100% COLLÈGUES
Paris, le 22 août 2001 - Le collectif toulousain (les frères Zebda, Bernardo Sandoval, Serge Lopez) reste motivé. Résultat : un troisième album qui respire une fête méditerranéenne avec au programme, chants kabyles, guitare flamenco et accordéon basque. A découvrir.
Le plaisir à l’état pur
Paris, le 22 août 2001 - Le collectif toulousain (les frères Zebda, Bernardo Sandoval, Serge Lopez) reste motivé. Résultat : un troisième album qui respire une fête méditerranéenne avec au programme, chants kabyles, guitare flamenco et accordéon basque. A découvrir.
Une seule passion anime la joyeuse bande : le plaisir de se retrouver entre copains pour faire de la musique. Pas de maison de disques, pas de producteur, une structure autonome et efficace suffit. La bonne humeur et le métier font le reste. Rencontre avec deux protagonistes des 100% : Mustapha Amokrane de Zebda et Bernardo Sandoval.
Quelle distinction faîtes-vous entre vos projets individuels et 100% collègues ?
Bernardo Sandoval : Ce n'est pas du tout la même chose, les Collègues c’est vraiment la fête, la récréation. Après, chacun a son histoire qui lui est propre. En ce qui me concerne, ma musique est beaucoup moins festive, plus intérieure. Serge Lopez (ndlr : le guitariste des 100%) aussi fait une musique très intimiste. Il ne faut pas dire que c’est la fête pour la fête, c’est plutôt l’occasion pour chacun d’entre nous d’amener ce qu’il a, ce qu’il a appris sur sa route et cela dans un cadre festif. Après, comme on se connaît tous depuis très longtemps, ça donne une musique pleine de respect et de couleurs.
Mustapha Amokrane : Quand on a plus rien à faire et qu’on a accompli nos obligations respectives, c’est simple, c’est 100% Collègues. C’est un peu la récréation, mais ça doit aller vite, on ne répète pas cent sept ans. Ce qui compte, ce sont les moments qu’on passe ensemble, parce qu’on a tous nos histoires, on bouge beaucoup individuellement et on ne vit pas ensemble. On a trouvé une espèce d’équilibre dans la liberté, il y a un côté récréatif, mais tout se fait dans l’urgence, alors que pour nos projets personnels, on a plus de temps.
Bernardo Sandoval : En général, ça va très vite. Par exemple, on vient de faire une tournée de vingt dates. Après les concerts, avant les concerts, pendant les balances, on joue, et à chaque fois, on lance un accord et tout à coup, il y a un morceau qui se construit. A partir de là, il reste quelque chose. Plus tard, on va se dire: « bon, il faut qu’on fasse un disque ». Et ça va vite, parce que les morceaux, on les a déjà fait tourner en faisant la fête, donc on les a encore dans l’oreille. Après, en trois jours de répétition, on est capable de te monter vingt chansons.
Cette composition dans une atmosphère festive vous permet d’atteindre une fraîcheur qui n’est pas toujours évidente à produire.
Bernardo Sandoval : Oui, et c’est ça qui est joli dans les Collègues, parce que ce n’est pas une composition qui est obligée, ce n’est pas un métier. Ce n’est pas fait pour gagner de l’argent. C’est vraiment fait pour se retrouver. Ça fait sept ans qu’on a monté cette équipe, ça fait vingt ans qu’on se connaît dans la vie. C’est une façon de vivre la musique avec plaisir, et c’est peut-être ça la vraie musique. Tu fais de la musique parce que tu en as envie et rien d’autre, parce que c’est naturel.
Vu les succès de Zebda et de la compilation des motivés en 1997, il y a du avoir des appels du pied venant des maisons de disques ?
Mustapha Amokrane : Oui, il y en a eu, mais ça n’a pas marché parce qu’avec les Collègues, on a peur de perdre cette stabilité-là. On nous demande de faire des choses qu’on n' a pas envie de faire, de casser cet équilibre entre nos histoires et cette histoire-là. On n’a pas envi d’être récupéré, que ça devienne trop grand et qu’on perde notre singularité. On ne veut pas que le business détruise la famille.
Bernardo Sandoval : Tout est auto géré. Grâce au succès de Motivés en 97, on a pu mettre en place le Takticollectif à Toulouse. L'association s’occupe des enregistrements et de tout le reste. Ça fonctionne super bien, ça nous permet d’être autonome. On a un tourneur, Corrida, qui nous file un coup de main pour les tournées. On a vraiment l’impression de faire du bon boulot parce qu’on est entouré de très bons régisseurs, et nous, on est musiciens avant tout, donc on affine les morceaux. Tout ça fonctionne bien, on n’a pas besoin de producteur, on décide nous même quand on joue et tout se passe bien. Ce n'est pas évident parce qu’on a chacun nos vies à mener et nos histoires, mais si on dit par exemple : « tiens, on bloque le mois de décembre vingt jours pour une tournée », tout le monde suit. On est assez grand pour s’organiser tout seul.
Vous avez le sentiment de représenter la scène toulousaine, lorsque vous tournez aux quatre coins de la France ?
Bernardo Sandoval : On représente ce qui s’est passé à Toulouse, dans les bars pendant les années 90. Il y avait une quarantaine de bars qui faisaient des concerts tous les soirs et c’est là qu’on s’est tous connus en fait, dans ce phénomène de bars musicaux. On allait tous se voir jouer les uns et les autres et c’est de là que vient 100% Collègues.
Vous représentez le pourtour méditerranéen aussi ?
Bernardo Sandoval : Oui, moi je suis espagnol, Serge Lopez est de Casablanca, les frères Zebda sont du bled, Marc l’accordéoniste est basque, donc il y a un sacré mélange. C’est très humain et c’est ce qui fonctionne. Parce qu’aujourd’hui on parle beaucoup de la world music, on te prend un batteur de New York qui joue super bien, on le met avec un percussionniste du Sénégal, on fait un disque et on dit que c’est de la world music. Je crois que ce n’est pas ça, la world music demande une véritable communication des âmes, des gens qui se rencontrent et qui partagent des sentiments forts. Zebda ça veut dire beurre et comme on vivait à côté, j’ai senti leur démarche par rapport à leur quartier, leur race et cette façon de s’intégrer. Moi j’avais dépassé cela parce l’Espagnol est intégré à Toulouse. Donc, j’ai vu ça d’eux et eux ils m’ont vu dans les bars raconter mon flamenco à moi, avec ma vie à Toulouse et on s’est senti comme des amis. Très vite, je leur ai dit : « chante ta chanson en Kabyle, je ne comprends pas ce que tu chantes mais chante le, il y a des beaux accords et on va le jouer. »
Quel rapport y a t-il entre votre dernier album et la compilation de chants de lutte Motivés, financée par la ligue communiste révolutionnaire ?
Mustapha Amokrane : Ce n'est pas la même chose, les Motivés (voir nos pages web), c'était avec les collègues mais il y avait aussi d'autres intervenants, et niveau politique, on a été récupéré. Dans ce qu'on fait avec les collègues, il n'y a pas de message politique, on témoigne juste d'un humanisme collectif et festif, c'est tout.
Propos recueillis par Nicolas Champeaux