DECES DE CAROLE FREDERICKS

La choriste devenue vedette

Paris, le 8 juin 2001- Elle venait de fêter son anniversaire il y a deux jours à Dakar. A 49 ans, la "Black Mama" est décédée dans la nuit du 7 au 8 juin d'une crise cardiaque dans l'ambulance qui la transportait à l'hôpital après un dernier concert.

Q ui était Carole Fredericks?
Laissons Jean-Jacques Goldman qui l'a révélée nous la présenter (OK Magazine du 24 décembre 1990): " Carole est née à Springfield dans le Massachusetts. Elle est arrivée en France en 79. Et elle est devenue ce qu'on appelle un musicien de studio. C'est-à-dire de ces gens qui ont des capacités techniques extraordinaires et qui sont employés par tous les autres artistes. On l'a vue derrière beaucoup de chanteurs. Moi, je l'avais rencontrée comme ça et je lui avais demandé de venir avec nous sur scène, en 86. Maintenant, ça fait quatre ou cinq ans qu'on travaille ensemble. Et de plus en plus, j'ai appris à découvrir non seulement la voix qui est déjà assez phénoménale mais aussi le personnage qui est plein de générosité. "
La chanteuse américaine était en tournée en Afrique. Le Sénégal était devenu sa seconde patrie et elle y avait de nombreuses attaches, tant familiales qu'amicales " La première fois que j'y ai posé les pieds, je m'y suis sentie comme chez moi" déclarait-elle au quotidien France Soir voici deux ans.

E nfant de la balle, fille d'un pianiste et d'une chanteuse de big-band, elle se nourrie à l'école du gospel et fait ses classes en écoutant les idoles blacks des années 60. Les vocalises d'Otis Redding, Wilson Pickett, Aretha Franklin ou Sam and Dave n'ont bientôt plus de secrets pour elle. C'est en 1972 qu'elle commence à enregistrer avec son frère, le futur grand bluesman Taj Mahal.
En 1979 elle quitte donc les Etats-Unis pour la France. Elle s'y impose comme choriste auprès de pointures de la variété française. Michel Berger, Eddy Mitchell, Laurent Voulzy ou Alain Souchon ont cotoyé son imposante silhouette sur les scènes de France et de Navarre.
En 1986, elle rejoint Jean-Jacques Goldman sur scène, début d'une nouvelle aventure qui la révèle auprès du grand public. Tournée après tournée, elle impose sa voix au coffre impressionnant.
En 1990, Goldman au fait de sa gloire crée un trio inédit "Fredericks, Goldman & Jones".Ils sortent un album éponyme qui rencontre un gros sucès (600.000 albums vendus) et fait d'elle une vedette de la chanson française, paradoxe pour une chanteuse américaine.
Début 94, le même trio sort un second album "Rouge". Les trois artistes convient les Chœurs de l'Armée Rouge à chanter sur le titre qui donne son nom à l'album et le succès est toujours au rendez-vous: un million d'albums sont vendus.

C e succès donne des ailes à Carole qui entame une carrière solo en 1995. En décembre sort son premier album "Springfield" (nom de la ville où elle a vu le jour) et deux chansons sont composées par J-J Goldman: "Change" et "Jésus in me". Le second paraît au printemps 99. Intitulé "Couleurs et parfums", Goldman se fend de trois compositions pour ce dernier album.
C'est sur scène que Carole aime retrouver ses camarades artistes et on la voit réguliérement dans les tournées des "Restos du Cœur" et des "Enfoirés".
Le 8 mars dernier, on la retrouve avec une vingtaine de chanteuses (Princess Erika, Jocelyne Beroard, Rokia Traoré, Lâam…) sur la scène du Club Med World à Paris pour le concert annuel des Voix de l'Espoir. Les bénéfices du concert, qui se déroule dans le cadre de la journée internationale de la Femme, vont à un fonds destiné à financer la construction d'un hôpital panafricain pédiatrique à Dakar. Carole n'aura pas le plaisir le voir achevé.

"Au Sénégal, je me ressource et lorsque je rentre en France, je suis prête pour le combat" disait-elle. Son cœur n'en a pas voulu ainsi.

Pierre RENE-WORMS