les vocations d'auteurs, de compositeurs et surtout de chanteur à voix, susceptibles d'être happés par des "musicals", dénomination anglo-saxonne qui convient tout à fait à ce genre, car plus en phase avec les spectacles montés récemment, des Dix commandements à Roméo et Juliette dont nous aurons l'occasion de reparler dans ces colonnes.

Garou Seul Sony 2000
Patrick Fiori Chrysalide Epic 2000
Hélène Segara Au nom d'une femme Orlando/East West 2000