Hubert Mounier
L’Affaire Louis Trio, c’est fini ! Le fondateur de l’un des groupes pop français les plus célèbres des années 80, démarre une nouvelle carrière, en solitaire. A 38 ans, l’homme a mûri et livre sur Le Grand huit, une quinzaine de chansons intimistes, qui révèlent un personnage plus mélancolique et introspectif que l’image guillerette de l’Affaire Louis Trio pouvait laisser supposer.
Carrière solo après Louis Trio
L’Affaire Louis Trio, c’est fini ! Le fondateur de l’un des groupes pop français les plus célèbres des années 80, démarre une nouvelle carrière, en solitaire. A 38 ans, l’homme a mûri et livre sur Le Grand huit, une quinzaine de chansons intimistes, qui révèlent un personnage plus mélancolique et introspectif que l’image guillerette de l’Affaire Louis Trio pouvait laisser supposer.
Après l’album Europium, l’Affaire Louis Trio se séparait discrètement, sans le moindre communiqué de presse. Point final ou simple parenthèse ?
C’est vraiment fini. Nous avions autre chose à faire chacun de notre coté. C’est un point final, pas un point de suspension : il vaut mieux finir sainement. Maintenant, nous ne voulions pas communiquer sur notre divorce, nous ne sommes pas Voici (ndlr, journal à sensation). Avec l’Affaire Louis Trio, la partie technique et contractuelle nous a fait perdre un peu le fil de notre pensée artistique. De mon côté, j’ai continué à faire des chansons. Au fil du temps, je me suis rendu compte que ces chansons parlaient de moi et que je pouvais très bien me débrouiller tout seul, sachant qu’avec l’expérience il était possible m’en sortir. J’ai aussi préféré faire appel à Benjamin Biolay comme producteur car j’avais peur de l’effet chanteur solo qui se croit tout permis et tape à côté de la plaque. Le gros du travail a été fait par des gens qu’il dirigeait. Moi, j’étais plus cool que jamais, je n’avais jamais connu une ambiance comme ça en studio. Avec Benjamin, c’est une autre façon de travailler : il a une écriture plus pop rock que ce que j’avais pu faire au sein de l’Affaire Louis Trio, plus classique.
Comment l’avez-vous rencontré ? A l’époque, il était encore inconnu.
Mon frère Olivier, qui est bassiste occasionnel, m’a dit un jour en 1995 qu’il travaillait avec un jeune mec qui aimait bien notre groupe. J’ai rencontré ce Benjamin, qui venait de Villefranche-sur-Saône avec des petites chansons assez étonnantes puisque sa culture était plus chanson française que pop rock. Puis, je me suis rendu compte qu’il était quelqu’un de brillant, intéressé par plein d’autres choses que la musique. Il écrit comme je dessine. Ensuite, il est monté à Paris. Je l’ai vu grandir et travailler de plus en plus fréquemment. Il a rapidement appris sur le tas. Je suis très content qu’il ait enfin trouvé sa place.
Sur quelle période avez-vous composé les chansons de ce premier album solo ?
Je venais d’arrêter les concerts avec l’Affaire Louis Trio, en 1998. La dernière chanson a été composée en studio en décembre dernier.
La tonalité générale de cet album semble assez mélancolique. Ce travail plus personnel reflète-t-il un passage à vide dans votre vie après la séparation du groupe ?
C’est un bilan. Je ne pensais pas que l’Affaire Louis Trio s’arrêterait un jour, même si je suis content qu’on ait tenu six albums – ce qui est assez rare dans le paysage musical français. Après, ce que j’évoque dans mes chansons est d’ordre plus personnel, c’est lié aux sentiments de la vie privée : l’amour, les enfants, la solitude, l’incompréhension de la société… Je suis parfois dépité quand je regarde les actualités télévisées. Je suis une éponge de mon époque, et je ne la trouve pas souriante. Je me dis que si j’arrivais aujourd’hui avec une chanson comme Chic planète, ça ne passerait pas, à moins de me mettre un nez rouge. Une certaine sérénité s’installe aussi du fait de mon âge, et elle transpire dans mes chansons. J’ai toujours été fataliste. Avec ce disque, j’espère avoir une relation intime avec l’auditeur. Avec l’Affaire Louis Trio, nous arrivions avec une flopée de cuivres et de guitares. Là, c’est plus ma voix dans l’oreille de l’auditeur avec un piano et quelques cordes.
Quand vous avez attaqué l’écriture de vos nouvelles chansons, vous êtes-vous dit : «ouf, enfin seul» ou plutôt «merde, maintenant je suis vraiment seul» ?
J’ai toujours été seul face à la création, donc la base n’a pas vraiment changé. La question était plutôt : "est-ce que je dois me brider, comme sur les albums de l’Affaire Louis Trio, où le disque ressemblait déjà presque en soi à un concert ?" Là, je me suis dit qu’il valait mieux que je me la joue à la Cabrel : "écoutes les battements de ton cœur et écris ce que tu as envie de dire, puis laisse-toi bercer par ça et essaie d’en faire une chanson."
Qui est ce Nelson, qui donne son nom à une chanson ? C’est l’ami qui vous comprend mieux que la petite amie ?
Cette chanson-là, je l’avais pensé pour Vanessa Paradis, car elle m’avait dit, il y a quelques années, qu’elle comptait refaire un album en français. Puis, je l’ai gardé pour moi parce que je l’aimait bien. Nelson, c’est le chien de Vanessa Paradis. A l’époque où on s’est rencontré, elle m’avait confié que son chien était son meilleur ami du moment car, quand on essuie une peine de cœur, on n’a pas envie d’ennuyer ses proches. C’est le syndrome Marilyn Monroe. Je trouvais ça mignon. En plus, son chien est cool !
La chanson Le Grand huit donne son titre à l’album. Que sous-entendez-vous derrière cette parabole ?
Le Grand huit désigne un peu le moule dans lequel je m’étais figé durant toutes ces années. J’étais devenu une caricature de moi-même, j’étais étouffé par le travail du groupe. J’ai beaucoup changé. Je pensais, à l’abri du groupe, que tout était immuable et que je n’avais plus qu’à chercher, en studio avec mes deux acolytes, des solutions pour nous faire sourire, sachant qu’en cours de route on trouve un élément important qui s’appelle le public. J’ai laissé le temps à ces pseudo-vérités auxquelles j’étais accroché, de se casser la figure. Ce qui restait de moi était un mec qui avait plutôt intérêt à dire des choses vraies et sincères. C’est ça, le grand huit, et là, j’en suis descendu, peut-être juste pour faire une pause. Je lutte tout le temps contre mes démons et parfois ça fait du bien de remettre les pieds sur terre.
Hubert Mounier Le Grand Huit (Tréma /Sony Music) 2001