Meiway

Eternel le nouvel album de l'Ivoirien Meiway, le père du zoblazo, place la spiritualité au coeur d’un combat que l’artiste veut mener contre les fossoyeurs de l’Afrique. Avec le verbe incisif et la rythmique incandescente, les 700% de zoblazo vont bientôt défrayer la chronique. Ses vérités font mal et ses sons vous propulsent dans le temple de l’ambiance au nom d’une musique… Eternel(le). Sortez vos mouchoirs !

Eternel

Eternel le nouvel album de l'Ivoirien Meiway, le père du zoblazo, place la spiritualité au coeur d’un combat que l’artiste veut mener contre les fossoyeurs de l’Afrique. Avec le verbe incisif et la rythmique incandescente, les 700% de zoblazo vont bientôt défrayer la chronique. Ses vérités font mal et ses sons vous propulsent dans le temple de l’ambiance au nom d’une musique… Eternel(le). Sortez vos mouchoirs !

L’album Extraterrestre était celui de vos dix ans de carrière. Quel est le sens de ce septième album ? dans quel état d’esprit l'avez-vous préparé ?
C’est un album un niveau au-dessus des précédents. En entrant en studio, j’ai constaté que le monde était sur la voie de la perdition. La plus grande puissance du monde pliait l’échine devant des forces attribuées à un pays plus pauvre. Preuve que personne n’est à l’abri et que le monde va mal. Le seul repère pour « positiver » en pareille circonstance, c’est l’éternel, qui est un repère spirituel, fiable, fidèle, c’est le retour à des valeurs essentielles.
Je m’en suis donc inspiré pour cet album. J’ai travaillé dans des conditions plus relaxantes que d’habitude. Je sortais d’une période très difficile avec la crise politique que traversait la Côte d’Ivoire. Cette situation a eu une répercussion négative sur le précédent album. Je me suis retrouvé en position d’outsider sur un marché qui a vu émerger des vagues qui épousaient ce contexte. N’étant plus leader, j’ai travaillé plus sereinement.
Eternel est un album où je parle plus que je ne chante…J’y suis plus messager qu’interprète. En regardant l’état du monde, j’ai ressenti l’envie de parler à mon public, celui qui m’a fait. J’ai voulu lui parler afin qu’il prenne ses distances avec les âneries du monde politique. J’ai décidé de parler, de dire haut et fort ce que les gens pensent tout bas.

Le compteur du zoblazo continue de tourner. Cet album affiche 700% de zoblazo. Pourtant on remarque que vous proposez dans Eternel une reprise du tube 200% zoblazo. Nostalgie des heures phares ?
Ce métier, nous le faisons d’abord par plaisir, mais aussi pour nos fans, notre public et surtout les fidèles qui nous suivent depuis le début. Ils ont une affection particulière pour ce titre et me le réclamaient. J’ai tenu à leur faire ce clin d’œil en retravaillant les arrangements, les orchestrations musicales et la composition avec les nouveaux outils, tout en évitant de profaner l’esprit du titre. J’ai maintenu les repères de base et ils n’en seront pas déçu.

Est-ce qu’un titre comme Abenan est un message que vous avez voulu envoyer à votre peuple…Surtout au moment où l’actualité politique de votre pays revient à la une des journaux ?
Forcément, car le peuple burkinabé a largement contribué à la construction de la nation ivoirienne. Aujourd’hui, qu’il soit traité de manière aussi injuste à cause des âneries politiques, je trouve cela fort inélégant. Et en temps qu’Ivoirien qui aime son pays, j’essaie de prendre la parole pour appeler ce peuple à la réconciliation, pour lui dire que la Côte d' Ivoire c’est aussi chez lui. Les vrais Ivoiriens ça n’existe pas, on vient tous d’ailleurs. Aujourd’hui je constate qu’en Côte d'Ivoire, il y a les Ivoiriens d’un côté et les hommes politiques de l'autre. Les deux catégories ne mènent pas le même combat, il faut faire la part des choses.
Regardez par exemple le forum de réconciliation, encore une affaire politique. Elle ne tourne qu’autour d’une seule personne, alors que nous sommes 15 millions et on ne tient pas compte de nos avis.
L’Ivoirien en lui-même n’est pas un imbécile! La Côte d'Ivoire est un pays d’ouverture et pour moi c’est important de le rappeler.

On sait que Meiway est très écouté par les jeunes et dans un titre comme Sentence, vous disqualifiez complètement les dirigeants africains, vous leur dîtes Rendez-vous, on ne veut plus de vous ! dans une couleur musicale qui sonne presque comme une confidence. Est-ce un appel à la révolte ?
C’est d’abord une révolte personnelle. Ensuite, c’est un appel à une révolte positive à distinguer du désordre. Je veux que mon Afrique change. Si je me révolte, c’est pour un vrai changement. Nos chefs d’Etats ont un bilan catastrophique, ils ont endetté leurs pays à un niveau inacceptable. Ils doivent tous partir sinon ils vont continuer à emprunter cet argent facile alors qu’il faut arrêter le massacre. Voilà pourquoi j’invite Archimango à venir sauver l’Afrique. Cette fiction représente l’idéal du dirigeant dont nous avons besoin. Je suis prêt à me prosterner devant celui qui mènera son pays en développant au maximum les ressources et non plus en augmentant le volume d’une dette que nos enfants payeront, alors que cela ne leur aura servi à rien. L’aide pousse à la paresse.

En écoutant Adibébé, ou encore Adjalou, on retrouve les rythmiques puissantes et décoiffantes du zoblazo tel qu’on le connaît. On a aussi l’impression que les synthés prennent de plus en plus d’importance, au détriment des percussions traditionnelles qui constituent la base rythmique du zoblazo ?
Les synthés dans le zoblazo sont des accessoires qui traduisent simplement un impératif esthétique de notre temps. J’appartiens à une génération qui a connu les ordinateurs dans sa formation musicale et j’essaie de m’en servir pour mieux valoriser les percussions traditionnelles.
Honnêtement, je n’ai jamais autant utilisé les percussions, il m’a fallu deux séances studio pour les enregistrer, ce qui n’est jamais arrivé dans mes albums précédents. Tout compte fait, ma musique est contemporaine et j'ai les pieds plus que jamais ancrés dans mon zoblazo.

Dans vos derniers albums, on a remarqué que vous avez fait des emprunts aux musiques du Gabon et du Sénégal pour enrichir le zoblazo. Y-a-t-il eu de telles expériences avec l’album Eternel ?
Tout à fait. Une chanson comme Abenan répondait à deux symboles. D’abord la réconciliation comme je l’ai dit, mais aussi sur le plan rythmique, c’est une musique typiquement burkinabé. J'ai pu ainsi affirmer mon africanité, je suis ivoirien certes, mais africain avant tout. C’est un clin d’œil que je poursuivrai.

Vous êtes un précurseur en matière de diffusion des musiques urbaines ivoiriennes. Aujourd’hui des jeunes groupes émergent. Quel regard portez-vous sur ce phénomène ? N’a t-il pas un peu bousculé le zoblazo sur son terrain ?
C’est une grande fierté pour la Côte d'Ivoire. Aujourd’hui les DJs programment des sélections ivoiriennes dans les boîtes de nuit avec succès. C’est la preuve qu’en Côte d'Ivoire il y a un grand patrimoine qui était mal exploité. Tous ces courants comme le zouglou, le logobi, le nyakwa, le mapouka puisent dans ce patrimoine, ce qui fait leur originalité.
Le zoblazo n’a pas à en souffrir car nous menons le même combat, nos actions sont complémentaires bien que nous n’évoluions pas dans la même division. Je reste quand même une locomotive, sans fausse prétention. Il faut néanmoins déplorer le manque de rigueur et de professionnalisme de certains de ces jeunes qui sont arrivés à la musique par hasard. Mon rôle est d’essayer de leur inculquer le goût de l’apprentissage.

700 %…Et après ?
Si l'Eternel le veut, je pourrais bientôt faire une grande salle parisienne et même l’une des plus grandes. Ensuite il va falloir envisager d’élargir le réseau de distribution de mes produits. C’est le travail de la maison de disques.
L’un de mes rêves actuellement serai de collaborer avec une grosse tête d’affiche et si tout se passe bien ce sera un vrai projet et non une affaire de mode. Pour le moment, je ne donne aucun nom, les choses se feront en leur temps. Je tiens à ne pas me couper de ma base sociologique pour séduire un public plus large. C’est un piège qui se referme souvent de manière brutale sur ceux qui veulent faire le grand écart au nom de la world music. Je m’en méfie beaucoup. Le zoblazo, j’y suis et j’y reste.

Meiway Eternel (JPS PRODUCTIONS) 2001