CD DE LA SEMAINE : MODJO
Paris, le 28 sept. 2001 - Voilà certainement l’un des albums français les plus attendus de cette rentrée ! Les Modjo partent à la conquête du monde, en format long cette fois. Mais le monde attend-il Modjo ? Début de réponse avec Yann Destagnol et Romain Tranchard, les deux pôles du groupe pop électronique.
A la conquête du monde ?
Paris, le 28 sept. 2001 - Voilà certainement l’un des albums français les plus attendus de cette rentrée ! Les Modjo partent à la conquête du monde, en format long cette fois. Mais le monde attend-il Modjo ? Début de réponse avec Yann Destagnol et Romain Tranchard, les deux pôles du groupe pop électronique.
Comme disait l'autre, «Pour un coup d’essai, ce fut un coup de maître». Que celui d’entre vous qui n’a jamais dansé sur Lady (hear me tonight) me lance son premier Disque d’or. Impossible en effet d’échapper au phénomène Modjo et à leur tube, digne successeur de Stardust et de leur Music sounds better with you. Plus fort même puisque les deux petits Frenchies ont été le premier groupe français à devenir n°1 en Angleterre. Serge Gainsbourg, Charles Aznavour et Mr Oizo avaient approché des sommets avant eux mais jamais un groupe hexagonal n’avait obtenu la plus haute place des charts anglo-saxons.
Cette liste de numéros un outre-Manche est d'ailleurs un excellent résumé de l’histoire de la musique française de ces 30 dernières années. Après la chanson à texte, le monde s’enflamme aujourd’hui pour la musique électronique française. Les Modjo sont d’ailleurs à mi-chemin entre les deux. Certes ils n’ont pas la plume d’un Gainsbourg, loin s’en faut, mais leur premier album est autant pop qu’électronique.
Yann Destagnol, 22 ans et Romain Tranchard, 24 ans, sont de vrais musiciens : le chanteur joue de la clarinette et du piano, mon second de la guitare, du saxo, de la basse et taquine l’ordinateur, excusez du peu… Après avoir vendu 2 millions de singles à travers le monde, dont 400.000 en France, le rêve continue donc avec la sortie de cet album sobrement intitulé Modjo : «Comme c’est notre premier album, on s’est dit qu’il fallait se présenter, coucou c’est nous ! » raconte Yann. «C’est vrai, poursuit Romain, qu’on vit un rêve, avec des mini cauchemars mais bon, on a toujours rêvé de vivre de notre musique et on y est.»
Le cauchemar, ils l’ont certainement vécu le jour où l’émission mythique anglaise Top of the Pops a fait jouer Lady par un groupe bidon en live en les présentant comme les vrais Modjo. La déontologie se mange en salade chez les médias anglais. C’est bien entendu ce titre qui a tout déclenché, un morceau imparable dont Modjo pensait qu’il méritait d’être écouté par le plus grand nombre mais certainement pas à ce point. Romain : «C’est clair qu’on sentait que ce titre avait un potentiel mais de là à le voir se transformer en hit planétaire… Ce sont surtout nos amis qui nous ont poussés à présenter ce titre aux majors. Comme j’avais sorti un maxi de house music qui avait pas mal marché sous le nom de Funk Legacy les portes des directeurs artistiques se sont ouvertes assez facilement. De toutes manières, il était hors de question pour nous d’envoyer ce titre par la poste. On voulait absolument obtenir une séance d’écoute, qu’on nous reçoive en direct. C’est un conseil que je donne à tous les jeunes musiciens, n’envoyez rien aux maisons de disques mais battez-vous pour obtenir un rendez-vous. En tout cas c’est comme ça que tout a commencé pour nous. »
A quelques jours de la sortie mondiale du disque les deux musiciens ne paraissent pas stresser outre mesure même si les journées promotion en Angleterre ne se sont pas passées comme ils le pensaient. Yann : «Les journalistes anglais ont un problème avec cet album car ils nous connaissent uniquement à cause de Lady et Chillin', et ils imaginaient que l’album serait à l’image de ces deux titres. La question de la French Touch revient dans chaque interview mais eux s’érigent vraiment en gardiens du temple. Il faut dire que leur house music est tellement mauvaise qu’ils veulent absolument préserver ce style. C’est marrant car ils sont vexés qu’on puisse présenter un album aussi diversifié qui alterne house, R'n'B et ballades, c’est de l’auto flagellation !!!»
C’est sûr que cet album risque d’en déconcerter plus d’un, par son format qui doit plus à la pop qu’à l’électro. Les Modjo le revendiquent haut et fort, ils sont un groupe pop qui veut devenir populaire. Ils ne refusent pas d’apparaître dans les magasines mais gardent la tête froide : «On sait pourquoi on fait ce métier, c’est pour la musique pas pour participer aux soirées show-biz, même s’ils nous arrivent d’y aller. Notre propos c’est la musique.» Et lorsqu'on leur demande si honnêtement, ils n'ont jamais fait de plan de stars, Romain éclate de rire et nous la joue franco : «C’est vrai qu’un jour, on s’est retrouvés chez Versace où on venait de nous offrir des costards sur mesure et juste après nous étions invités au premier rang du défilé, et à coté de Yann, il y avait Pamela Anderson. Là, ok, on s’est dit que ça doit être ça un plan de star. Mais la célébrité et le succès t’apportent en fait la confiance en toi que tu devrais avoir naturellement.»
Il y a encore quelques années, pour qu’un artiste remplisse une salle hors de France, soit il jouait dans l’indifférence générale en première partie d’une gloire locale ou pire, la maison de disques amenait le public français à l’étranger, et dans les deux cas, on baignait dans le pathos. Yann Destagnol et Romain Tranchard : «A partir de début novembre, nous partons sur les routes d’Europe, et en décembre direction le Japon. On a été très touchés de l’accueil de nos maxis en Amérique du Sud, notamment au Chili et en Australie. On ne veut pas exporter de la culture française vu qu’on fait de la pop. On ne s’adresse pas à un public particulier mais au monde.»
Et voilà, encore un groupe français à la conquête du monde. Les artistes hexagonaux sont définitivement décomplexés par rapport aux anglo-saxons. On le savait avec la musique électronique mais c’est la première fois qu’un groupe pop, et qui se définit comme tel, revendique le monde comme marché. La carrière des deux Parisiens sera passionnante à suivre pour cette raison. Après ça, vous comprendrez pourquoi les Anglais n’ont pas apprécié l’album : la pop, c’est anglais monsieur !!! A voir...
Willy Richert
Photo de homepage : David MC Intyre / Barclay Universal
Modjo (Barclay/Universal)