Les Nuits botaniques

Singulier festival que ces Nuits Botanique. Implantées successivement dans des sites enchanteurs tels que le parc et surtout les salles du Botanique de Bruxelles (du 18 au 25 septembre) et le Cirque Royal (du 25 au 30), les Nuits Botanique offrent pour leur 8ème édition une série de concerts où la qualité et la découverte priment sur le commerce et les têtes d'affiche. Récit d'un bref passage dans un festival, cette année, sous le signe des nains de jardin…

Coup d'oeil sur (fine) fleur des festivals belges

Singulier festival que ces Nuits Botanique. Implantées successivement dans des sites enchanteurs tels que le parc et surtout les salles du Botanique de Bruxelles (du 18 au 25 septembre) et le Cirque Royal (du 25 au 30), les Nuits Botanique offrent pour leur 8ème édition une série de concerts où la qualité et la découverte priment sur le commerce et les têtes d'affiche. Récit d'un bref passage dans un festival, cette année, sous le signe des nains de jardin…

Loin des festivals boueux et gigantesques façon Paléo ou Vieilles Charrues, les Nuits Botanique dégagent une vraie atmosphère, intimiste, voire désuète. Son cadre principal, le Botanique, ses verrières, ses serres, sa luxuriante végétation mais aussi ses petites salles pleines de charme y sont pour beaucoup. Par ailleurs Centre culturel de la communauté française (entendre de langue française) de Belgique, le Botanique est, depuis 1986, le décor de festivals et d'événements autour de la musique. Au fil des années, cette manifestation qui marque la fin de l'été est devenue le premier festival musical de Belgique sous le nom de Nuits Botanique depuis 94. Cette année, les organisateurs vont tenter de passer le cap de 20.000 entrées payantes.

Voilà pour la petite histoire d'un festival un peu différent de ses nombreux collègues généralistes. Ici, on offre une affiche "très spécialisée" comme le revendique le coordinateur général et programmateur, Paul-Henri Wauters. Et pourtant, au vu du programme, on constate que sont représentés tous les genres. La spécialité des Nuits, c'est la qualité ! Avec toute la part de subjectivité que cela recouvre. Mais indéniablement, le souci de mettre en avant la découverte et la créativité des scènes actuelles génère une affiche dont les noms ne sont pas forcément populaires mais dont le travail mérite toujours le détour. Et pourtant, Enrico Macias jouant Cheikh Raymond l'an passé y a autant sa place que les artistes en devenir tels les Français Miro ou la chanteuse belge Arolde cette année. Un peu de "branchitude" certes, mais beaucoup d'intelligence dans la conception de ce festival. Programmé le dernier jour, De Palmas semble presque une erreur…

Avant d'aller écouter celle qui fait figure de star de ces Nuits Botanique 2001, la diva des amoureux de la chanson de qualité mais aussi des snobs les plus "tendance", Brigitte Fontaine, attardons-nous juste un instant sur le concert de Ol à la Rotonde (130 places assises), sous le dôme du Botanique. Ce petit concert fort réussi dégage un véritable univers d'où surgit parfois l'Afrique des origines (Ol est franco-camerounais) ou la Jamaïque du cœur. Cette atmosphère habitée tient en grande partie aux orchestrations et en particulier au duo Frédéric Deville au violoncelle et Gérard Tampiabonda au violon.

Jeu de la programmation, ces derniers, transfuges de chez Higelin, sont deux heures plus tard sous le Chapiteau (1800 places) aux côtés de Brigitte Fontaine. On reste dans la famille… Celle que le public réclame et interpelle par son prénom, telle une rock star, entre en scène, sourire aux lèvres et vêtue d'une robe à l'architecture, comme souvent, étonnante. Enfantine et énigmatique, elle offre ce soir-là un concert assez classique au vu de ce qu'elle a parfois présenté par le passé. A part six titres de son nouvel album Kekeland sorti fin août, elle fait une large place aux anciens titres (la Vie est belle, le Nougat, le Chef de gare de la tour de Carol,…). Mais cela prouve que derrière la folie et l'imprévisible, se camoufle peut-être une grande dame de la chanson dans la plus pure tradition. D'ailleurs, elle est aussi à l'aise dans les délires rock'n'roll de titres tels Je suis conne ou NRV que dans la poésie paisible de la Symphonie pastorale. Tout le long de la soirée, Brigitte Fontaine est, et comme d'habitude couvée du regard attentionné de son compagnon de vie et de musique, Areski Belkacem, grand orchestrateur de tous ses concerts. Il fait d'ailleurs deux duos avec elle.

Le lendemain, le 21, ceux qui nous intéressent se préparent à des concerts doublement importants dans leur parcours. A commencer par le régional de l'étape, Marc Morgan, 39 ans, qui ce soir, présente son nouvel album, les Parallèles se rejoignent (Ailleurs Records/Viva Discs), le premier depuis 1996. Cette soirée est sa première scène importante depuis bien longtemps. Pour les amateurs, Marc Morgan avait investi les charts en 94 avec le titre Notre mystère, nos retrouvailles. Puis depuis 96/97, sa carrière a connu quelques flottements même s'il a beaucoup travaillé et écrit pour les autres. Remise en cause et renaissance personnelle et artistique semblent d'ailleurs être au cœur de ses nouveaux titres. L'ensemble, très pop, ne lésine pas sur les riffs. Morgan n'a pas perdu son humour. Son spectacle ressemble un peu à une répétition générale devant des copains. Les blagues pour connaisseurs (lire "pour Belges") fusent. Mais au final, la scène donne une belle dimension à ce nouveau répertoire dont le titre Je reviens de loin fait figure de tube potentiel. A noter, la magnifique, et très rock, reprise de Bruxelles de Dick Annegarn, déjà présente sur l'album précédent les Grands espaces.

Mais après Marc Morgan, le festival va connaître un de ses plus beaux moments dans cette salle du Musée (475 places), étrange lieu tout en longueur, "un peu église" selon Morgan, avec des mezzanines et des petits escaliers en fer forgé. Pour celui qui suit (ceux qui suivent devrais-je dire), la soirée est aussi à marquer d'une pierre blanche. Benjamin Biolay, puisqu'il s'agit de lui, rôde là son spectacle directement inspiré de l'esprit de son album Rose Kennedy (Virgin) sorti au printemps dernier. A l'instar de ce disque concept qui tourne autour du lourd destin des Kennedy, son spectacle semble sortir d'un choc entre les années 50 et 2000. Biolay s'est entouré d'un orchestre de neuf musiciens, un tiers classique (violons, violoncelle), un tiers jazz (sax, clarinette, piano), un tiers contemporain (basse, guitare, batterie). Tous (ou presque) en tenue de gala, costume sombre pour les gars, robe de soirée pour les filles. Du haut de ses 28 ans, ce musicien, auteur, compositeur, dont les arrangements sont aujourd'hui réclamés par le gratin de la scène française, conduit son concert avec classe et maîtrise. Tel un crooner moderne, cigarette à la main. Et même si sa présence scénique est encore timide et sa voix pas celle de Sinatra, son petit humour élégant et ironique séduisent sans peine des spectateurs dont nombreux connaissent déjà ses chansons. Chanteur et chef d'orchestre, il assure tout autant au piano, à la guitare ou à la trompette. Belle polyvalence pour un homme qui connaît la musique comme peu de jeunes artistes aujourd'hui. Parmi la liste des titres, tous extraits de l'album, citons sa version des Cerfs Volants : éclatante.

Enfin, les must du spectacle furent les duos qu'il fit avec Keren Ann d'une part, et avec Hubert Mounier, ex-Cleet Boris de l'Affaire Louis Trio d'autre part. Le premier, duo surprise, ravit le public puisqu'il réunit ceux qui ont signé le Jardin d'hiver immortalisé désormais par Henri Salvador. Leur talent commun, celui de la mélodie, des beaux textes, leurs voix justes et douces, tout cela détonne dans le paysage musical actuel. Puis, avec Hubert Mounier, Benjamin Biolay reçoit un ami. L'ex-leader d'un des groupes les plus écoutés des années 80, dont le look Tintin n'a pas changé, retrouve pour la première fois la scène depuis longtemps. L'occasion est la sortie, au début de l'été, de son premier album solo le Grand huit (Trema/Sony) réalisé par… Benjamin Biolay. Ensemble, les deux en interprètent deux titres dont la Vue sur la mer.

Ces quelques concerts, et ce dernier en particulier, prouvent que, le plus souvent, le live vaut mieux que mille disques. Et les Nuits Botanique offrent un terrain propice à de telles rencontres créatives loin des impitoyables exercices promotion, certes indispensables, mais qui parfois nuisent à la libre expression des artistes. Manifestation à suivre donc et dont, parmi les soirées à venir, nous pouvons recommander la rencontre inédite d'Alain Chamfort et Bertrand Burgalat, ce dernier revisitant le répertoire du premier sur la scène du Cirque Royal le 29 septembre prochain. Bonnes Nuits Botanique.