Miami danse

La Winter Music Conference de Miami Beach attire 5000 professionnels, DJs, responsables de labels dance, transe, techno, électro, jungle, trip hop et autres ramifications. Constat WMC 2001 (qui eut lieu le week-end du 24 et 25 mars) : le latino alternatif vire électro, et le français "touche" toujours.

Rendez-vous américain de DJs

La Winter Music Conference de Miami Beach attire 5000 professionnels, DJs, responsables de labels dance, transe, techno, électro, jungle, trip hop et autres ramifications. Constat WMC 2001 (qui eut lieu le week-end du 24 et 25 mars) : le latino alternatif vire électro, et le français "touche" toujours.

Dieu fait bien les choses : il fait super beau tous les jours, et la Winter Music Conference, évènement annuel consacré aux "arts de la platine", se passe en même temps que les vacances de Pâques dans les facs. Des centaines d'invités DJ viennent se ruer sur les plages en vinyle, et dix mille étudiants cuits s'effondrent sur l'autre plage. Le deep boom boom démarre tous les jours vers midi, labels et promoteurs donnant des fêtes sur les terrasses et plages des hôtels. Collégiens en liberté fournissent les corps et pendant une semaine, c'est Ibiza et Midem, salon professionnel et vitrine des tendances du moment.

Bien entendu les polémiques et les écoles s'affrontent. Mais cette année, dans une ville où les ressentiments sont encore très vifs (après le vol de l'élection présidentielle ici en Floride, et après le battage traumatisant autour du gamin cubain Elian Gonzales), au moins la Winter Conference cherche à apaiser, en annonçant avec le premier invité, DJ Stryke, un semblant de trêve. Oui, la paix règne ici, entre puristes irrédentistes et fans plus tolérants de transe mélodique - celle qui rend heureux, qui donne envie de pousser des la la la, yooo yoo, et waow waows béats, les mains en l'air. Une ambiance "tous ensemble" très Benetton régnait hier après-midi à l'Amnesia, une boîte à toit ouvert (ciblant en temps normal soit les gays, soit les rappeurs), bondée de DJs et de collégiens, de Blacks, Hispanos et même de Français, tous venus faire la fête avec Little Louie Vega sous les platanes et sur les platines, suivie six heures plus tard des divas de la soul James Ingram et Jocelyne Brown. Ailleurs, se produisaient les DJs suédois Adam Beyer et Christian Smith, le Canadien John Aquaviva, et le DJ de mille avatars, Carl Craig, qui depuis dix ans à Detroit, sous différents noms nous a livré d'incontournables tracks tels que Jam the box ou Bug in the Bassbin. Un des maîtres les plus samplés, Nile Rodgers du groupe Chic, a apporté les vrais Good Times face à la plage et les cocotiers. Et ce soir-là, un fondateur de Body & Soul, François Kevorkian est aux platines, en plein air. Les Anglais Sasha and Digweed sont parmi les fournisseurs de transe les plus connus cette année.

Représentants de la mouvance jungle (que certains ont déjà enterrée), les Londoniens Goldie et Groovridese se sont produits, ainsi qu'un autre ambassadeur de Londres censé les supplanter avec son style "two step"- l'ultra suave MJ Cole et ses divines Soul Sisters divas, pour une refonte R&B et jungle.

La French Touch touche toujours. Ici les boutiques, grandes ouvertes sur la rue, déversent le Costes mix. Dimitri from Paris est connu de tous, et la French Touch sied parfaitement aux musclés sur rollers ainsi qu'aux néo-hippies surfers sur skate-board (on ne se promène pas à South Beach, tous avancent de façon cinématique, en travelling, sur des roulettes…) Quelques Français semblent dominer le milieu des clubs ici - que ce soit l'impresario d'origine camerounaise qui dirige Bang ou les frères Millon, Pdg tentaculaires de plusieurs établissements les plus en vogue (Living Room, Café Tabac, Opium) connus pour leur clientèle de mannequins (ou de "wannabe" mannequins) et les hommes qui les entourent. Frime, portable, cigare, Testa Rossa décapotable, c'est la panoplie - chez les Millon brothers comme chez leur clientèle.

Une des vedettes de la conférence, Dimitri from Paris, dont la venue est claironnée dans la presse chaque année, joue ce soir-là. L'année dernière, il était chez les Millon brothers, au Living Room, clignant des yeux dans son fauteuil VIP derrière un cordon de velours. Cette année, il rejoint d'autres maîtres de la house, comme Tony Humphries, dans un club plus glauque, plus mélangé, plus "street".

D'ailleurs, un groupe de DJs gauchistes de Miami (ça existe et leur chef s'appelle Castro (!!!) Steven Castro... ) fait de la provoc' en organisant toute une série de fêtes parallèles, alternatives, appelées "l'anti-conférence". Pour être inscrit à la WMC officielle, les DJs et autres professionnels paient $300. Tous se promènent (comme nous, la presse) avec de gros badges autour du cou. Alors Castro et ses guérilleros font payer le double à toute personne portant un des badges "officiels".

Le courant le plus porteur semble être l'immense attirance entre artistes latinos et les sons électro, dance, transe et jungle. Pour ce WMC, un des plus excitants était la Nortec Collective, "nortec" un néologisme mélangeant "norteño" et "techno". La musique norteña pousse du sud vers le nord, traversant la frontière du "Nord" du Mexique, traversant le Rio Grande. La norteña est un mélange hilarant et tonique de rythmes polka (!!), cumbia, et d'une orchestration mariachi et rock'n'roll, de trompettes, accordéon et basse. La Nortec Collective exprime un souffle, une envie très forte chez les Latinos de se mélanger à la sensibilité trip hop. Sur la même scène de la WMC se produisaient aussi ces "alternatifs" du Venezuela - autant funk que latino - Los Amigos Invisibles, ainsi que l'Autrichien Rainer Truby et son Jazzanova, tous semblant affirmer le courant le plus excitant et profond du moment.

Miami, nouvelle capitale, plus Sud que Nord, accueille les cérébraux londoniens et parisiens le temps d'un long week-end/salon de DJs. Le sang et la sueur jaillissent encore une fois d'un Sud - électrifié.