Festival de Fès
Le Festival des Musiques Sacrées de Fes a débuté vendredi 1er juin au Maroc. Cette septième édition rassemble de nombreux artistes venus d’univers, de pays et bien entendu de confessions très différentes. De la grande chanteuse de jazz américaine Abbey Lincoln qui s’est produite en ouverture aux chanteurs syriens d’Alep, la palette est large. Ambiance et découvertes.
Les Musiques Sacrées du monde entier représentées au Maroc
Le Festival des Musiques Sacrées de Fes a débuté vendredi 1er juin au Maroc. Cette septième édition rassemble de nombreux artistes venus d’univers, de pays et bien entendu de confessions très différentes. De la grande chanteuse de jazz américaine Abbey Lincoln qui s’est produite en ouverture aux chanteurs syriens d’Alep, la palette est large. Ambiance et découvertes.
De la ville nouvelle pour aller dans le centre ancien de Fes, la medina, il vous faut prendre un Petit Taxi rouge, les vitres forcément baissées et la radio toujours allumée. Vous avez alors le choix entre le match de foot qui oppose Fes à une autre ville marocaine, une antique cassette de Abdel Halim Hafez, crooner égyptien des années 70 ou encore de la musique gnawa. On vous déposera alors aux portes de la medina, là où les moyens de transports n’ont plus accès.
Un enchevêtrement de ruelles et d’impasses s’offrent à vous. Les embouteillages se forment quand deux mules surchargées se croisent. Là, vous n’avez plus qu’à vous aplatir contre le mur en attendant de passer. Cette ville fondée au VIIIème siècle devint quatre siècles plus tard un centre religieux, intellectuel et commerçant important. De cette période, Fes a hérité de très belles demeures, de palais, de medersas (écoles coraniques), et de mosquées d’une grande valeur architecturale. Aujourd’hui, bien que la medina soit en mauvais état, Fes bénéficie toujours d’une image de ville historique et culturelle très vive.
C’est donc dans ce cadre que se déroule le Festival des Musiques Sacrées du monde. L’intérêt porté aux musiques traditionnelles depuis quelques dizaines maintenant, s’est assez logiquement étendu aux musiques sacrées qui ne se cantonnent d’ailleurs pas aux musiques religieuses. On parle alors beaucoup plus de spiritualité. Fes est donc à cette occasion, le carrefour entre différentes cultures, entre Orient et Occident. Depuis 1994, date de création du Festival de grands noms de la musique mondiale sont venus se produire : la Sud-africaine Miriam Makeba, l’Espagnole Montserrat Caballe, les Derviches tourneurs de Turquie, la religieuse libanaise Sœur Marie Keyrouz qui cette année, fait pour la troisième fois le déplacement à Fes, etc.
Pour donner la pleine mesure de la beauté des musiques présentées, les deux lieux choisis pour les concerts sont exceptionnels : l’un est le Musée Batha, ancien palais construit au XIXème siècle dont le jardin sert de cadre pour les représentations de l’après-midi et qui peut accueillir quelques 400 personnes. On a pu cette année y entendre Afroz Bano, chanteuse du Rajasthan (Nord de l’Inde) ou Colenso Abafana, groupe de polyphonies zoulous originaires du Natal en Afrique du Sud. C’est à Bab Makina qu’ont lieu les concerts du soir dans une immense cour rectangulaire entourée de remparts de hauteur impressionnante. Cette ancienne manufacture d’armes, reconvertie en manufacture de tapis se transforme en lieu de concert à l’occasion du Festival des musiques sacrées et peut accueillir 4000 personnes.
Vendredi, pour la soirée d’ouverture, alors que la Princesse Meriem, sœur du roi Mohamed VI, assistait au concert, se sont produits sur cette scène, la chanteuse de jazz américaine Abbey Lincoln et la Daqqa de Taroudant (sud du Maroc). Cette dernière était très impressionnante. Selon la tradition, un groupe d’hommes est placé en arc de cercle sur la scène. Seules des percussions viennent soutenir le chant. Entre rythmique rapide et phase plutôt lente, il s’agit en fait de musique rituelle qui même si nous ne sommes pas dans les conditions requises pour les cérémonies, est quasi hypnotique. La « daqqa » - cela veut dire frappe, tape – est un art populaire soufie datant du 8ème siècle. Elle est reliée à des corporations de métiers. Celle de Taroudant est célébrée par les tanneurs et artisans constructeurs. La découverte de cet art, parfois assez complexe dans sa forme, permet une ouverture vers un autre monde, une autre culture. Ce type de concert où l’on pourrait se sentir parfaitement étranger, favorise au contraire une approche bénéfique et positive d’une autre civilisation. C’est sans doute la mission que s’est attribuée ce festival.
Valérie Passelègue