NTM inédit(s)
Dès novembre 2000, des remix d'anciens titres du groupe NTM sont sortis les uns après les autres, avant de se retrouver sur la même galette au premier semestre de cette année. Quelques rounds pour un clash… musical. Une idée de génie pour un marketing efficace. En attendant la sortie d'un nouvel opus, le duo rap sait se réinventer des ères de jeux.
Le clash suprême pour mieux renaître
Dès novembre 2000, des remix d'anciens titres du groupe NTM sont sortis les uns après les autres, avant de se retrouver sur la même galette au premier semestre de cette année. Quelques rounds pour un clash… musical. Une idée de génie pour un marketing efficace. En attendant la sortie d'un nouvel opus, le duo rap sait se réinventer des ères de jeux.
Un combat de titans. L'expression est à peine exagérée. Le match entre la rage soutenue de Joey Starr et la fureur contenue de Kool Shen n'est pas un événement fortuit. Corps à nu, tête de bandit et look romantique, malgré les apparences, les complices se mettent à l'épreuve. Surtout ne pas se tromper : tous les deux semblent prêts à mettre les tripes à l'air pour le grand bonheur de leurs fans. Voilà donc à quoi jouent les deux Suprêmes NTM sur les pochettes du Clash. Un album-concept taillé à coup de remix pour un marketing de classe… Ou comment revisiter quelques classiques du duo sulfureux de la France hip-hop sur la base d'une dynamique nouvelle, emportant sur leur sillage une cohorte de rappeurs et de DJs proches ayant feint au préalable de choisir chacun son camp. Les labels B.O.S.S ou Boss Of Scandalz Strategyz d'un côté pour Joey Starr et IV My People de l'autre pour Kool.
Face à face
Crew contre crew, les gains sont surtout financiers. Car le succès de l'aventure passe par le nombre de ventes. Autrement dit, par le nombre d'aficionados/ collectionneurs, surpris à l'écoute des inédits et surtout de la nouvelle mouture de titres déjà salués par la critique "spé" et "grand public" dans leurs versions passées (Backs dans les bacs et J'appuie sur la gâchette, entre autres titres). A ce jour, on dénombre environ 200.000 exemplaires vendus de cette compilation alors que le Clash Round 4, disponible séparément, a atteint les 500.000 unités vendues. Un signe de réussite indiscutable dans l'univers mercantile du show-biz rap. Respect.
NTM Le clash est d'abord un prétexte tout trouvé pour varier les plaisirs. Dans l'attente des deux derniers albums sous contrat qu'ils doivent à leur maison de disque Epic, l'un et l'autre savent s'inventer ou incarner de nouveaux défis. Ainsi, chacun a monté son label. Avec son propre staff, recruté au sein d'une relève future à qui les deux Niquimouk (*) ont bien voulu tendre la main. Suite à un succès de remix inattendu (Police par Kool Shen/ L'Argent par Joey Starr), enregistré live lors du 10e anniversaire du groupe, Vrej Minassian, chef produit, leur propose de mettre en scène un combat entre les deux structures, en utilisant le répertoire du groupe. A la manière des mentors de la scène jamaïcaine qui confrontent régulièrement leurs écuries pour repousser les limites de l'inspiration commune. Une fois conclue, l'affaire se concrétise par un coffret de quatre CD, lâchés sur le marché sous forme de rounds successifs avec sorties étalées dans le temps. Pourquoi faire simple lorsqu'on peut faire durer le plaisir ? Une campagne de promo accompagne le mouvement. Net, télé, radio, street marketing : une véritable machine de guerre qui prouve une fois encore que la dynamique NTM demeure toujours rentable. Tant pis pour ceux qui pariaient sur une disparition prématurée des deux têtes les plus sacralisées du rap hardcore hexagonal. On les disait effectivement finis, divisés et bouffés par leurs propres ambitions et convictions. Peu de gens ont su en réalité voir à travers BOSS et IV My People un repli stratégique. Qui permet en premier lieu de mettre en avant leurs jeunes poulains. Avec un esprit de famille certain : le rap a toujours utilisé cet aspect pour mieux se développer.
L'héritage, déjà
Les remix du Clash, même s'ils servent l'esprit NTM dans l'ensemble, se sont laissés infiltrer avec bonheur par le talent de ces jeunes pousses de l'underground hip hop. Joey Starr et Kool Shen n'ont pratiquement plus rien à prouver. Depuis Je rappe, titre sorti sur la compil' légendaire Rapatittude (90), ils ont su transformer en permanence l'essai. Aujourd'hui, ils sont devenus des monstres de talents qui n'ont plus à défendre, sauf pour rester dans les bacs, leur génie et leur authenticité : deux valeurs essentielles dans leur monde. En parrains/ producteurs, ils imaginent à présent de nouveaux sons pour le futur du rap hexagonal. Dans le lot, vous trouvez Sec.Undo, Madzim, DJ Spank et Dj James à leurs côtés aux manettes. Et face au micro, défilent Salif, Zoxea, Serum, Mass, Iron Sy, Fatcap, ainsi que d'autres pointures en ébullition parfaite, dont Lord Kossity n'est pas le moins connu.
Les premiers maxis sont sortis. Beaucoup de promesses se promènent sur les compos. Certains ont attaqué leur premier opus. Parallèlement, des compil'écuries sont aussi dans les bacs. Les fans de toujours suivent, sans hésitations aucune, malgré la profusion de l'offre. L'esprit NTM est forcément un gage de qualité qui joue énormément sur ces jeunes carrières à qui il faudra probablement plus de cinq ans avant d'atteindre une certaine maturité. Warner et Epic gardent un œil en permanence sur cette manne en train de se constituer. IV My People, le label de Kool Shen a d'ailleurs surgi, au départ, d'un deal avec Warner, à l'occasion du premier album de Busta Flex qu'il devait superviser. BOSS de son côté tente l'aventure du cinéma, avec la sortie de la bande originale du film Yamakasi, produit par Luc Besson.
Ouverture sur le futur
La dynamique qui porte, et le Clash et les labels NTM, correspond à une envie chez Joey Starr et Kool Shen de ne pas s'endormir sur les lauriers passés. Il faut s'inventer de nouvelles batailles. De nouvelles ères de jeux. Et surtout ne pas penser qu'à soi. Surtout à une époque où la plupart des familles du hip hop français sont en train de s'organiser pour imposer leur donne aux maisons de disques. Issap Production (pour Passi), La Cosca (pour Akhenaton) sont à inscrire dans cette perspective. Il aurait été dommage et étonnant que les deux Niquemouk n'y aient pas pensé à leur tour. Il s'agit en l'occurrence pour les artistes vedettes qui créent ces structures de mieux maîtriser les enjeux en place dans une industrie qui n'a pas toujours su ou voulu respecter leur histoire et leur identité. Sauront-ils du coup éviter le piège du tout mercantile ? A nos confrères de Musique Info, Kool Shen rappelait que les rappeurs étaient d'abord "des artistes, même si, parfois, au cours d'une carrière, certains inversent les priorités". C'était en 1999. Au même support, pendant la même période, Joey Starr, confiait son intérêt pour un travail soigné avec ses poulains, en précisant qu'il n'était "pas du tout là pour faire du dumping et du bourrage de crâne". Dont acte.
* Niquemouk : NiqueTaMère, en arabe infléchi (?).
NTM Le clash (Epic/Sony). A écouter également les compils IV My People et BOSS, ainsi que la B.O du film Yamakasi.