Gainsbourg : le pavé Verlant

Gilles Verlant, le plus fécond des gainsbourologues, a publié la somme d'une douzaine d'années de recherches : Gainsbourg, un pavé de presque huit cents pages. Dans l'anecdote comme dans l'analyse, il y a là les trésors que l'on attendait d'une biographie définitive.

LA biographie

Gilles Verlant, le plus fécond des gainsbourologues, a publié la somme d'une douzaine d'années de recherches : Gainsbourg, un pavé de presque huit cents pages. Dans l'anecdote comme dans l'analyse, il y a là les trésors que l'on attendait d'une biographie définitive.

Gilles Verlant avait déjà publié un certain nombre de livres sur Gainsbourg, biographies de deux ou trois centaines de pages, recueils d'aphorismes ou de photographies. Voici sa somme, son ouvrage sans doute final, LA biographie. L'ampleur de l'entreprise est étourdissante : 762 pages, plus de trois cents témoins interrogés, des milliers d'articles et de documents audiovisuels dépouillés ainsi que quelques dizaines d'heures d'interviews avec Serge Gainsbourg lui-même.

Commencée avant la mort du chanteur, cette entreprise gigantesque est forcément une mine d'informations, à commencer par la très romanesque aventure de Joseph et Olia Ginsburg, juifs russes fuyant la révolution d'Octobre et l'antisémitisme russe. Là, Verlant a puisé à la meilleure source: l'autobiographie inédite du père de Gainsbourg. De même, il a pu puiser dans l'abondante correspondance entre Joseph Ginsburg et ses filles, source incomparable pour comprendre le Gainsbourg intime. Ainsi, Verlant peut émailler son récit d'un nombre incroyable de précisions personnelles, que son enquête amplifie encore, comme avec les interviews des premières compagnes et épouse de Gainsbourg.

Car il a rencontré tout le monde ou presque, ce qui apporte sur chaque période de la vie et de la carrière du chanteur des éclairages complémentaires. Il présente la plupart des témoignages de manière brute, en une sorte de récit polyphonique des proches et des amis, des artistes ou techniciens qui travaillent avec lui, et de Gainsbourg lui-même. Par exemple, pour le tournage du film Equateur, on voit se succéder en quelques pages Gainsbourg, Barbara Sukowa, Francis Huster, le chef opérateur Willy Kurant, Bambou et France Roche.

Gilles Verlant a eu l'honnêteté de ne pas se cantonner aux amis du chanteur, mais de rencontrer aussi de nombreux témoins ayant quelque raison d'être brouillés avec lui, et qui apportent souvent une note corrosive au portrait, comme Alain Chamfort qui raconte leurs difficultés à réaliser ensemble un album ou France Gall qui évoque l'évolution aigre-douce de leur rencontre professionnelle.

On sait gré à Gilles Verlant de ne pas être aveuglé par sa passion pour son sujet, de ne pas esquiver les sujets embarrassants dans la vie publique comme dans la vie privée de Gainsbourg. Il apporte ainsi de nombreuses informations jusque-là inconnues sur les amours du Gainsbourg d'avant la gloire, qui expliquent une bonne part de son attitude future à propos des femmes et constituent le "sous-texte" de nombreuses chansons.

Justement, dans l'étude de l'œuvre, Gilles Verlant apporte beaucoup d'éléments nouveaux, entre autres par le recoupement de sources (archives Philips, lettres, anecdotes rapportées par des témoins, fiches Sacem) qui permettent d'établir la généalogie de ses chansons. Tout en suivant un plan strictement chronologique, il prend le temps de détailler, disque après disque, concert après concert, ce que chante Gainsbourg. De plus, il replace toujours la production gainsbourienne dans un contexte que le temps a estompé.

Ainsi, il revient scrupuleusement sur les succès et insuccès d'une carrière qui mettra longtemps à être acceptée et comprise par le grand public, autant en examinant les ventes de disques qu'en étudiant les réactions critiques dans la presse. Somme unique d'informations, inépuisable mine de détails, voici la biographie définitive de Gainsbourg.

Gilles Verlant Gainsbourg (Albin Michel) 2001