DAVID LINX, DU JAZZ A LA CHANSON
Paris, le 30 janvier 2001- Chanteur de jazz anglophone depuis une dizaine d’albums, cet artiste belge devient la nouvelle sensation de la chanson française. Délicatesse, élégance, retenue et vérité dans un premier album de chansons, L’Instant d’après, dont la plupart des textes sont de Patrice Guirao. A trente-cinq ans, il redevient une révélation, presque dix ans après avoir enthousiasmé les critiques de jazz. Première découverte enthousiasmante de l’année...
Un virage après dix ans de carrière.
Paris, le 30 janvier 2001- Chanteur de jazz anglophone depuis une dizaine d’albums, cet artiste belge devient la nouvelle sensation de la chanson française. Délicatesse, élégance, retenue et vérité dans un premier album de chansons, L’Instant d’après, dont la plupart des textes sont de Patrice Guirao. A trente-cinq ans, il redevient une révélation, presque dix ans après avoir enthousiasmé les critiques de jazz. Première découverte enthousiasmante de l’année...
Le jazz a-t-il perdu un de ses jeunes grands noms et la chanson a-t-elle gagné un nouvel artiste ? Depuis une dizaine d’années, David Linx était régulièrement salué par nos confrères de la presse jazz pour ses albums audacieux, légers, habiles et doux. Et voici maintenant qu’après dix disques en en anglais, à trente-cinq ans, il sort un des plus savoureux disques de chanson française de cet hiver, L’Instant d’après.
La trajectoire de David Linx est peu commune. Fils d’un professeur d’harmonie et de trompette, sa voie était toute tracée vers le jazz instrumental. Mais, après avoir tâté de la batterie, de la flûte et du piano, il décide d’être chanteur - un choix exceptionnel dans le jazz européen de sa génération. Avec son compatriote le pianiste Diederick Wissels ou avec des rencontres de passage comme Roy Ayers, Steve Coleman ou l’orchestre de Count Basie, il élabore une musique de demi-teintes et de délicatesses, comme réticent à l’éclat, à la virulence, à toutes ces vertus verticales et péremptoires qui emplissent les dictionnaires du jazz. Çà et là, on lui reproche d’être lisse, abstrait, sage. Mais un disque comme celui qu’il enregistre avec son compagnon l’écrivain James Baldwin (A Lover’s Question, chez Label Bleu-Harmonia Mundi) convoque des beautés et des richesses d’un grain rare.
La langue du jazz est l’anglais, cet objet phonétique et désincarné dont les francophones saisissent quelques bribes qui ne portent ni sens ni nécessité. C’était la langue dans laquelle chantait David Linx. Il avait bien enregistré de temps à autre quelques chansons françaises - La Chanson des vieux amants de Brel, Autour de minuit de Nougaro. Puis il a voulu chanter dans sa langue, avec tout le naturel d’une conversation, d’une confidence, d’une confiance. Il a fait appel à Patrice Guirao, un auteur qui sait ouvrir les cœurs et a écrit pour Ute Lemper, Pascal Obispo ou Fred Blondin - une palette largement ouverte, entre inflation de la franchise et rectitude du sentiment. Guirao lui a écrit neuf textes tissés d’impatience amoureuse, de nostalgie indécise, d’une ferveur contraire aux émotions précalibrées : Mon père ma solitude pour explorer une absence, L’Attente pour découvrir un lieu suspendu, Gasoil pour rencontrer les amours boiteuses...
David Linx s’est aussi écrit quelques chansons, comme Pour être deux, proverbe en forme de valse (« Pour être deux faut être deux/Peut-être c’est mieux pour être mieux/L’orage gronde sur mon p’tit monde/Ma vie s’enflamme et c’est tant mieux ») dont la mélodie toute simple a les qualités célestes des grands airs de Michel Legrand, la mélancolie douce des œuvres tendres de Gaby Verlor. Il reprend aussi Les Mots de Claude Nougaro et Daniel Goyone, au plus près - justement - de la stricte lettre inquiète et contemplative du texte. Et il interprète une chanson peu connue en Europe mais célébrissime dans le monde arabe, Ahwak, un prodige de chanson sentimentale qu’il pare de couleurs nues mais lointaines, attendries mais savantes. La production de Craig Street, qui a travaillé avec Me’Shell Ndegéocello, Cassandra Wilson ou kd lang, est en complète harmonie avec les intentions des chansons : dire peu de choses, mais des choses essentielles ; éclairer quelques lieux seulement, mais des lieux chargés de sens et de vérité.
David Linx n’affronte pas le monde avec un son ronflant et de lourdes phrases. Il aborde les gens avec des petites choses légères et sans fureur, des humeurs complices et timides. Il n’ira pas vous chercher en cognant à votre porte dès l’aube ; il hésitera à vous déranger mais s’installera longtemps, sans qu’on pense pouvoir ne pas l’inviter à rester. C’est une belle aventure, d’être de nouveau une découverte au bout de dix ans de carrière...
Bertrand DICALE
Nouveau CD:L’instant d’après (Polydor-Universal)
En concert à Paris au Sentier des Halles les 30 et 31 janvier, 1er février à 20 heures.