MUSIQUE(S) SUR PARIS

Paris, le 22 juin 2001 - C'est sous un ciel radieux, que la France a fêté hier la 20ème Fête de la Musique, cette géniale opération créée à l'aube des années 80* et dont le virus a, depuis, gagné le monde entier (100 à 120 pays s'associent à l'événement). A Paris, au milieu d'environ 500 concerts recensés, nous avons fait un choix (ardu) pour vous raconter la journée dans la capitale. Suivez-nous !

Fête de la musique ensoleillée pour le 20ème anniversaire

Paris, le 22 juin 2001 - C'est sous un ciel radieux, que la France a fêté hier la 20ème Fête de la Musique, cette géniale opération créée à l'aube des années 80* et dont le virus a, depuis, gagné le monde entier (100 à 120 pays s'associent à l'événement). A Paris, au milieu d'environ 500 concerts recensés, nous avons fait un choix (ardu) pour vous raconter la journée dans la capitale. Suivez-nous !

A l'origine, les organisateurs de la Fête de la Musique avaient demandé aux Français de prendre leur instrument, d'éclaircir leur voix, et de descendre dans la rue soit pour jouer, chanter soit pour regarder, applaudir, participer. Façon de recréer une autre forme de fête nationale avec ses soirées officielles et ses initiatives spontanées et populaires. Le succès fut immédiat et ne faiblit jamais ! En 2000, environ 800.000 Français ont chanté ou joué d'un instrument et dix millions les ont écoutés en salle ou dans la rue.

D'année en année, le marketing s'est mêlé à la Fête. Gros plateaux, banderoles de pub en pagaïe font désormais partie du jeu. Mais le principe de base demeure intouchable : la gratuité. D'ailleurs, hors des grandes cités, les initiatives personnelles, associatives, scolaires et j'en passe, sont innombrables et ignorent le commerce.

Le lieu de notre première étape est du reste totalement étranger à la musique. C'est un hôpital, et pas n'importe lequel, l'hôpital Necker enfants malades. Dans son enceinte du 15ème arrondissement, exactement dans le Carré Necker, une vaste cour généralement silencieuse, trône aujourd'hui une scène qui pour la huitième année accueille un des plus généreux plateaux de chanteurs. En effet, cette opération, les Neck'Airs, a pour but de profiter de la Fête de la Musique pour que les enfants hospitalisés (environ 800 à Necker dont 500 ont moins de 15 ans) aient l'occasion de sortir de leur quotidien souvent douloureux, parfois dramatique.

Cette idée magique vient de deux membres de l'hôpital, Marc Salem, directeur de la communication et Jean-Marc Vigny, de la direction des soins infirmiers, qui, il y a huit ans, ont fait le pari d'accueillir quelques artistes sur une scène faite maison. Aujourd'hui, c'est un plateau de choix (23 artistes) qui se bouscule sur une scène, une vraie. Tous gracieusement, les chanteurs (et parfois magiciens, humoristes) offrent deux à trois chansons, plutôt des tubes. C'est ainsi que cette année, tout au long de l'après-midi, Michel Fugain s'est fendu de ses classiques, la Fête ou Fais comme l'oiseau, De Palmas a entamé directement avec Sur la route ou Henri Salvador qui en s'adressant le plus chaleureusement aux enfants, leur a fait un pot-pourri de ses Zorro ou le Blues du dentiste. En revanche, l'ex-tennisman reconverti chanteur, Yannick Noah, a raté le coche en ne chantant pas son Saga Africa réclamé par le parterre.

A côté d'un public largement composé d'ados, on croise quelques parents, du personnel médical, et dans une partie de la cour, est installé un carré spécial pour les quelques enfants malades qui ont pu descendre assister au concert. Leur présente est émouvante… Pour tous ceux - l'essentiel - qui n'ont pas pu sortir de leur chambre, le concert est diffusé sur le canal interne de l'établissement. Parfois, quelques petites têtes apparaissent des fenêtres entre deux blouses blanches. On imagine l'ambiance dans les services… Et surtout, on imagine l'impact d'une telle journée sur les petites têtes blondes qui – c'est un euphémisme – ont un sacré besoin de se changer les idées. Bravo aux initiateurs !

Deuxième étape, dans le 7ème arrondissement. Pas de deux, pas de quatre. La foule avance par grappes. Sur les trottoirs, à même le bitume, traînant qui un bébé qui une mamy souriante et dansante, ils s'agitent dans tous les sens. Certains rejoignent la Seine, certains se dirigent vers d'autres oasis musicales, miracles autoproclamés en ce 21 juin sur la capitale. Au 45, boulevard des Invalides, non loin de la rue Oudinot et du ministère de l'Outre-Mer où se déroule la fête caribéenne avec Malavoi et Edith Lefel, s'ouvrent les jardins de la coopération. Ici, se tient depuis dix-huit heures un podium à musiques venues de l'Afrique et de sa diaspora. Le groupe Mugar et ses ryhtmiques celto-berbères. Choubène et son raï algérien. Djoloff est sur scène au moment précis, où l'on passe le cordon de fouille à l'entrée. Trois lascars sénégalais en proie à la démence rap, en version authentiquement dakaroise, tentant à leur tour de posséder le public présent. On applaudit, plutôt deux fois qu'une. Mais la lassitude d'un jour aussi institutionnalisé vous poursuit. On a vu tellement de groupes, avant d'arriver jusque-là… que l'on finit par ne plus apprécier les bonnes choses. L'endroit soudain vous semble déplacé pour les ébats de mélomanes. Au fond, les gens sont là pour entendre un maximum de bruit et non pour se fendre d'un quelconque jugement sur le monde de la musique. On bouge, on s'agite un peu, on crie de joie au passage du Paris Salsa Alls Stars, à la suite des rappeurs, puis on rentre à la maison une fois le final proclamé. Même les musiciens ont l'air de s'embêter sur la scène. A quand la fin ? Demain, le travail reprend. Nous ne sommes que jeudi soir.

Enfin, dernière étape, à la fois institutionnelle et révolutionnaire vu son emplacement. Depuis quelques années, le Palais Bourbon, siège de l'assemblée nationale, prête sa célèbre façade à un très impressionnant concert. Si c'est une des plus grosses scènes de la Fête parisienne, c'est surtout, pour les artistes, celle qui offre le plus beau point de vue. Dominant la Seine, face à la place de la Concorde (haut lieu de la Révolution française deux siècles plus tôt) où une foule se presse vers le pont du même nom au pied de l'Assemblée, la vue est grandiose surtout lorsque le soleil commence à baisser, au début du concert de Yann Tiersen. Il est 20 heures. Au loin, la butte Montmartre semble une cerise sur le gâteau et les bateaux-mouches finissent d'animer la carte postale.

Lorsque le musicien s'installe, le soleil l'éblouit. Mais peu importe, il se lance et contrairement à ce qu'on aurait cru, sa musique intime ne se perd pas dans cette immensité. Au contraire. Avec sa formation réduite (quatre cordes, des ondes Martenot), son piano, son violon et son accordéon, Tiersen fait résonner son répertoire sur une foule qui l'acclame. Il faut dire que depuis quelques mois, il a passé un cap dans la notoriété. Le timide Rennais a en effet touché un plus vaste auditoire via la bande originale du film Le Fabuleux destin d'Amélie Poulain (Virgin) de Jean-Pierre Jeunet, carton du printemps (plus de cinq millions d'entrées). Ce CD s'est installé en tête des ventes entraînant dans son sillage le dernier album de l'artiste, L'Absente (Labels/Virgin).

Ce soir, il a fait venir quelques potes, Dominique A et Christian Quermalet de Married Monk reprenant es Jours tristes chanté par Neil Hannon sur l'Absente.

Quelques heures plus tard, après le passage chaud-chaud-chaud du Colombien Yuri Buenaventura et de son combo latino, c'est à FFF de clôturer cette soirée. Marco Prince et sa Fédération Française de Funk profitent de ce site symbolique pour rappeler que cette Assemblée a vu l'abolition de la peine de mort en 81 et il a par ailleurs évoqué les débats houleux qui ces dernières semaines ont fait entrer les raves et autres free parties au sein d'un hémicycle qui cherche à les réglementer, détruisant par là tout l'aspect libre et spontané de ce type de rassemblement musical. Rappel furtif pour redire que si ce soir les musiciens de tout poil ont le droit de pousser les décibels à fond, ils ont parfois besoin de se battre pour jouer.

Minuit. Il fait nuit, la grande roue de la Concorde et celle, proche du jardin des Tuileries, donnent l'impression d'être dans une gigantesque kermesse. Alors que tout Paris retentit encore de mille notes, des centaines de milliers de personnes, dont 15.000 à la Concorde, sont venues ce soir fêter les vingt printemps d'une Fête dédiée à un art millénaire.

Catherine Pouplain (Necker et Assemblée nationale)
Soeuf El Badawi (Ministères)
Photos : Catherine Pouplain (sauf FFF : Sophie Taïeb/seriaweb.com)

*Lire notre article LES 20 ANS DE LA FÊTE DE LA MUSIQUE