Faudel
Rendez-vous dans un bistro branché des Champs-Elysées pour rencontrer le fils caché de Rachid Taha et de Cheb Hasni. Il s’agit de deviser sur son deuxième et très attendu album, Samra, aux relents world-raï qui gagne en maturité ce qu’il perd en authenticité. Entretien avec le gamin de Mantes-la-Jolie qui visiblement sait d’où il vient et où il va.
Le petit prince du raï a grandi
Rendez-vous dans un bistro branché des Champs-Elysées pour rencontrer le fils caché de Rachid Taha et de Cheb Hasni. Il s’agit de deviser sur son deuxième et très attendu album, Samra, aux relents world-raï qui gagne en maturité ce qu’il perd en authenticité. Entretien avec le gamin de Mantes-la-Jolie qui visiblement sait d’où il vient et où il va.
En septembre dernier, vous étiez à Alger pour une grande fête du cinéma. Comment s’est passé cette rencontre avec les Algérois ?
On s’est retrouvé avec Alexandre Arcady qui organisait cette semaine avec le président algérien Bouteflika. Il y avait aussi Sami Naceri, Gad El Maleh, Roger Hanin qui a été décoré. C’était merveilleux. Les gens étaient tellement enthousiastes. Ils étaient contents de me voir et croyaient que j’allais chanter. Mais en fait, c’était surtout une première pour moi qui ne connaissait pas Alger puisque ma famille est originaire de Tlemcen dans l'Ouest algérien. J’étais très touché. Je ne suis resté que 24 heures, mais ça a été moment merveilleux. A un moment, on s’est retrouvé avec plus de 3.000 personnes dans un théâtre de verdure pour la projection de Taxi. Et les gens ont acclamé les comédiens de l’équipe de Taxi et moi aussi. J’ai eu droit à une acclamation alors que je ne joue même pas dans le film (rires).
Pas dans celui-là, mais vous commencez à avoir un petit bagage en matière de cinéma. Déjà deux films à votre actif, Les Cachetonneurs et plus récemment Le Battement d’Aile du Papillon…
Oui. Les Cachetonneurs, je trouvais l’idée intéressante d’autant plus qu’à l’époque je jouais mon propre rôle. Celui d’un musicien qui a besoin de gagner des cachets pour devenir intermittent du spectacle. C’était marrant, entre copains. Le réalisateur, le producteur… On était tous potes.
Revenons au public d’Alger, vous avez été reçu là-bas aussi bien que Roger Hanin ou Sami Naceri.
Ils me connaissent par le satellite et par les clips. Pour eux, je crois que je représente un peu leur fierté : issu de la troisième génération, membre de la communauté algérienne, ayant pas trop mal réussi son début de carrière dans le raï, etc. En Algérie, il y a même quelqu’un qui regroupe un peu tous les commentaires que l’on fait sur moi.
Et alors, quels sont ces commentaires ?
La question qui revient le plus souvent, c’est : «A quand un concert en Algérie ?». Parce qu’ils ont vu ou su que j’avais joué au Liban et en Tunisie. Alors, ils voudraient me voir chez eux à Alger ou à Tlemcen, chez ma grand-mère. Cela fait partie de mes rêves. Khaled a fait un concert à Alger en octobre pour des enfants diabétiques. Alors pourquoi pas moi ?!?
Mohamed Mestar qui est votre manager dit de vous que vous étiez tellement acharné au travail à vos débuts que vous n’avez quasiment pas eu d’adolescence…
C’est vrai que je l’ai tanné pour qu’il s’occupe de moi et je crois que, plus que mon talent, c’est mon insistance, ma conviction qui l’ont convaincu… C’est vrai que je bossais beaucoup. Les médias parlent du "miracle", de l’avènement du petit prince du raï. Je suis arrivé vite certes, mais on a travaillé énormément avec tous les potes musiciens qui m’entourent. Que ce soit M, Gérald Toto ou maintenant Patrice Goraguer. A Mantes-la-Jolie, mes copains allaient s’éclater au foot l’après-midi. Moi j’allais répéter et prendre des cours de chant. C’était comme ça. Pour que j’avance, il fallait faire ca. Mais je ne regrette rien, le jeu en valait la chandelle.
C’est sur ce passé que vous revenez dans Je me Souviens l’une des chansons de Samra ?
Je me souviens, c’est l’amour d’une ville, d’une maman, de Dieu… J’ai fait un petit bilan de ces quatre dernières années. Mon père bossait pour nourrir toute la famille. Ma mère faisait des petits boulots et donc, on a eu une enfance un peu difficile. Pas malheureuse, mais pas facile non plus… Et donc, je me souviens un peu de tout cela. Je m’adresse à ma mère dans cette chanson en lui disant que je n’oublie pas tous ces moments difficiles où on n’avait pas d’argent et peu d’amis.
C’est une chanson qui se rapproche de Mantes-la-Jolie ?
L’amour d’une ville dont je me souviens aussi. J’anticipe la question d’ailleurs. Parce qu’on va dire : «Oui ! Voilà, il l’a promue de telle façon, parce que ça fait bien. Bla bla bla.»
Je n’ai encore rien dit.
Non ! Mais j’anticipe. Je commence à être pro…. Et donc on peut dire : «Il l’a faite parce que… »
Parce que d’autres artistes ou stars françaises comme le footballeur Nicolas Anelka, le chanteur Doc Gyneco ou l'humoriste Jamel Debbouze font régulièrement référence à leur ville d’origine alors qu’ils ont un peu perdu le contact par la force des choses…
Je l’ai faite parce que comme on dit, nul n’est prophète en son pays. Et quand j’étais à Mantes à mes débuts, je faisais les prime time des émissions de télé et puis ensuite, le lendemain matin, je disais salut aux copains. Eux ne comprenaient pas très bien quel jeu je jouais. Il y avait un décalage phénoménal. Le regard de l’autre est parfois dur à supporter. Donc cette chanson m’a permis de donner mon point de vue et une explication à ceux que je connais au Val Fourré et de leur dire que je pense toujours à eux. Que je ne les oublie pas. D’ailleurs, j’ai tenu à ce que ce titre, revienne à RDC Radio Droit de Cité, une radio locale des Yvelines pour que tous les habitants de Mantes et du Val Fourré puissent entendre ce titre avant tout le monde. En clin d’œil, en hommage...
On dit de vous que vous êtes un peu l’héritier de Cheb Hasni. Que vous avez un peu un côté chanteur de charme…
… rires … Chanteur à minettes, c’est cela que vous voulez dire ? On disait cela aussi de Patrick Bruel à ses débuts. Mais moi, je trouve que ce mec-là, vieillit bien. Il gère bien sa carrière. On aime ou on n'aime pas ce qu’il fait mais il a su négocier le tournant et vieillir en gardant son public. Et bien j’espère que je saurai en faire autant à long terme. Parfois, c’est un peu pénible d'être sollicité au coin de la rue, quand tu t’arrêtes à un feu rouge. Mais bon ! On est des marchands de bonheur alors il faut assumer. Quand je regarde ce qui m’arrive, je crois que je fais partie des privilégiés, à 22 ans, de sortir un deuxième album. Il n’y a vraiment pas de quoi se plaindre.
Faudel Samra (Mercury / Universal) 2001