Le bal à Youssou

Samedi 13 octobre, la star sénégalaise Youssou N'Dour s’installe pour la seconde fois au Palais Omnisport de Paris-Bercy pour un grand bal. Autant dire que, selon sa propre expression, il « délocalise le Thiossane », son célèbre club de Dakar, avec son groupe, le Super Etoile, et quelques invités, dont Koffi Olomide. La nuit sera longue.

Le Thiossane à Paris pour un soir

Samedi 13 octobre, la star sénégalaise Youssou N'Dour s’installe pour la seconde fois au Palais Omnisport de Paris-Bercy pour un grand bal. Autant dire que, selon sa propre expression, il « délocalise le Thiossane », son célèbre club de Dakar, avec son groupe, le Super Etoile, et quelques invités, dont Koffi Olomide. La nuit sera longue.

Depuis des lustres, Youssou N’Dour joue sur les scènes occidentales une world music séduisante, fondée sur le mbalax et d’autres rythmes sénégalais. Mais ce n’est qu’à Dakar qu’on peut l’entendre jouer une autre forme de son répertoire, destinée à faire danser. Presque tous les week-ends, chez lui, au Thiossane, dans la banlieue dakaroise, il joue pendant des heures pour les fêtards et les noctambules, avec des manières que les publics européens n’ont jamais vraiment connues.

En attendant de vous raconter bientôt la chaude soirée qui attend Paris le 13 octobre, nous avons rencontré le chanteur pour faire le point sur son travail :

RFI : Vous voici donc de retour à Bercy, que vous avez connu en 1985 avec cet énorme spectacle de Jacques Higelin qui s’est terminé en galère.
Youssou N'Dour :
Oh, je n’ai pas senti la galère. C’était magnifique parce qu’Higelin avait vraiment modifié l’espace : l’Afrique dans Bercy avec un morceau de désert, des chevaux et la musique comme du théâtre... J’étais tellement content d’être là, j’aimais l’ambiance avec Mory Kanté et Jacques Higelin. Il n’y avait pas de problème musicalement, même si on n’a pu jouer que deux semaines au lieu de trois. Ensuite, je suis revenu à Bercy avec Peter Gabriel, puis avec les deux tournées d’Amnesty et enfin, avec mon spectacle l’année dernière. C’est une salle dont je suis assez familier.
A l’origine, j’avais envie de jouer au Zénith mais, à cette date, il n’y avait que Bercy qui était libre. Alors c’est devenu un nouveau challenge : donner, au cœur de l’Europe, tout ce qui se passe au Thiossane, ma boîte à Dakar. Ce n’est pas un concert « normal », c’est un grand bal. Pour les gens qui ont l’habitude de voir deux heures de concert, ça va sembler très long : trois heures et demi ou quatre heures.

RFI : N’est-ce pas physiquement épuisant pour les musiciens ?
Y N'D :
Nous sommes ensemble depuis une quinzaine d’années, et nous avons commencé dans les clubs, où il n’y a pas de spectacle qui dure moins de trois heures. Mais c’est différent des concerts, les gens n’applaudissent pas forcément entre les morceaux, le batteur peut s’arrêter un moment pendant que le percussionniste reste seul avec moi, on est beaucoup plus détendu, on prend le temps de faire chanter le public... Si on joue quatre heures, ce n’est pas la fin du monde : à Dakar, on tient ce temps-là sans faire de pause. Mais, de toute façon, quand je fais un concert au théâtre Daniel-Sorano à Dakar, je ne fais pas le même set qu’au Thiossane.

RFI : Comment va votre label, Jololi ?
Y N'D :
Localement, ça marche très bien, nous avons beaucoup d’artistes qui marchent fort. Ça prend beaucoup plus de temps au niveau international. C’est toujours le même problème : on sait produire des disques, mais on ne sait pas comment les sortir en Occident. Par exemple, la compilation Da Hop (publiée l’année dernière à Paris par Delabel-Virgin, ndlr), qui présente le hip hop de Dakar, n’accroche pas vraiment les gens en France comme au Sénégal. Alors, forcément, on est plus timide...

RFI : Quant à vous, après huit ans passés chez Sony, vous venez de signer chez Warner...
Y N'D :
Pour moi, le plus important aujourd’hui est de produire mes disques. Jusqu’à présent j’avais toujours des contrats d’artiste dans les maisons de disques. Désormais, je suis producteur du début à la fin et j’ai un contrat de licence avec Nonesuch, un label américain de Warner. Je ne vais plus rester cinq ou six ans sans faire de disque - je suis plus rapide que ça, quand même.

RFI : Avez-vous déjà commencé à travailler au prochain disque ?
Y N'D :
Il y a juste quelques idées de chansons auxquelles je travaille. Il y a un son plus acoustique, comme une chanson avec seulement une guitare et un djembé, mais je ne sais pas encore où ça va me mener. Je commence le disque en janvier prochain.

RFI : L’actuelle crise internationale vous inquiète-t-elle quant à la situation des musiques africaines ?
Y N'D :
Artistiquement, je suis serein. La créativité, la diversité, les mélanges vont au-delà des discours simplistes de la politique. Alors l’artistique va faire du bien aux gens. Même si beaucoup de choses se sont mises en stand by, il reste la vraie richesse culturelle et je ne m’inquiète pas du tout, de ce point de vue. D’ailleurs, après Bercy, je pars trois semaines en tournée aux Etats-Unis.

RFI : Depuis plusieurs années, vous affirmez votre volonté de rester le plus possible à Dakar. Y arrivez-vous comme vous le souhaitez ?
Y N'D :
Je suis basé à Dakar que je ne quitte que pour les tournées maintenant. Je me suis créé un environnement, avec le studio où je travaille beaucoup pour mes disques et les productions de Jololi, mon club où j’ai un public magnifique qui garde en moi la passion de faire cette musique africaine urbaine. Je fais partie des gens qui doivent faire évoluer les choses dans la musique et j’ai le devoir de ne pas m’installer ailleurs. Et puis ma famille grandit : j’ai six enfants, entre dix-sept ans et six mois, et c’est le plus important.

Propos recueillis par Bertrand DICALE

Lundi 15, lisez sur notre site RFI Musique le compte rendu du grand bal du 13 octobre.