GERARD ET JULIETTE

Paris, le 28 décembre 2000 - On ne sait plus où donner de la tête. Les comédies musicales se multiplient. En France, personne n'avait vu ça depuis des lustres. Mais certains attendaient dans l'ombre, obstinés qu'ils étaient à vouloir faire un spectacle dont personne ne voulait entendre parler. Ils eurent finalement raison d'insister à l'instar de Gérard Presgurvic, auteur et compositeur de Roméo et Juliette, spectacle qui va se monter à Paris au Palais des Congrès en janvier. Rencontre avec un homme heureux.

Presgurvic adapte le drame de Shakespeare en comédie musicale.

Paris, le 28 décembre 2000 - On ne sait plus où donner de la tête. Les comédies musicales se multiplient. En France, personne n'avait vu ça depuis des lustres. Mais certains attendaient dans l'ombre, obstinés qu'ils étaient à vouloir faire un spectacle dont personne ne voulait entendre parler. Ils eurent finalement raison d'insister à l'instar de Gérard Presgurvic, auteur et compositeur de Roméo et Juliette, spectacle qui va se monter à Paris au Palais des Congrès en janvier. Rencontre avec un homme heureux.

On s'est donné rendez-vous dans les studios de répétition du Palais des Congrès à Paris. Rien d'étonnant puisque nous sommes dans la dernière ligne droite avant les premières représentations de Roméo et Juliette qui débutent le 19 janvier. Les doublures des chanteurs répètent dans la salle d'à côté, et la troupe quant à elle, s'est installée un peu plus loin dans un studio aménagé. C'est là que les derniers réglages chorégraphiques ont lieu sous la houlette experte du danseur et chorégraphe Rhéda. Gérard Presgurvic les suit avec attention. Il s'éclipse un moment pour répondre à nos questions.

Vous avez étudié le cinéma, vous avez fait trois albums sous votre propre nom, vous avez écrit des chansons pour d'autres, et aujourd'hui, on vous retrouve à la tête d'une comédie musicale. Vous vous y attendiez ?
Non, ce n'était pas quelque chose à laquelle je m'attendais mais quelque chose que j'attendais. C'est une suite logique. Cela fait 20 ans que j'avais envie de faire une comédie musicale, même plus. J'allais voir régulièrement, tous les deux ans, des producteurs, des auteurs aussi. A chaque fois, on me donnait la même réponse. "Les comédies musicales n'intéressent pas le public" ou "c'est trop cher", "les gens n'iront pas" puis, est arrivé le succès de Notre-Dame. Ça a libéré totalement le métier puisque tout d'un coup, les producteurs se sont rendus compte que le public aimait ça. On peut appeler ça de l'opportunisme, moi j'appelle ça une chance formidable.
Donc, le premier producteur que je suis allé voir et ce n'est pas par hasard, c'est Gérard Louvin. J'aimais bien ce qu'il faisait. Plutôt bien, plutôt courageux. C'était le bon.

Vous avez choisi le thème de Roméo et Juliette, c'est Shakespeare qui vous a inspiré ? A moins que ça soit plutôt l'intemporalité du sujet ? Le côté romantique, mélo ?
Ce n'est pas un mélo, on peut penser que cela en est un. Le mot "mélo" a un côté mièvre. C'est très romantique. Le thème Roméo et Juliette, à lui seul condense tous les thèmes importants de la vie. La vie, la mort, le courage, la haine, l'intolérance. L'histoire de R&J est assez banale. C'est l'histoire de deux adolescents qui s'aiment. Ce qui fait que l'histoire a survécu à travers le temps, c'est que premièrement, ils ne peuvent pas s'aimer parce qu'ils vivent dans une société extrêmement intolérante qui fait porter sur ces enfants le poids de la haine. Deuxièmement, c'est qu'ils vont jusqu'à se tuer. Ils préfèrent mourir plutôt que de ne pas pouvoir vivre dans l'amour. Ce n'est pas mélo du tout, c'est extrêmement puissant.

Comment avez-vous été amené à choisir ce thème ?
C'est ma femme. Moi, j'avais d'autres idées mais qui n'intéressaient pas vraiment les gens. Au moment où on cherchait, elle a vu très vite que c'était un sujet très porteur. Quand j'ai parlé à Louvin de R&J, j'ai vu son œil s'allumer et il m'a dit "fais-moi des chansons". Une des forces de R&J, c'est d'être intemporel. Ce fut une des difficultés pour nous d'ailleurs, pour la musique mais surtout pour les décors et les costumes. Car ce n'est pas un Vérone du XVème siècle et ce n'est pas non plus Roméo à Neuilly et Juliette à Sarcelles. Donc, toute la difficulté était de situer les faits dans un Vérone imaginaire, dans un temps imaginaire. Cela pourrait se passer il y a 100 ans et ça pourrait aussi se passer dans 100 ans. Pour la musique, la base est quand même assez classique mais j'ai essayé de faire des arrangements modernes. Je pense qu'on est bien arrivé à faire quelque chose d'insituable.

Ecrire 40 chansons sur un même thème, archi connu au demeurant, n'est pas problématique ?
Oui et non. D'abord, dans une comédie musicale, il y a un cahier des charges. Il faut raconter une histoire en chanson avec le moins possible d'interventions parlées. Et en même temps, comme il y a beaucoup de personnages qui pour les trois quart, n'ont pas beaucoup de chansons, il faut tout de suite qu'ils aient une chair, une épaisseur, qu'on puisse les identifier. Parallèlement à ça, il faut faire monter le côté dramatique.
En plus j'ai mis des tas de chansons comme le Pouvoir dont on pourrait se passer et qui ne nous aident pas à comprendre un peu plus l'histoire ; mais ça permet de créer des personnages. L'avantage d'une comédie musicale, c'est que c'est un fourre-tout. Ce qui est très agréable, c'est qu'on est libre !

On pourrait penser exactement l'inverse, à savoir que vous avez un cadre pour écrire ces chansons et qu'il est rigide…
Non, car l'histoire ici est assez simple. En fait, il faut décrire cinq-six situations. Je me suis beaucoup inspiré du film de Franco Zeffirelli (ndlr : Giulietta e Romeo /1968). Avec ma femme, nous avons fait un découpage. Chaque matin, je prenais une scène et je commençais à gamberger dessus. Il s'agissait alors non pas de faire de tubes, mais d'être juste.

Il faut tout de même des chansons qui aient un peu de poids. On est obligé d'y penser quand on écrit ?
Oui, en fait, il ne faut avoir aucune complaisance. Quand on fait un album, on peut éventuellement mettre deux ou trois chansons moins fortes, mais là on ne peut pas car une chanson est une scène, donc une situation. Dans la chronologie, c'est un affaiblissement. On ne s'en remet pas. Il n'y a donc pas de chanson pour rien ! Elles doivent toutes raconter quelques choses et préparer la montée dramatique de la scène suivante. J'ai rarement été aussi heureux dans un projet. J'étais vraiment libre.

Le fait que vous écriviez aussi bien les paroles que la musique est plutôt un avantage alors ?
Oui évidemment. L'inconvénient pourrait être de ne pas avoir à confronter les idées mais l'avantage c'est que je fais ce que je veux.

Vous vous êtes occupé du casting ? Le fait que la chanteuse qui incarne l'héroïne, Cecilia Cara ait 16 ans, qu'elle n'ait aucune expérience, ne vous fait pas un peu peur ?
Elle chante depuis qu'elle a quatre ans. Elle a une grande expérience scénique. En France, il y a beaucoup de mômes qui ont ce genre d'expérience, chanter dans les concours, les fêtes, les soirées, etc. Je voulais absolument que les rôles titres soient tenus par des gens qui ont l'âge de leur personnage. C'est plus crédible.

Vous avez sorti l'album et les singles il y a maintenant plusieurs mois. On comptabilise 850.000 singles de Aimer, 1.4 million des Rois du monde et 1 million d'albums vendus. Des chiffres impressionnants. Vous vous attendiez à ça ?
Non, mais j'ai tout fait pour qu'il en soit ainsi. Je me suis mis dans les conditions d'un succès. Dans la totalité des cds vendus, on en est à plus de trois millions. On est pratiquement pleins pour les 100 premières représentations. C'est-à-dire qu'en ce moment, il se loue en moyenne 3000 places par jour.

Vous pensez que les gens qui ont acheté ces cds, vont venir voir le spectacle ?
A mon avis, oui. En plus, on a sorti l'intégrale des chansons en série limitée soit les quarante chansons. C'est un moyen comme les autres de promouvoir le spectacle. C'est génial d'ailleurs parce que çà peut le transformer en concert rock, à la Bruel par exemple. Les gens connaîtront les chansons par cœur et ça peut être très marrant. Il y aurait un côté interactif.

Comptez-vous sortir un live après les spectacles donnés au Palais des Congrès ?
Oui en septembre 2001, je pense.

Une aventure anglo-saxonne vous tente-t'elle ?
On devrait signer pour l'Angleterre, l'Allemagne, le Japon, les pays nordiques, l'Espagne, l'Italie, Portugal.

En français ou en anglais ?
Ca dépend. Pour ce dernier pays, ils le veulent en français. Au Japon aussi. Mais sinon, ca sera en anglais, en espagnol, en allemand. Je vais travailler avec des adaptateurs. Tout ça est en train de se mettre en place. Le sujet est tellement porteur. Je pense qu'au début 2002, on jouera dans 6 ou 7 pays.

Vous ne regrettez pas la carrière de chanteur ?
Non, car je n'ai jamais réussi à obtenir vraiment ce que je voulais. J'ai fait certaines erreurs. Aujourd'hui, je ne me sens plus assez d'énergie pour faire le chanteur. Je n'ai jamais eu non plus le besoin impérieux de me mettre en avant sous cette forme-là. Je ne regrette pas.

Et une carrière de cinéaste ?
Ça, ce n'est pas impossible. Mais j'ai plutôt envie de refaire une comédie musicale. Un type qui fait des chansons, en général, il est tout seul dans un bureau. Depuis deux ans maintenant, je suis dans un tourbillon, je vois des gens, des jeunes. C'est très agréable.

Propos recueillis par Valérie Passelègue

Site officiel de Roméo et Juliette
CD Roméo et Juliette Mercury 2000