Duteil au Québec
Alors qu'en avril, le Sommet des Amériques où manifestants du monde entier et 34 chefs d'État et de gouvernements convergeaient vers la capitale nationale du Québec pour débattre de la mondialisation, un militant d'une autre sorte visitait la Belle Province. Le Français Yves Duteil, éternel barde défenseur de la langue française, armé de mots, d'une guitare et accompagné d'un pianiste a en effet retrouvé le Québec pour y chanter à sa façon les contradictions du monde moderne.
Un Français au Sommet... de sa popularité
Alors qu'en avril, le Sommet des Amériques où manifestants du monde entier et 34 chefs d'État et de gouvernements convergeaient vers la capitale nationale du Québec pour débattre de la mondialisation, un militant d'une autre sorte visitait la Belle Province. Le Français Yves Duteil, éternel barde défenseur de la langue française, armé de mots, d'une guitare et accompagné d'un pianiste a en effet retrouvé le Québec pour y chanter à sa façon les contradictions du monde moderne.
Québec, déjà seule ville fortifiée en Amérique du nord, le fut encore plus encore en avril lorsque les préparatifs du Sommet des Amériques en limitaient l'accès aux seuls détenteurs d'autorisation. A quelques jours près, Yves Duteil aurait pu ne pas pouvoir s'y installer et y donner les deux spectacles à guichets fermés qu'il venait présenter à un public qui n'attendait que lui.
Artiste et homme engagé, le chanteur est maire de la petite municipalité de Précy-sur-Marne en région parisienne, aussi connue pour avoir été le lieu de résidence de Barbara jusqu'à sa mort en 1997. De plus en plus, Yves Duteil met des mots sur ses révoltes : La Tibétaine écrite pour une jeune fille enfermée dans une prison de Lhassa depuis 9 ans pour avoir chanté la liberté ou Grand Père Yitzhaak écrite après la mort de l'ancien chef d'état israélien témoignent de sa volonté de dénoncer l'injustice. Mais si l'étiquette de "chanteur engagé" lui colle à la peau, celle de poète ne le quitte pas non plus. Pour toujours, il reste l'auteur de deux des plus belles chansons francophones jamais écrites, Prendre un enfant par la main et La langue de chez nous, presque un hymne au pays de Félix Leclerc. C'est d'ailleurs après un séjour sur l'île d'Orléans chère à Félix qu'il composât une chanson dont il n'imaginait pas alors la portée, particulièrement ici, terre de tous les combats. D'ailleurs une partie des revenus du premier tour de chant a été versée à la Fondation Félix Leclerc pour aider la relève québécoise en matière de théâtre, chanson et poésie.
L
oin d'être sombre, son spectacle se balance entre légèreté et tendresse, La grande maison des vacances, Les Batignolles, entre réflexions et confidences. C'est ainsi que l'on apprend son lien de parenté avec celui que l'on ne présente plus que comme "l'affaire Dreyfus" et pour lequel il a écrit une des chansons les plus applaudies de la soirée. Même si la tournée acoustique entamée le 4 avril dernier au Gésù à Montréal et qui le conduit à travers tout le pays reprend une grande partie de son répertoire, ce n'est pas pour autant un spectacle de compilation de ses plus hits. On y découvre Yen sur l'incroyable capacité d'adaptation des enfants déracinés, et un duo virtuel, Mélancolie, sur un grand drap blanc avec Véronique Sanson.
Si l'artiste ne semble pas rattrapé par le temps, le public présent à la première était majoritairement vieillissant, amoureux de la langue française et pas très exigeant quand Duteil délaisse la chanson pour faire dans l'humour un peu prévisible, jeux de mots faciles mais pardonnés devant tant de gentillesse. On se sent médiocre de critiquer celui qui n'inspire que tolérance et tendresse dans un monde barbare.
En 1983, il présentait un tout premier spectacle dans la mythique salle L'Outremont qui après des années de sommeil, vient de renaître à la vie. Depuis, l'histoire d'amour n'a jamais failli. Duteil est presque une religion à lui tout seul. Artisan il est, artisan il restera contre vents et marées. Les flots ont beau l'éloigner de la rive des palmarès où la culture anglo-saxonne se fait plus présente que jamais sur la terre de Molière, il sait pouvoir compter sur ses admirateurs pour affronter les déferlantes. "Dans ce métier, on ne peut pas toujours être au sommet de la vague, il faut accepter d'être détrôné. Aujourd'hui ce n'est plus la lutte des Français contre les Anglais, c'est la lutte contre la mondialisation...". Un discours qui prend une toute autre dimension dans une ville sous haute surveillance où chanter du Yves Duteil est aussi un geste engagé.