Positive Black Soul
Avec leur tout nouvel album, les Positive Black Soul (PBS) de Dakar tracent le constat agité des cinq dernières années écoulées depuis leur Salaam fondateur d’un bouillant hip hop africain francophone.
Run Cool
Avec leur tout nouvel album, les Positive Black Soul (PBS) de Dakar tracent le constat agité des cinq dernières années écoulées depuis leur Salaam fondateur d’un bouillant hip hop africain francophone.
Depuis leur fracassante première galette publiée sur le label Island en 95, on s’ennuyait un peu de l’entêtant cocktail de tradition et de modernité concocté par les Positive Black Soul.
Pourtant, depuis deux ans déjà, circulaient exclusivement au pays leurs deux nouvelles K7 intitulées NY-Paris-Dakar (Vol I et II) avec K-Mel et KRS-One. Signé en direct par Island-Londres, PBS s’est retrouvé au milieu d’une guerre ouverte entre Chris Blackwell et les repreneurs de son label au palmier. Avec l’aide d’un avocat, le groupe récupère les bandes de ce second album inédit. Et par chance, voire incroyable coïncidence, PBS va se dénicher un nouveau producteur l’année suivante au MIDEM , avec Van Gibbs, fondateur du label Palm Tree Enterprises. Et c’est ainsi que PBS change de palmier en choisissant de travailler avec un proche des Fugees, de Toni Braxton, de Shabba Ranks, de Patra, des Fat Boys, de Public Enemy, d’Angie Martinez comme de nombreux artistes des Caraïbes liés à cette super-structure de production. On retrouve d’ailleurs invité sur l’album Run Cool Ky Mani Marley, l’héritier. Rencontre avec Didier Awadi et Doug E Tee, les deux têtes pensantes de PBS, au lendemain de leur concert parisien.
Doug E Tee : Au contraire, c’est plutôt nous qui avons inspiré ce renouveau. Quand je dis « nous », cela n’est pas seulement PBS, mais plein de groupes de rap, la jeunesse et la presse privée qui ont su imposer ces changements, cette alternance. Aujourd’hui, même le Président de la République le reconnaît ; il l’a declaré dans la presse : « si le Sénégal connaît le changement, c’est grâce à la presse privée et surtout aux rappeurs et à la jeunesse ». Nous sommes des leaders d’opinion et nos textes racontent des choses que nous vivons tous les jours, dans notre environnement naturel.
Dès la première chanson Redemption on se dit que c’est un peu votre histoire à vous, cette rédemption !
Didier Awadi : Pour beaucoup ce titre aurait dû être celui de l’album, comme l’image d’un groupe qui survit à toutes les épreuves. C’était un réel défi pour nous, mais c’est justement ce qui nous pousse en avant.
Le 1er extrait de l’album Xoyma est électronique, moderne, syncopé. Un titre à la fois primitif et futuriste ?
DET : Xoyma signifie « montre-moi ! » , c’est une chanson d’amour un peu fun . On s’adresse aux filles en leur disant : " montre moi ton amour et ton affection… et montres moi aussi ce que tu caches, si tu as d’autres choses à me montrer…", c’est une gentille drague quoi ! C’est un morceau où l’on joue sur les double sens... Ce qu’on dit, tu peux vraiment l’interpréter de différentes façons. D’une façon romantique…comme d’une manière très érotique !
Tout le morceau est un gigantesque jeu de mots ; il y a même des gens à Dakar s’ils ne sont pas branchés qui te disent : « C’est quoi Xoyma vous voulez dire quoi par Xoyma ? Xoyma quoi ? » … En tous cas, la majorité des gars et des filles de la rue se reconnaissent sur ce rythme. Il faut aussi préciser que si cette chanson sonne très électronique, le beat de Xoyma est basé sur le même principe que le mbalax. Ce beat très saccadé, très syncopé est en fait basé sur cette tradition ancestrale.
DET : Run Cool reflète tout l’esprit de ce projet : « don’t stop running, but run cool ! » chaque chose en son temps comme on dit chez nous. Par rapport à tout notre vécu avec PBS, on ne peut pas s’arrêter de courir, mais on va y aller cool, à notre rythme. Et les lauriers viendront en leur temps.
Ky Mani Marley qui vous accompagne sur ce titre a vraiment la voix de son père, c’est une ressemblance troublante.
DA : Pour nous, la famille Marley a beaucoup de talent , mais l’esprit de Bob on le retrouve vraiment chez Ky Mani … Je me souviendrai toujours de notre première rencontre, c’était déjà dans cet hôtel et le feeling a été immédiat, chaleureux. Nous avons le même tourneur et il travaille aussi avec Van Gibbs, notre producteur. On lui a fait écouter le morceau et il a tout de suite accroché. Ky Mani a donné son accord et nous l’avons enregistré ensemble dans la foulée à New York.
Comment allez-vous ? est incontestablement le titre le plus drôle, le plus détendu de l’album ; on y trouve la kora et aussi la modernité, cela sent le Sénégal : on est vraiment au pays !
DET : Comment allez-vous c’est parti d’un délire ; le rythme était là, on était en train de s’amuser et Didier a trouvé ce refrain. Van Gibbs l'a écouté en disant : « C’est bien çà ! Il faut le faire ». On s’est dit qu’il fallait vraiment un morceau déjanté pour que l’album ne soit pas trop sérieux, que les gens puissent se détendre sur un beat relaxant, rigolo. Live, il explose vraiment… le public suit. Et pour les Américains c’est furieusement exotique, ces petits mots français faciles à répéter. Nous l’avons fait justement un peu dans cet esprit Lady Marmalade , tu sais… « Voulez-vous coucher avec moi ce soir… ».
D’autant plus que dans TOUS vos morceaux on retrouve souvent TROIS langues : français, wolof, anglais…
DET : C’est pour que nos chansons restent ouvertes sur le monde, pour que tout le monde puisse s’y retrouver. On ne fait pas une musique juste pour les Sénégalais ou juste pour les Français ou juste pour les anglophones. On veut que tout le monde perçoive notre message, alors on essaie de faire le maximum …
Lyata a une mélodie familière ?
DET : Normal, c’est un emprunt à la « Zulu Nation » de Afrika Bambaata. Mais Iyata c’est déjà un refrain traditionnel yoruba, donc c’est retour à l’expéditeur, comme un classique africain. Un prétexte aussi pour parler de la connaissance de soi, de la connaissance de son passé ; car si on veut moins faire d’erreurs, il faut des bases. Si certains gamins font des conneries, c’est qu’ils ont manqué de repères, que les griots, les parents, les professeurs n’ont pas assez fait leur boulot. On a essayé dans cette chanson de leur tracer certains repères qu’ils pourraient méditer pour mieux vivre, et être en adéquation avec ce qu’ils sont réellement.
L’exemple donné par votre hip-hop africain à la communauté mondiale ?
DA : Le hip hop africain est assez jeune par rapport aux Etats-Unis et à l’Europe, mais tout cela n’est dû qu’à un manque d’infrastructures. Nous avons choisi de conserver notre langue en l’enrichissant avec le français ou l’anglais, comme de préserver dans nos chansons des instruments qui nous sont propres. Moi, je ne vais pas coller de la cornemuse dans ma musique alors que je peux mettre une flûte peule. Notre message, c’est de dire à tous les rappeurs africains d’être eux-mêmes, d’être naturels.
Sur la scène de la Cigale, Didier & Doug E Tee tiennent le micro dans leurs étincellants costumes traditionnels. Accompagnés d’un DJ, d’un chorégraphe qui danse avec eux, d’une choriste et d' instrumentistes traditionnels jouant le tama et la kora, les PBS font couler la rivière émotionnelle d’une intense séduction ébène furieusement contemporaine.
Positive Black Soul Run Cool (Palm Tree Enterprises/East/West) 2001