Uzeste musical

Uzeste, le 16 août 2001 - Voici que la 24 ème Hestejada de las Arts d’Uzeste Musical vient de commencer en pays gascon, dans le sud-ouest de la France. Le programme est éclectique à la mesure de son directeur, l’agitateur culturel et artiste Bernard Lubat.

Le Festival de la Compagnie Lubat

Uzeste, le 16 août 2001 - Voici que la 24 ème Hestejada de las Arts d’Uzeste Musical vient de commencer en pays gascon, dans le sud-ouest de la France. Le programme est éclectique à la mesure de son directeur, l’agitateur culturel et artiste Bernard Lubat.

En ce matin du 15 août, les premiers festivaliers croisent les gens qui se rendent à la messe donnée dans la Collégiale d’Uzeste, un village de 500 habitants. Derrière l’édifice, une grande place ombragée où les organisateurs d’Uzeste Musical s’activent dans les derniers préparatifs. En bas, la Guinguette du ruisseau, près du lavoir, en haut quelques stands d’associations, un peu plus haut encore, le garage du postier est reconverti dans l’accueil des artistes et de la presse. A 11 heures, c’est ici que se déroule le discours d’ouverture avec Bernard Lubat, le maître de cérémonie local, roi de la tchatche, pourfendeur de la langue de bois et grand organisateur de la manifestation.

Né dans ce pays gascon en 45, le jeune Lubat part à Bordeaux, puis à Paris suivre le Conservatoire. Piano, accordéon, batterie, là, il y dépasse bientôt ses maîtres. Alors, le musicien doué plonge dans l’univers jazzistique de la Capitale. Il fait ses classes avec Bud Bowell, Kenny Clark et Stan Getz. En 78, il crée «son entreprise de démolition générale», comme il le dit lui-même, la Compagnie Lubat installée au Théâtre Mouffetard à Paris. Mais le fils de cafetier et petit-fils de métayer des Landes, décide à 33 ans de revenir s’installer au pays, laissant délibérément derrière lui sa vie de musicien reconnu.

« Je suis revenu à Uzeste pour continuer à apprendre la musique, à devenir artiste entier c’est-à-dire citoyen artiste - étudiant/enseignant, dirigé/dirigeant, éduqué/éduquant - musicien écrivain poète chroniqueur conférencier créateur interprète inventeur accompagnateur concepteur organisateur réalisateur taulier cafetier hôtelier jardinier témoin de son temps »*. L ‘énumération pourrait être fastidieuse, mais elle est l’exacte expression de que ce Lubat fait ou souhaite accomplir. Homme de toutes les disciplines, il abhorre les carcans, dénonce, manifeste, prend parti, critique et se confronte aux idées, aux us, aux traditions ou au contraire aux innovations des autres. Ici, pendant l’Uzeste Musical, il joue, il discourt, il tchatche. Tous les jours, il balance son « Débloc-notes », fatras ou accumulation de pensées (les siennes ou celles des autres) en scatrap (mélange bien connu de scat et de rap qui envoie les mots s’écraser les uns contre les autres) ou plus tranquillement : «C’est quoi la modernité ? Le mouvement, plus l’incertitude», «Quand l’art n’a plus à voir avec le chaos du monde, il a à voir avec le commerce», «l’artiste ne doit pas divertir, il doit infléchir», «le culturel conserve et la culture cultive», etc. Cela dure pendant plus d’une demi-heure et le rendez- vous est pris chaque jour à la même heure. Le cerveau de Bernard Lubat est un vaste chantier toujours en action ! Pas question de cesser de s’activer et de penser.

A Uzeste d’ailleurs, il est loin d’être seul à penser. Viennent grossir les rangs de la culture en ébullition, des poètes, des écrivains, des plasticiens et toute sorte d’intervenants. Mais, la fête reste le mot d’ordre absolu. Il ne faudrait pas perdre de vue l’essentiel. Le programme est d’ailleurs alléchant et fourni. En vrac, chansons, jazz évidemment, rock (pourquoi pas), bals, mais aussi apéros aux Cafés des sports, à la Kestion d’Ethique (c’est le nom du bar provisoire) ou encore crêpes au C’est possible sur Faza.

Dans les rues, on croise les artistes déambulant en attendant leur tour (Arthur H) ou au contraire courant presque pour répondre à des interviews (André Minvielle, le batteur et chanteur de la Compagnie Lubat). Ils vont parfois s’installer sur le studio mobile de la radio éphémère d’Uzeste Musical, Radio Uz. Une table et un parasol installés au coin de la rue et voilà que Gérard Coma vient animer à 19 heures son rendez-vous quotidien avec quelques invités. Radio Uz est en réalité installée au premier étage de la maison qui abrite aussi une librairie. C’est Antoine Chao qui en est responsable. Ancien musicien, ancien programmateur à Radio Latina et frère de Manu Chao, il a monté avec ce dernier en juin une autre radio éphémère, à Paris, Radio Bemba. Habitué du genre, il s’occupe donc de Radio Uz qui n’existe que depuis cinq ans et qui n’émet que quelques jours dans l’année. Elle rend compte de l’activité 24 heures sur 24 d’Uzeste Musical. Certains concerts sont diffusés en différé, ce qui permet à ceux qui voudraient dormir un peu de les rattraper.

Ici à Uzeste, il faudrait pouvoir mettre le sommeil entre parenthèses pendant quelques jours car le programme est chargé. Dans les jours à venir, on devrait pouvoir applaudir Martine à la plage Trio, les Femmouzes T, Arthur H et Higelin sur la même scène, Mônica Passos, Marc Perrone, Lubat au piano et en solo, et bien d’autres encore. Avis aux amateurs…

Valérie Passelègue

* L’Uzeste, journal d’expression poïélitique de la Compagnie Lubat de Gasconha, juin 2001.