CERRONE
Paris, le 13 juillet 2001- Au coeur des fulgurantes années 70, le Français Jean-Marc Cerrone a exporté, avec succès, sa vision d’un certain Eldorado disco en version «étendue» et au beat lascif. Après une longue traversée du désert, il est enfin coopté par les p'tits gars de la French touch à succès (Bob Sinclar, Modjo, Air….). Notre batteur revient enfin à ses chères pistes de danse, en disco-king couronné.
La rédemption de Cerrone
Paris, le 13 juillet 2001- Au coeur des fulgurantes années 70, le Français Jean-Marc Cerrone a exporté, avec succès, sa vision d’un certain Eldorado disco en version «étendue» et au beat lascif. Après une longue traversée du désert, il est enfin coopté par les p'tits gars de la French touch à succès (Bob Sinclar, Modjo, Air….). Notre batteur revient enfin à ses chères pistes de danse, en disco-king couronné.
Juin dernier, une heure du matin, au VIP Club des Champs-Élysées, Jean-Marc Cerrone semblait enfin retrouver ses marques. Accompagné de son légendaire groupe Kongas aux percus et de sa vocaliste fétiche Jocelyn Brown, il renoue avec un public parisien chauffé à blanc pour cette première scène française, depuis près de vingt ans. A nouveau prophète en son pays, ce batteur disco prolifique, jadis surnommé "le bûcheron" et longtemps raillé pour ses longues plages "poum-chackées", revient aujourd’hui sous le soleil. Son nouvel album compile-remix-évènement Cerrone By Bob Sinclar, est un véritable florilège de titres revisités par ces DJ’s aux doigts d’or. Propulsées par cette puissante tendance house hexagonale, les séquences discoïdes de Cerrone remixées et échantillonnées par Bob Sinclar ou Modjo sont soudain remises au goût du jour. Nostalgie d’une époque insouciante et glamour…
Parallèlement, les cinq tomes principaux (I, II, III, IV et VII) de son œuvre sont réédités, soit Love in C Minor, Cerrone’s Paradise, Supernature, Golden Touch et You Are The One . Ils ressortiront également en vinyl courant juillet, sous la bannière de son propre label Malligator. En effet, Cerrone le fûté a su, contrairement à tant d’autres, préserver au fil des ans, la propriété artistique de sa colossale discographie de 24 albums.
Disco-music
Le pied de batterie résolument en avant, tel le 101ème de cavalerie à la charge, les violons virevoltants, les cuivres incendiaires et le groove swinguant d’un "je ne sais quoi latin", le son Cerrone déboule sur les pistes de danse en cette année caniculaire de 1976. L’Amérique célèbre alors le bi-centenaire de son independance. Merci Lafayette, bonjour Cerrone ! Pourtant en France, les radios (grandes ondes du monopole d’Etat de l’époque) refusent obstinément de cautionner cette sous culture disco en la programmant sur leurs antennes. Chassez le naturel des ondes, il revient au galop dans les clubs.
Avec sa musique à danser, précédant résolument la foulée fêtarde de cette Fièvre du Samedi Soir des Bee Gees, comme ses pairs Giorgio Moroder, le producteur de Donna Summer, Barry White, Nile Rodgers et tant d’autres, Cerrone invente le concept même de disco-music. "J’ai été très vite marginalisé", se souvient aujourd’hui le batteur, "tout de suite, je me suis retrouvé dans un tiroir, car on disait que je faisais de la musique de "discothèque". Un jour, pensant faire un jeu de mot en marketing, j’ai enlevé le " théque" pour en faire un sticker Cerrone N° 1 de la disco, je voulais dire de la musique de discothèque mais l’expression est restée…"
Rencontre avec Barclay
En fait, c’est en 1972, grâce à sa rencontre avec Eddie Barclay que démarre la carrière de Jean-Marc Cerrone. Le fameux fumeur de cigares qui avait déjà cornaqué tant de stars, de Brel à Vian en passant par Brassens, avait repéré tout le potentiel de cette formation de percus. Ainsi, Kongas s'est donc produit aux quatre coins de l’Hexagone. Cerrone s’en souvient avec nostalgie : "Rien que de mettre le logo Barclay sur l’affiche remplissait la salle, c’était comme un label de qualité ou du moins un label d’intérêt."
Mais fin 74, avec l’arrivée des groupes pop comme Martin Circus, leur directeur artistique cherche obstinément à les couler dans le moule. "Notre vision rock and roll utopique était décalée, c’était devenu du pipeau !", rappelle Cerrone. Kongas préférera bravement se saborder. C’est alors qu’il décide de jouer son va-tout.
Love In C Minor
De ses propres deniers, il finance l’enregistrement de son iconoclaste Love In C Minor au légendaire Trident Studio de Londres où Genesis bosse ses planeries dans la cabine d'à côté. "Cela ne m’intéressait pas de faire de la pop. J’ai arrêté pendant je crois un an et demi, deux ans, je n’en pouvais plus, je n’y arrivais pas. J’ai alors produit un album qui était pour moi le dernier, après j’arrêtais la musique… C’était mon chant du cygne ce Love In C Minor ."
Avec une intro de "super bimbos qui gloussent" et 16mn 17s d’un bonheur punché, taillé sur mesure pour les discothèques, l’album est à des années lumières de la pop. D’ailleurs notre batteur se fait largement claquer la porte au nez de toutes les majors. Mais il ne se dégonfle pas et publie l’objet sur son propre label Malligator, allant jusqu’à livrer lui même les disquaires. La suite appartient à la légende.
Sur la pochette, Jean-Marc moustachu mucho-macho-sexy et vraisemblablement "à oilpé", comme dirait Gotainer. En kimono noir et accompagné d'une bombe en tenue d'Eve, il suggère toute la débauche de ces années libertines nées de la rencontre de la pilule et des baby-boomers... Ahmet Ertergun, le patron d’Atlantic va, à son tour se laisser piquer par cette fièvre disco et son puissant label sera le vecteur qui va promouvoir cette nouvelle musique à danser. Bingo !
Succès aux States
Love In C Minor pulvérise tous les records de vente. Cerrone débarque à Los Angeles pour recevoir ses premiers Grammy Awards. Il ne tarde guère à succomber à cette Cité des Anges qui lui offre un triomphe de vainqueur, lorsqu’en France on le raille encore. Cerrone s’installe définitivement en Californie, même s’il continue à enregistrer à Londres ou Paris. "Ce Grammy tu ne sais pas ce que cela pouvait représenter pour un Français comme moi, né banlieusard, qui a dejà affronté tant de difficultés. Avec un tel instrument, se mettre en avant n’a pas été pas aisé. Et en plus je ne chantais pas ! Moi j’étais plutôt maître-chanteur, ce que je suis toujours d’ailleurs. Non, cela n’était pas commun et pas facile. Alors, tu ne te poses même pas la question de rester en France où les gens te regardent de travers, te considèrent tout juste comme un bûcheron !" L’année suivante, en 78 celle de Saturday Night Fever, notre batteur rafle carrément cinq Grammies!
"Salut les mecs!"
Jusqu’en 84, notre moustachu continue ainsi à agiter les discothèques et puis, comme souvent dans toute carrière, survient l’érosion. Balayé par le punk, la disco et ses héros sont relégués aux bacs des soldeurs. Mais Cerrone, auteur/compositeur/interprète/arrangeur/producteur pouvait sans doute mieux résister. Il l’explique d’ailleurs : "Je n’ai pas eu besoin d’enregistrer de nouveaux disques pour vivre, j’ai un gros catalogue qui tourne sans arrêt. Ces trois dernières années, j’ai du être impliqué dans 70 compilations à travers le monde."Comment Cerrone vit-il son nouveau retour en grâce ? "Moi à l’époque, par rapport aux copains, quand j’ai senti venir le fléchissement des ventes, j’ai pris la file de l’air, j’ai fait "salut les mecs !" J’avais, Dieu merci, bien vendu, donc je savais que je pouvais tenir autant que je voulais."
Cerrone prend sa revanche
"Mais aujourd’hui tout se passe avec naturel, car je n’ai une fois de plus rien forcé, rien provoqué. C’est pas du business, c’est vraiment les mômes qui ressortent le truc, ces gamins qui s’en vont piquer les vieux vinyls des parents, c’est cette génération qui intéresse les DJ's qui samplent mes morceaux en les remixant…"
La revanche de Cerrone n’est-elle pas aussi celle de la musique électronique, essentiellement instrumentale, qui a su ainsi dépasser les barrières de la langue ? "Tout ce qui m’avait manqué à une période, le fait que je ne sois pas chanteur, d’être sur le devant de la scène en tant qu’instrumentiste, hormis les Américains qui m’ont primé là-dessus, tout le reste c’était très difficile à vivre. Aujourd’hui, ce qui est génial c’est que le fait de ne pas être chanteur devient un atout, car tous ces DJs ne samplent que la partie musicale pour leurs mixes. Les choses doivent venir d’elles-mêmes, il faut savoir être patient. Moi j’en avais rien à secouer, mais vraiment sincèrement. Je pourrais te dire : " Il y a longtemps que j’attendais cela, c’est une revanche !" Pas du tout ! ".
En 1972, Cerrone signait avec Eddie Barclay. En 2001, ce mythique et frénétique catalogue Malligator, indisponible depuis des lustres en pressage français, revient… chez Barclay (Universal). Encore un signe du destin !
Gérard BAR-DAVID
Cerrone By Bob Sinclar Malligator/Barclay (dist. Universal)