LOVE PARADE

Berlin, le 25 juillet 2001 - C’est dimanche 22, tard dans la soirée que s’est achevée la 13ème édition de la Love Parade de Berlin. On la jugeait trop commerciale et en perte de vitesse, bilan : 850.000 personnes. Pour RFI Musique, Willy Richert a passé cette Parade sur le premier char français.

Les mixes français pulsent à Berlin

Berlin, le 25 juillet 2001 - C’est dimanche 22, tard dans la soirée que s’est achevée la 13ème édition de la Love Parade de Berlin. On la jugeait trop commerciale et en perte de vitesse, bilan : 850.000 personnes. Pour RFI Musique, Willy Richert a passé cette Parade sur le premier char français.

"Boris, un jeune français habitué de la Love Parade, me disait juste avant de se rendre sur le char français "Tu vas voir, de retour à Paris, quand tu devras raconter ce que tu as vu, tu ne pourras pas ! La Love Parade ça ne s’explique pas, ça se vit !" Effectivement, difficile de décrire l’indescriptible. Depuis 13 ans cette parade a connu des hauts (1,5 millions de fous de techno à son paroxysme en 1999) et des bas (500 la première année et une fréquentation quelque peu à la baisse depuis ces deux dernières années). De mauvaises plumes, les mêmes qui annoncent des chiffres incohérents pour les free parties, annonçaient pour cette édition 400.000 personnes. Bien vu ! Ils étaient plus du double…

Certes cette année l’organisation avait accumulé les couacs : Dr Motte, le DJ berlinois à l’origine de la manifestation s’est fait doublé par les associations écologistes pour la date du 14 juillet. Les associations de Verts ont doublé la Love Parade afin de dénoncer les dégâts provoqués par celle-ci les années passées, notamment dans la forêt de Berlin, véritable poumon de la ville. A ce propos, il faut savoir que pour la première fois, la municipalité a refusé, à juste titre, le statut de "manifestation politique" au défilé. Petits effets, grosses conséquences : c’est l’équipe de la Love Parade qui devra remettre la forêt en état. Le budget est estimé à 5 millions de francs, le prix du nettoyage étant proportionnellement indexé au litre de bière urinée (je vous rappelle que nous sommes en Allemagne)… Bref, tout était réuni pour que le public boude la treizième édition.

Pour la première fois l’OFAJ, l’Office Franco-Allemand pour la Jeunesse, avait obtenu l’autorisation de monter un char en collaboration avec l’AFAA, l’Association Française d’Action Artistique du ministère français des affaires étrangères, le Bureau de la musique française à Berlin et le CB-office, une jeune agence berlinoise ultra-dynamique spécialisée dans la promotion de la musique électronique française. La décoration du char était assurée par Pénélope et sa structure "Aero Deko Lab". C’est la deuxième fois que cette décoratrice s’occupait d’un char de la Love Parade, l’un des plus réussis, avec sa fourrure rouge. Côté musique, là aussi le choix fut excellent et audacieux : Buffalo Bunch, alias Play Paul et Rawman, du label Crydamour, fondé par Guy-man la moitié de Daft Punk, Doctorolive de Cherbourg, plutôt breakbeat et enfin Agoria, le Lyonnais du label parisien Peer music. Pas véritablement des stars, mais des DJs qui représentaient assez bien l’éclectisme de la scène électro française.

C’est DJ Phonique de Berlin qui a posé le premier vinyle vers 15h00 sur avant que les deux représentants de la French Touch, les Buffalo Bunch entament leur set à 70 % français. Leurs maxis, ainsi que ceux de Daft Punk, Phœnix, Grand Phabao défileront sur les platines du char rouge fourrure.

Doctorolive, qui avait mixé la veille dans un club n’a pas hésité à se lancer dans un breakbeat audacieux, à mille lieux de la musique assez passable entendue sur les autres chars. Puis Agoria a conclu le défilé avec un set électro-techno, techniquement parfait et musicalement impeccable. Il faut signaler que lui aussi mixe au moins 50 % de productions française. Ce qui nous rappelle que la scène hexagonale est largement aussi riche et diversifiée que la house, dont on parle nettement plus… Ces producteurs techno se nomment Oxia, The Hacker, Miss Kittin et la plupart sortent leurs maxis en Allemagne. On entendra d’ailleurs tout au long de la nuit, ces maxis techno "made in France" et moins ceux de house.

Ce qui étonne les Français qui assistaient pour la première fois à cette Love Parade, c’est l’esprit dans lequel près d’un million d’allemands a communié dans les rues de la capitale au son de la musique électronique sans jamais qu’il n’y ait le début d’une embrouille. L’autogestion et le civisme des Berlinois n’y sont pas étrangers. De plus, le traitement accordé par la presse française à cet évènement, qui est tout de même la plus grande manifestation musicale au monde, est fort mince. Au mieux on lit, en entrefilet, que cette manifestation fut décevante, au pire on n'en parle pas ! Et personne ne se pose cette question, simple et complexe : pourquoi en France, un pays qui se veut l’un des plus pointus en matière de musique électronique, une telle manifestation n’est pas possible sans violences et sans une armada de policiers ?

Willy Richert