MATT ET LE R'n'B À LA FRANÇAISE

Paris, le 17 avril 2001 - Non, décidément tous les porteurs de casquettes en baskets ne sont pas majoritairement adeptes d’un rap violent, pur et dur ! Un zeste de tendresse dans ce monde de brutes, Matt 23 ans, chef de file incontestable d’un authentique R’n’ B à la française, publie son second album d’une entêtante émotion ébène chaloupée.

Plus d'un tour dans son groove

Paris, le 17 avril 2001 - Non, décidément tous les porteurs de casquettes en baskets ne sont pas majoritairement adeptes d’un rap violent, pur et dur ! Un zeste de tendresse dans ce monde de brutes, Matt 23 ans, chef de file incontestable d’un authentique R’n’ B à la française, publie son second album d’une entêtante émotion ébène chaloupée.


Comme au tournant des années 80 avec l’explosion du rock hexagonal, le hip hop en bleu, blanc & rouge s’est fait sa place au soleil de nos disquaires en investissant son propre rayon : rap français. Mais parallèlement à ces séquences coup de poing, en fille légitime de la soul music, émerge depuis quelques années aux USA une tendance « R’n’B » sucrée candy dont les « baby baby » n’ont décidément rien à envier à ceux que sussuraient leurs aînés, de Barry White à Lionel Richie. Et comme le rap français a suivi l’exemple US, cette vague de la nouvelle soul est aujourd’hui transatlantique avec Matt Houston. Antillais métissé (son père est originaire de Guadeloupe, sa mère, qu’il a perdue, venait de la métropole), Mathieu G… va devenir Matt Houston, comme jadis Jean-Philippe Smet se métamorphosa en Johnny Hallyday pour exacerber son rêve américain et parvenir à faire twister les foules.

Élevé à Paris par son père, Matt dédiera son premier album à ce « papa poule », lui rendant aussi hommage à travers cette chanson Oh daddy où il chante : "T’as perdu ta femme et/ T’as été obligé de m’élever tout seul/ Et ça sans personne pour t’aider/daddy oh daddy….

C’est dès l’âge de sept ans que Matt va attaquer la musique, s’initiant au piano et à la guitare; mais très vite c'est le chant qu'il va préférer. Alors à quinze piges, armé d’une simple boîte à rythmes, il fonde son premier groupe, s’exerçant successivement au gospel, à salsa et enfin au rap pour forger sa voix. Avec des reprises aussi éclectiques, Matt et son groupe vont animer tant de soirées vers Saint-Mandé que cette période « balloche » va servir à roder sa voix. Au Lycée Paul Valéry, il rencontre des rappeurs, comme Pit Bacardi ou les X-Men, mais la frénésie, la brutalité parfois, du hip hop sied mal à son âme sentimentale, Matt va donc embrasser ce R&B si sensuel qu’il endosse comme une seconde peau. Comme il va apprendre à maîtriser cette vivacité de l'up tempo en charmeur lover particulièrement exercé.

Outre-Atlantique, de Babyface à R-Kelly, en passant par Sisqo, Blackstreet, Ginuwine, Maxwell, Montell Jordan et autres Kelly Price font déjà couler des rivières émotionnelles de leur nouvelle soul veloutée. Alors, de sa voix haut perchée, Matt va imposer ici son style neuf avec des ballades qui pulsent la chamade d’une pure "blackitude". Il a tout juste vingt ans et son tout premier single Je Tuerai Le Mâle sur le thème de l'amour éternel, accroche les radios sans plonger un seul instant dans la guimauve et le sirupeux.

En 99, Matt, son premier album éponyme, est publié dans la foulée avec ses textes insouciants sur la séduction (Donne moi du sexe) ou au contraire des mots plus graves lorsqu’il évoque le sida (Je veux la lumière) ou les barreaux de la zonzon (Dans la peau d’un bandit). Et surtout ce duo 12/0013 avec le Marseillais Def Bond dont le rythme aussi sensuel qu’électrochoqué, ne tarde guère à faire vibrer les décideurs des radios comme ceux qui les écoutent. Seul dans l’Hexagone à pratiquer ce « falseto » exacerbé, la voix du jeune Matt se répercute bientôt avec succès d’une compile à l’autre. "En fait on a eu une période de transition : est-ce qu’on attaque le deuxième album ou est-ce qu’on réinjecte des titres sur le premier ? Qu’est-ce qu’on fait ? On s’est dit qu’au point de vue du positionnement artistique, il n’y a rien de mieux que d’arriver avec un deuxième album à 23 ans. Des chanteurs de r&b, il n’y en a déjà pas beaucoup, alors un deuxième album, c’est crédible, on va parler de toi. On a choisi ça. J’avais bien sûr peur de ne pas faire mieux, comme tout artiste qui sort d’un succès. Mais après avoir fait quatre-vingt cinq chansons pour le second album je me suis posé moins de questions, j’ai suivi ma vibe."

Et sans jamais connaître le vertige, notre swingueur antillais parisien, va explorer deux ans plus tard de son second opus ce R&B d’altitude qui fait si bien décoller la rue. Enregistré au studio parisien Ferber avec son producteur et ami Sanders, le mentor de la structure Voix Publique et ex-rapper du groupe Réciprok, R & B 2 RUE est une collection inédite dans l’histoire de la négritude agitée. A travers ces 13 compositions, Matt explore un terrain francophone jamais exploré à ce jour, comme si Barry White avait soudain décidé d’adopter la prose de Molière. Car Matt excelle à ce jeu ébène sensuel et chaloupé de la séduction où sa voix presque féminine s’arrache à l’attraction terrestre.

Lorsqu’on lui demande ce qui inspire ces climats, il réplique au mensuel Buzz : "Le kif. Bien sûr, il y a des morceaux où l’on va tout de suite reconnaître les influences, comme ce titre 2 steps à la Craig David mais je ne m’en cache pas. On est à Paris, on n’a pas la même culture que les Américains, moi je kiffe Sisqo, Dr Dre, et ce que je kiffe je le mélange et ça donne mon style. J’essaie d’éviter ce qui est formaté single. Le titre qui passe en radio, "R&B 2 Rue", il y a pas mal d’argot dedans, ça ‘bounce’ mais c’est pas formaté." 

Incontestablement, ses déhanchements lascifs comme ses vocalises élevées de sa chanson R&B 2 Rue sont très inspirés de ceux du Philadelphien Sisqo. Et en filigrane, un incontournable et entêtant petit rythme latin prouve la montée en puissance de l’influence de cette culture pimentée. En 2015, la communauté latino sera majoritaire aux US et la bombe Jennifer Lopez n’est que la partie émergée de ce torride iceberg. Matt a su avec habileté surfer sur cette vague pour intégrer cet ingrédient neuf à sa formule de rythmes et de blues. Une formule à succès ! Et lorsqu’on lui demande s’il n’a pas peur de glisser vers la variété, Matt réplique : "On essaie toujours de garder un pied dans la rue. Là on a fait une tournée blacklist monstrueuse dans toutes les petites radios de France pour leur dire que même si je passe sur Skyrock , je ne les oublie pas. C’est ça aussi qui va trancher entre la variété et le hip hop. On est obligé d’avoir un pied dans la variété : c’est un travail, tu vends des disques et si tu n’en vends pas tu n’intéresses plus personne donc tu ne peux plus en sortir. Il faut continuer à plaire aux gens tout en ramenant des inédits pour la rue. Comme aux States où ils font plein de remixs bien street et après ils balancent des trucs un peu plus ouverts mais qui restent crédibles pour le grand public."

Entre Kassav, pour la saveur antillaise et R-Kelly, West Indies pulse sa sensualité tropicale. On retrouve aussi une vieille connaissance 12/0013, son fameux duo avec Def Bond qui rythmait déjà bien "marlou" son premier CD en louvoyant avec grâce entre nouvelle soul et rap tendre. Cybersex à la sensualité tactile, Aftershow un déhanchements cool, Cendrillon du ghetto délicatement ragga grâce aux performances du rugissant Lord Kossity ou encore Dans la peau d’un dealer en cinéma-vérité, Matt a décidément plus d’un tour dans son groove ! De même, il faudra aussi compter avec son titre 2 steps délicatement secoué Elles . Sur le thème de l’amour unisexe, Matt fait couler ses harmonies dorées comme le chocolat chaud se répand sur les profiteroles.

Comme il le dit si bien : "Il y en a pour tous les goûts. Des morceaux bossa, des morceaux ghetto, des textes à thème où je traite de l’homosexualité : une fille qui m’a quitté pour une autre meuf et qui est devenue lesbienne -une histoire qui m’est vraiment arrivé, un truc de fou ! - donc il y en a pour tout le monde. J’ai essayé de faire le plus ouvert possible." Nouveau rythmeur & blueseur de la rue, propulsé jusqu’aux étoiles par son style, Matt Houston paraît désormais sur orbite.

Gérard BAR-DAVID

R&B 2 RUE (BARCLAY/UNIVERSAL MUSIC)