Rachid Taha à Los Angeles
Comme chaque été, la Mecque du cinéma délaisse un peu ses plateaux et ses divorces de stars pour célébrer les musiques du monde. Au coeur de Los Angeles, sur l’esplanade du California Plaza, quelque 70.000 personnes se pressent ainsi pour assister aux concerts gratuits programmés entre juin et octobre par la municipalité via l'opération Grand Performances. Si l’affiche de cette 15ème édition a de quoi faire pâlir les plus grands festivals, RFI musique a choisi de rencontrer Rachid Taha, qui effectue cette année une longue tournée internationale.
Etape américaine d'une Tournée mondiale
Comme chaque été, la Mecque du cinéma délaisse un peu ses plateaux et ses divorces de stars pour célébrer les musiques du monde. Au coeur de Los Angeles, sur l’esplanade du California Plaza, quelque 70.000 personnes se pressent ainsi pour assister aux concerts gratuits programmés entre juin et octobre par la municipalité via l'opération Grand Performances. Si l’affiche de cette 15ème édition a de quoi faire pâlir les plus grands festivals, RFI musique a choisi de rencontrer Rachid Taha, qui effectue cette année une longue tournée internationale.
Le 22 juillet, il est près de 21 heures et le groupe tzigane Les Yeux Noirs remballent leurs instruments pour laisser la place à Rachid Taha. Le chanteur d’origine algérienne dégage une telle énergie qu’il lui suffit de trois chansons pour faire lever les plus feignants de leur siège et rallier les plus hermétiques à sa cause. Le lendemain de son concert, nous le rencontrons pour évoquer ses impressions de voyage.
Au terme de votre concert, vous avez critiqué les Etats-Unis car votre set ne pouvait pas dépasser une heure. Détestez-vous les Américains et leur Etat policier ?
Non, pas du tout. Je ne les déteste absolument pas. Ce pays ne me correspond pas car la raison de vivre de ses habitants est basée sur le concept du travail et non sur le plaisir. Imaginez un peu leur tête lorsqu’on leur parle de nos cinq semaines de vacances !
Vous ne pourriez donc pas vous installer dans ce pays ?
Non, effectivement. Je ne peux en aucun cas vivre dans un endroit géré par une doctrine de boulot. Ce n’est ni mon éducation ni ma philosophie.
Comment avez-vous ressenti le concert d’hier soir ?
J’ai vraiment senti un courant positif de la part du public. Tout le monde dansait et en redemandait. Mais honnêtement, l’endroit n’était pas très propice à une véritable communication avec l’auditoire, à cause de cette fontaine située entre la scène et les gens. Un club rock aurait été plus approprié. Ce n’est pas bien grave puisque je repasse par Los Angeles à la rentrée !
A l’origine, vous deviez vous produire le même soir au Hollywood Bowl avec Youssou N’Dour et Les Yeux Noirs. Que s’est-il passé ?
Nous avons du laisser notre place à Sade qui avait réservé cette même soirée. On ne peut pas lutter et nous sommes galants ! J’étais déjà très heureux de jouer à guichet fermé à New York et San Francisco.
Etait-ce votre première tournée aux Etats-Unis ?
Non, mon premier passage remonte à 14 ans, c'était à New York et j’y ai rejoué il y a trois ans.
Les américains font-ils partie d’un public que vous avez envie de conquérir ?
Non, pas plus qu’un autre pays. C’est un peuple comme les autres, avide de découvrir d’autres musiques et d’autres sons. Et j’ai envie de les informer à ce niveau-là.
L’Europe s’est finalement emballée pour la musique orientale depuis quelques années grâce à des artistes comme vous, Khaled, Cheb Mami, Faudel… Convertir les Américains vous semble t-il une tâche plus difficile ?
Détrompez-vous, les Européens écoutent de moins en moins cette musique. La tendance est passée. On peut rejetter la faute sur les artistes de raï qui n’ont pas su évoluer. Ils sont restés sur un acquis qui a fini par lasser. J’ai eu la chance de ne jamais être catalogué en France comme chanteur de raï. Je pense néanmoins que cette musique pourrait prendre son envol aux Etats-Unis car il n’y a aucune différence avec le rock'n roll. La base rythmique est identique, c’est tout simplement une autre manière d’aborder la musique.
Rachid Taha, est-ce seulement vous ou un groupe à part entière ?
C’est avant tout moi-même. Cela fait 4 ans pourtant que je tourne avec les mêmes musiciens que j’ai soigneusement choisis. Sans compter Steve Hillage qui est mon producteur depuis des années et mon acolyte ! Nous travaillons en étroite collaboration.
L’album Made in Medina a été enregistré dans plusieurs pays à la fois. Pourquoi une telle démarche ?
Pour suivre tout simplement l’histoire musicale. Le rock vient d’Afrique. Il a ensuite traversé l’Atlantique pour se transformer aux Etats-Unis en rock'n roll. Je voulais enregistrer à la Nouvelle-Orléans, qui est à mes yeux un carrefour entre la musique africaine, européenne et le blues. J’ai donc suivi cette route de la musique entre Marrakech, Londres, Paris et les Etats-Unis pour créer un album aux carrefours des musiques.
Quelles sont vos influences musicales ?
J’écoute absolument tout. Du rock, à la musique techno, en passant par le rythm'n blues et les musiques traditionnelles du monde.
Votre planning estival a l’air plutôt chargé…
Oui, j’enchaîne concert sur concert. Je pars la semaine prochaine en Suisse au Paléo festival et fin août, je m’envole pour l’Asie pour une tournée de deux mois qui passera par Tokyo, Singapour, Pékin pour finir en Australie. Le rythme est intense mais j’aime me produire sur toutes les scènes du monde. Les musiciens sont des saltimbanques. C’est avant tout un métier de vagabond et de voyageur.
Lorsque vous vous produisez à l’étranger, avez-vous le sentiment d’être le porte-parole de la cause algérienne ?
Dans un pays comme les Etats-Unis, certainement. Les Américains ont une telle image primaire de l’Arabe, celle du terroriste, synonyme de guerre entre juifs et arabes. Ils sont en outre persuadés que les Arabes sont les ennemis des juifs. Mon rôle est d’essayer de véhiculer une information juste. Croyez-moi, il y a du boulot ! Au cours de mes interviews, j’essaie d’aborder différents sujets comme l’importance de la culture juive dans les pays maghrébins, la musique arabe et andalouse… Ce genre de sujets revient toujours sur le tapis, alors autant être bien préparé à y répondre.
Est-ce pour cette raison que vous participez à pas mal de concerts de charité ?
Attention, je ne veux pas cautionner tout et n’importe quoi. Prenons l’exemple des Restos du cœur qui sont devenus quasiment une institution. Chaque année, on retrouve les mêmes artistes à l’affiche.
Cette association n’est pas vraiment une victoire puisque les concerts de charité continuent. Je n’ai pas vraiment l’impression que le pouvoir suive derrière. Je m’associe désormais seulement à des causes qui en valent la peine, qui tiennent la route politiquement parlant et dont le but est d’évoluer.
Depuis quelques années, la musique française séduit à l’étranger. Avez-vous ressenti un changement ?
Oui, je l’ai ressenti beaucoup plus en Angleterre où je me rends assez souvent. Je ne pourrais pas me prononcer sur les Etats-Unis car je ne connais pas assez ce pays mais je suis prêt à débarquer avec ma musique. A moi l’Amérique !
Propos recueillis par Karine Weinberger
Retrouvez les dates de sa tournée internationale sur notre site, dans la rubrique artistes (agenda).