LA FIESTA DES SUDS
Marseille, le 29 octobre 2001 - Dix éditions au compteur et neuf dates chargées à bloc entre le 13 et le 31 octobre 2001 : on peut attendre le meilleur de la Fiesta des Docks à Marseille. Surtout avec sa programmation. Du raï à l’électro, en passant par le mbalax ou la salsa, l’éclectisme y prend comme toujours des airs de manifeste ouvert sur l’ensemble des Suds.
Une manifestation victime de son succès
Marseille, le 29 octobre 2001 - Dix éditions au compteur et neuf dates chargées à bloc entre le 13 et le 31 octobre 2001 : on peut attendre le meilleur de la Fiesta des Docks à Marseille. Surtout avec sa programmation. Du raï à l’électro, en passant par le mbalax ou la salsa, l’éclectisme y prend comme toujours des airs de manifeste ouvert sur l’ensemble des Suds.
La Méditerranée, l’Afrique, les Caraïbes… Sud réel et Sud rêvé. Une envie d’embrasser le monde depuis la cité phocéenne, en s’appuyant sur une histoire des diasporas sans cesse redéfinie par le temps et ses humeurs. L’aventure est née en 1992. Avec un succès de plus en plus établi chaque année, correspondant surtout à l’image cosmopolite de la ville. Marseille et son Vieux Port, ses peuples et ses cultures venues tous d’ailleurs. La musique pour point d’ancrage. Et le festif pour la légende. Un pari que tente d’honorer une fois encore cette année l’équipe de Bernard Aubert et de Florence Chastagnier, les saint-patrons de ce rendez-vous automnal. Ce vendredi 26 octobre, l'affiche rappelait la diversité musicale de l'Afrique, du nord au sud.
Une Africa live. Toutes ces soirées chaudes pourraient ne pas bien se passer. Leur réussite n’est qu’une supposition de notre part. Sur la base, d’un succès souvent peu démenti, on peut considérer que la Fiesta ne peut que finir son dernier sprint en beauté. Pourtant, vendredi soir, à l’Africa Live, le chanteur Chebli des Comores, se faisait courser sur la petite scène par le son d’une discothèque improvisée pour les fiestards (l’artiste a fini par s’en plaindre au micro). Les organisateurs auraient pu à la limite faire l’économie d’un plateau en mettant tout le monde sur la grande scène.
Celle-ci, située à quelques mètres de là, a accueilli l’Algérien Cheb Sahraoui, l’ex-compère de Fadela, désormais boosté par sa carrière solo. Son raï rock semblait déstabilisé par moments. Etait-ce là encore une affaire de sons ? Quelques spectateurs nous ont affirmé après coup avoir été légèrement déçus par la façon dont la musique se déversait globalement dans la salle. « Et puis, il y a trop de monde. On n’arrive pas à danser. Les organisateurs devraient tenir compte de ce facteur, s’ils veulent que l’esprit festif continue à régner dans ces lieux. Nous ne venons pas au parc à bestiaux, nous venons avant tout pour la magie festive qui y règne et qui a toujours été la marque de fabrique du lieu». Avis aux concernés.
La semba de l’Angolais Bonga a suivi après Sahraoui. Electrique, et ce, malgré les cuivres martelés au clavier. Le vieux briscard était au meilleur de sa forme… Il faut le souligner. Ailleurs sur le site, le public se partageait entre les différents bars à thème, les stands d’associations et la Fiest’Arts, consacrée, elle, aux arts visuels. Boire des coups, avant de réinjecter de gros décibels dans l’oreille en grande salle, parler avec ses amis ou s’interroger sur une action militante, discuter avec un jeune artiste ou parcourir les pages d’un recueil de nouvelles policières dédié à la Fiesta par les éditons L’Ecaillier du Sud… Les anciens hangars des Docks du Sud ressemblent alors à une grande foire du plaisir.
Un dernier changement de plateau plus tard. La remarque s’impose : au fur et à mesure que les jambes se fatiguent, que le flot humain diminue, la musique devient plus « écoutable ». Le mbalax du sénégalais Ismaël Lô, venu après Bonga, ne nous paraît pas du tout martyrisé aux consoles. Cela ne nous empêche cependant pas d’enregistrer cet autre avis d'un Dj ayant sévi dans les lieux quelques jours auparavant : « peuvent mieux faire », lance t'il, en parlant des organisateurs. L’oiseau n’a pas l’air de beaucoup apprécier, lui non plus, la manière dont on a fait partager son set musical au public.
Un rapide sondage vers deux heures et demi du matin nous ramène encore au problème du nombre de spectateurs. Les uns parlent d’une fiesta qui risque de perdre son visage humain, d’autres avancent l’expression de « fête à échelle industrielle ». Quelques-uns se plaignent de la queue à l’entrée et des bousculades. Un habitué raconte : « La dernière fois, pour la soirée Africando, ils ont refusé du monde. Près de deux mille personnes n’ont pas pu entrer. Mais on s’est rendu compte une fois à l’intérieur qu’ils en avaient déjà trop laissé entrer. Ça pouvait être dangereux pour la sécurité du public »
. A l’esprit, nous revient alors une phrase de Florence Chastagnier, entendue la veille : « Nous sommes victimes de notre succès ». Elle n’avait pas tort. Il est trois heures du matin, dehors, les mines réjouies des spectateurs témoignent que le concert s'est quand même bien passé.
Cette semaine, a lieu le dernier sprint. Avec au programme ce soir, Ska-P, Raspigaous et Panico. Le premier est un collectif espagnol qui mêle le punk au ska et aligne les positions anar sur une musique explosive, qui rappelle un peu la folie furieuse de la Mano Negra aux grandes heures. Les seconds tordent la cumbia et déboulent tout droit de la scène indépendante au Chili, avec une énergie qui emporte tout sur son passage. Les Raspigaous enfin trafiquent du rasta et du blé sauvage sur fond de ska et de rock steady à fond la caisse depuis leur bonne vieille cité phocéenne de naissance. Un programme digne en somme, avant les douze heures de beats brésiliens prévus en clôture du festival mercredi 31 octobre. Zuco 103, Chico Cesar et Ilê Aiyê, Gilberto Gil ayant annulé.
A noter aussi pour cette dernière soirée, l’apparition annoncée sur la scène d’un trublion local, salué par nombre de fanas biberonnés au ragga, jadis entrevu aux côtés du Black Lions et des Massilia Sound System. Il s’agit de Toko Blaze et de ses amis du Gombo Sauce System, qui sont persuadés de pouvoir remporter le match musical Marseille-Brésil. Voilà qui viendra clôturer ce festival qui reste le plus gros rendez-vous du genre dans toute la région.
Soeuf Elbadawi