Electro Jazz à Paris
Pour sa troisième édition, le festival Factory a prouvé que la scène jazz electro a un public et des courants forts en Europe et surtout en France. Du 11 au 13 octobre, 700 personnes par soir en moyenne sont venues découvrir une sélection effervescente dans un Trabendo comble, transformé façon dance floor. Un groupe a retenu notre attention : Cosmik Connection.
Zoom sur Cosmik Connection à l'affiche du festival Factory
Pour sa troisième édition, le festival Factory a prouvé que la scène jazz electro a un public et des courants forts en Europe et surtout en France. Du 11 au 13 octobre, 700 personnes par soir en moyenne sont venues découvrir une sélection effervescente dans un Trabendo comble, transformé façon dance floor. Un groupe a retenu notre attention : Cosmik Connection.
Un festival : Factory
Comme d'habitude, Fabien Lhérisson, tête pensante (et chercheuse) de ce petit, mais néanmoins passionnant, festival a tenté de réunir la crème européenne de jazz électro. Citons le trompettiste norvégien Niels Petter Molvaer le 11 ("Pour moi, les plus grosses sensations sur ces trois jours" selon Lhérisson). Puis la fameuse soirée du 12, avec pour sa première parisienne, la sublime poétesse afro-américaine Dana Bryant que Laurent de Wilde ne pouvait nous cacher plus longtemps ! Dana était venue soutenir la formation électrique du Laurent de Wilde nouveau (celle de l'album Time for change) et a produit un effet certain sur le public. Enfin, le 13, l'événement était la présentation du nouveau projet afro-électro Frédéric Galliano, toujours plus perfectionniste, laissant la part belle à la voix enchanteresse de la Guinéenne Hadja Kouyaté. On espère d'ailleurs la sortie du disque au début de l'année prochaine, toujours chez F.Communication.
Des rencontres qui redonnent tout son sens aux prestations jazz sur scène, renouant ainsi définitivement avec la fête et la danse. "Lorsque je parle de jazz électro, précise Fabien Lhérisson, j'aime citer la période du Miles [Davis] électrique. Parfois c'était sublime, et d'autres fois, la magie n'opérait pas. Définitivement, cette scène est une expérience à partager".
Un groupe : Cosmik Connection
Mais le groupe qui, sans aucun doute, produisit le plus gros son, fut Cosmik Connection, le trio français : Philippe Garcia (batterie, mélodica, samples, programmations), Gaël Horellou (saxophone alto, baryton, samples, programmations) et Jérémie Picard (chant, samples et programmations). Ce qui réjouit systématiquement le chanteur, Jérémie : "La scène, c'est un parti pris ! C'est dans les sound system qu'on a eu cette révélation, on tripait sur les DJs, la musique forte…Je me souviens, au début de la jungle, quand j'ai vu Erik Truffaz à Londres, je me suis dit, ce truc-là, c'est de la bombe ! Et d'ailleurs aujourd'hui, ça marche. On a fait Cosmik pour retrouver cette énergie…"
Il faut le voir secouer la salle et ses dreadlocks, Jérémie Picard. Mais le seul du groupe à ne pas être issu du jazz, "cette musique savante", y trouve sans problème des racines. Sa voix, c'est son instrument. A partir des textes qu'il écrit en anglais parce que ça sonne et que le public s'attache moins aux paroles et à la musique des mots, il balance sa "tchache" comme ses samples. "Le free style, c'est de l'improvisation, au même niveau qu'un chorus de sax par Gaël… Et puis j'aime la manière jamaïcaine de dire le monde, à la fois poétique, voire prophétique, et puis d'un seul coup en phase avec la réalité". En dépit d'une prestation moins séductrice que les autres, sans concession, ça a marché fort auprès des festivaliers. Avec une musique pareille, pas question de rester passif, on participe ou on s'en va ! C'est aussi ça le radicalisme de Cosmik Connection qui vous impose un rythme à vous faire mal au ventre. Un rythme unique battu vitesse grand V par les baguettes magiques de Philippe Garcia.
Après un premier 5 titres auto-produit en 1997, (sauvagement) distribué entre Barcelone et Londres, Cosmik Connection s'est enfin fait vraiment remarquer avec Electrojazz4tet sorti en janvier 2000. Depuis leur début, ces trois têtes brûlées ont toujours affectionné les partis pris : des combinaisons multiples pour un son ne faisant jamais dans la nuance ou les compromis, et où l'on retrouve la techno, le jazz et le dub. Pas comme un mix universel, mais plutôt un "big bang" de machines au service de la créativité des musiciens. Les boucles comme autant de chaos rythmiques, défis lancés à la face créative d'instrumentistes pros de l'impro, puisqu'ils ont été élevés dans le sérail jazz (à l'exception de Jérémie). Il faut dire que l'on avait déjà entendu deux des fondateurs, le saxophoniste Gaël Horellou et le batteur Philippe Garcia, au sein de feu le Collectif Mu, une formation de jazz acoustique de la région lyonnaise. Si l'expérience Mu n'est plus, l'esprit collectif lui survit. En effet, c'est en tournée que les trois énervés ont trouvé la formule de leur nouvel album.
Un album : Cosmik Connection II
Oui, pour tous ceux qui n'étaient pas au Trabendo, qu'ils écoutent Cosmik Connection II, tout chaud dans les bacs. Vous serez estomaqué par le "pipon" de service qui a son morceau sur l'album : "le dub à pipon". Il faut dire qu'à 35 ans, le pipon en question en a déjà impressionné plus d'un ! "Alors lui", explique Jérémie "il s'est jeté sur l'électro ! La première fois que je lui ai fait écouter de la jungle, il s'y est mis, direct ! Il est en avance sur tout le monde ! Parfois, sur scène, j'ai même l'impression que ce sont les machines qui ralentissent". Philippe Garcia, convié d'ailleurs sur le nouvel album d'Erik Truffaz est absolument incroyable. Pour Fabien Lhérisson, c'est bien lui l'élément central du groupe : "Cosmik Connection, ils m'ont agréablement surpris, ils ont montré leur cohésion sur scène, autour du batteur, il y a quelque chose de très violent, pour un énorme son."
Troisième livraison donc, pour la formation la plus furieusement scénique de la planète électro-jazz formée de trois mutants : ces trois instrumentistes-techniciens persistent et signent pour cette fois nous donner toute la dimension éclatée de leur projet. Mais attention, âmes sensibles s'abstenir ! Pour ce nouvel album Cosmik Connection II, le noyau fondateur de Cosmik s'est enrichi des "survivants" du projet "Galaktik" ironiquement baptisé, les Galaktik Soldiers, qui avaient enflammé la clôture du festival Jazz à Vienne en 2000. Et pour Jérémie, c'est ça l'esprit jazz : "C'est une scène ouverte, ce qui compte c'est que le son soit là ! Et que les musiciens de passage puissent jouer s'ils en ont envie". C'est d'ailleurs comme ça que Laurent de Wilde, avide de territoires nouveaux, s'est connecté à Cosmik. "Il est venu nous voir, il a voulu savoir", rajoute Jérémie. D'ailleurs, le Laurent de Wilde nouveau, celui qui a troqué son piano acoustique pour un Fender Rhodes électrique était bien présent au Trabendo, dans les rangs des Soldats de la Galaxie !
Le jazz électro ? Une vraie planète !
Valérie Nivelon
Cosmik Connection (2000, Plein Gaz/PIAS France)
Cosmik Connection II (2001, Cosmik Connection/ La Baleine)
En concert à Amsterdam le 18 Octobre, et en tournée en France jusqu'au 9 Novembre.
Website: http://www.le-florida.org/cosmik