RAOUL PETITE EST FOU !

Marseille, le 23 mai 2001 - Depuis une vingtaine d'années, Raoul Petite mène une carrière alternative loin des médias et pourtant, ce groupe singulier reste un nom du paysage rock français. RFI Musique les a rencontrés lors d'un récent concert marseillais.

Portrait d'un groupe atypique

Marseille, le 23 mai 2001 - Depuis une vingtaine d'années, Raoul Petite mène une carrière alternative loin des médias et pourtant, ce groupe singulier reste un nom du paysage rock français. RFI Musique les a rencontrés lors d'un récent concert marseillais.

Ne lui dites pas Monsieur Raoul Petite… parce qu’il n’existe pas ! D’après Christian Picard alias Carton, le chanteur-leader, c'est Frank Zappa qui aurait, entre deux titres de son Two Hundred Motels, présenté son bassiste sous le patronyme de Raoul Petite. Et comme, chez les Raoul, on est adorateur du musicien américain depuis plusieurs générations de pédales wah-wah, on a baptisé ainsi ce qui constitue en fait une big bande de très grands musiciens. «Environ cinquante musiciens sont passés chez Raoul en 22 ans d’existence !», s’extasie Carton. Ce qui ne facilite d’ailleurs pas obligatoirement la cohésion du groupe, qui s’est vu agonir plus d’une fois avant de repartir en vrilles musicales vers d’autres cieux extra-digestes.

Du funk au heavy metal, en passant par un bon gros reggae cuivré ou un rap résolument sans message, Raoul n’a qu’une loi, celle de la dérision. «Le chevalier pourfend avec l’é-pée et se défend avec l’é-cu», paroles à double tranchant qui font la joie du public des Raoul. Un public d’inconditionnels qui les suit depuis toujours, depuis leur création en 1978, surtout dans la région puisque les Raoul se sont formés autour de la petite ville vauclusienne d’Apt. «Ils me font trop rire, exulte Gérard lors du concert à Marseille en mars. Et puis surtout c’est des super-mega-gros géants de la musique. J’adore leur bonne basse qui flappe !».

«You prefer New York ou Los Angeles ? I prefer Carpentras !».

Et c’est vrai qu’il «flappe» sacrément, Frédéric Tillard dit Fred, le co-fondateur du groupe avec Carton. Entre le squelette d’un oiseau préhistorique pendu en devant de scène et le costume de toréador à longues cornes agrafé à un mannequin, Fred ne ménage pas ses doigts, même s’il reste le plus sage de la bande. A 51 ans, comme son copain Carton, Fred commence à fatiguer. Pas sur scène, ça ne risque pas ! Mais dans la vie, oui. Parce que la vraie vie de Raoul Petite, c’est finalement très peu les paillettes et les boas fuchsia comme ceux qu’arbore Mario, l’excellent trompettiste du groupe, pour servir le café au public. Non, c’est plutôt chantier de maçonnerie pour Carton et plonge dans un restaurant pour Fred. Les autres partagent leur talent avec d’autres formations, comme Les Négresses vertes pour Fabien, le tromboniste façon films de Kusturica.

«Avant, se rappelle Carton, pour répéter ou enregistrer, on louait des gîtes ruraux à 500 balles par jour dans lesquels on improvisait une salle de répèt’ et des dortoirs pour tout le monde, y compris les petites familles.» «Et puis on en a eu marre de ce bricolage, poursuit Fred. Le chien et les gosses à quatre pattes au milieu des branchements de la sono, on a voulu arrêter. Depuis un an, on a une maison fixe et équipée avec tout ce qu’il faut pour travailler. On s’est d’ailleurs mis aux ordinateurs et aux samples pour sortir un nouvel album beaucoup plus « commercial ». Jusqu’à présent, pour 100.000 personnes qui viennent nous voir aux concerts, c’est seulement 5.000 disques qui se vendent. On adore le spectacle. Mais maintenant faut qu’on arrive à vendre !!!»

Statue de la Liberté avec boule à facettes ou crucifix-bazooka à infra-rouges ?

Les délires scéniques des Raoul Petite ne les aident certainement pas à s’imposer comme grand groupe français. Ils ne veulent pas se prendre au sérieux. Du coup, personne ne les prend au sérieux ! La preuve : on les a souvent comparés au Grand Orchestre du Splendid. Vexant, en regard de leurs prouesses musicales, dignes héritières de la famille élargie Zappa-Higelin-Hagen-B52’s. Fred explique le « concept Raoul Petite » : «On aime beaucoup de choses à la fois : la BD, la poésie, la peinture, la bonne bouffe, l’encens, le patchouli,…Alors on veut mettre tout ça dans nos spectacles ! La musique, c’est chiant si ça n’éveille pas tous les sens !» Ainsi Irène, la choriste, éveille les sens en brandissant des seins en acier trempé, mais aussi (et surtout) en nous servant un extrait de Nina Hagen et de l’essence de Liza Minelli sans leur faire honte (à Nina et Liza). Quant à la « batterie à poêles » de Fabien, une fois passée la rigolade, elle retourne le public comme une crêpe et le laisse cuit.

«Quelle chaleur intrinsèque et vraiment structurée !», braille (sans rire) Carton avant de quitter la scène marseillaise. Et il ajoute : « Putain ! J’reviens demain !». On a à peine le temps de le lui souhaiter que déjà il n’y est plus. Dans le vide laissé derrière lui, on retrouve l’oiseau préhistorique, toujours pendu, mais cette fois-ci bras en croix, « l’entre-pattes » lesté de deux boules roses et coquines. On se dit que décidément Raoul Petite est passé par-là.

Karine Bonjour

Rire, c’est pas sérieux (Universal Music)
Raoul Petite en ligne