ST GERMAIN À LONDRES
Londres, le 21 février 2001 - Après l'Australie, c'est au tour de la Grande-Bretagne d'accueillir Ludovic Navarre alias St Germain et son "jazz band". Les aficionados britanniques n'ont eu que deux dates à se mettre sous la dent : Londres et Manchester.
Ambiance électrique au Forum
Londres, le 21 février 2001 - Après l'Australie, c'est au tour de la Grande-Bretagne d'accueillir Ludovic Navarre alias St Germain et son "jazz band". Les aficionados britanniques n'ont eu que deux dates à se mettre sous la dent : Londres et Manchester.
Autant dire que plus d'une semaine à l'avance, nombreux étaient les fans déçus de ne plus pouvoir trouver un ticket disponible. Dans un pays où la pop music est reine, St Germain a été l'une des "invisible success stories" de l'année dernière selon le quotidien The Guardian. Et si on demande à Ludovic Navarre une explication à ce succès, il répond : "Je n'ai toujours pas compris, mais je ne cherche pas à comprendre. Je fais de la musique qui me fait plaisir et si ça marche, tant mieux. Je ne comprends toujours pas pourquoi l'album Boulevard a eu ce succès à l'époque et pourquoi celui-là en a aussi, ça me dépasse !". Monsieur St Germain est l'antithèse de la "pop star" et pourtant, c'est devant une salle comble qu'il s'est produit à Londres le 9 février.
Son auditoire est plutôt constitué d'adeptes de house que de clubs de jazz. Des gens pour qui St Germain rime plus avec électronique qu'avec acoustique. C'est justement la curiosité de voir ce que Ludovic est capable de faire sur scène, qui a poussé plus de 2000 personnes à se déplacer au Forum dans le nord de Londres. Et c'est dans une ambiance électrique, après avoir apprécié en première partie de soirée Erik Truffaz et Zimpala, que les premières notes de l'album Tourist ont commencé à résonner dans la salle.
Dans un déluge de décibels, saxophone, trompette, piano, guitare, batterie et percussions font leur entrée sous le regard vigilant de leur chef d'orchestre Ludovic Navarre. Du haut de sa tour de contrôle, il enchaîne boucles rythmiques et lignes de basses avec ses machines pendant que ses acolytes rajoutent le côté acoustique. St Germain sur scène, "c'est comme une jam. Tout le monde est libre mais sans faire n'importe quoi. Si quelqu'un est bien et veut jouer avant l'autre, il peut y aller", nous expliquait Ludovic avant le concert.
Malgré son côté perfectionniste qui l'a fait passer des heures devant son ordinateur à réarranger les prises de son destinées à l'album, pour la scène son point de vue est différent : "En live, disons que c'est autre chose. Je me rend moins compte à cause de l'ambiance qu'il y a avec le public. Et je ne suis pas à vouloir des notes parfaites. Les gens du jazz sont plus à la recherche du perfectionnisme que de l'émotion. Là, il y a vraiment un contact avec le public. Les gens ne sont pas assis mais dansent! Il y a aussi ce décalage sur scène avec les musiciens qui découvrent ce nouveau style et qui apprécient car le public les motive vachement. Ils n'ont pas l'habitude de jouer tous les soirs devant quasiment 2.000 personnes en train de hurler !".
Et justement quand Ludovic lance les premières notes de Rose Rouge agrémentées de la voix de Marlena Shaw chantant via DAT "I want you to get together", le public est conquis. Certainement le fait qu'il ait été utilisé par BBC Television afin d'illustrer une publicité pour le show radio de Gilles Peterson a contribué à accroître sa popularité. Les morceaux de l'album s'enchaînent et sur scène les musiciens font le spectacle. Même si la musique de St Germain tient ses origines de la house, le concept acoustique recueille une très bonne réaction du public. Quant aux aficionados de Blue Note, et il y en avait ce soir-là, ils étaient loin d'être indifférents aux beats électroniques. Effectivement, quand on a demandé à Ludovic comment a été perçue l'arrivée d'un artiste comme lui au sein du label, il nous a répondu : "50/50, très sincèrement. Et ça m'a beaucoup étonné. Je pensais être beaucoup plus rejeté que ça. Mais disons que le phénomène internet et l'arrivée des ordinateurs dans les foyers ont permis une ouverture sur cette musique-là. Certainement que ces gens-là ont compris que c'était comme un instrument en fait, et qu'il fallait autant le travailler qu'un saxophone ou un piano par exemple. Quant à mes musiciens, ils sont tous convertis à l'électronique et ont tous acquis un ordinateur."
Grâce à sa musique, Ludovic a ouvert l'esprit de nombreuses personnes et démontre que l'électronique apporte un côté contemporain au jazz. Peut-être que ses expérimentations vont inciter de plus en plus de jeunes à écouter la musique d'une autre oreille. La structure complexe et le côté organique de ses compositions démontrent que les machines ont aussi une âme, comme tout instrument. Les dernières barrières érigées par les "puristes" risquent de tomber. Et grâce à sa musique, le public house va s'ouvrir au jazz. En une heure et demi, il nous a prouvé que l'électronique se marie très bien avec l'acoustique. Et quant aux musiciens, ils découvrent cette interactivité avec ce public si particulier que seuls les DJs avaient la chance d'apprécier jusqu'à présent.
Après son passage à Londres, la tournée mondiale de St Germain est loin d'être terminée. Parmi les dates à venir sont prévus Detroit et Chicago. Pour Ludovic, ces prestations vont avoir beaucoup de signification ; il va jouer sur les terres qui ont donné naissance au mouvement qui a fait de lui, aujourd'hui, un novateur.
Pascal Médecin