RENOUVEAU ELECTRO
Paris, le 28 novembre 2001 - Coup sur coup, trois albums de musique électronique française sortent ces jours-ci. Ils nous rappellent qu’il existe une vie après la French touch.
Trois nouvelles têtes
Paris, le 28 novembre 2001 - Coup sur coup, trois albums de musique électronique française sortent ces jours-ci. Ils nous rappellent qu’il existe une vie après la French touch.
Miss Kittin & The Hacker : The First Album
Alors que Miss Kittin est une star en Allemagne, elle reste quasiment inconnue du grand public français. Quant à The Hacker, il est l’un de nos meilleurs producteurs hexagonaux, auteur d’un excellent album sur le label grenoblois Good life, intitulé Mélodies en sous-sol. Elle chante, lui s’occupe des sons.
L’un de leurs premiers live a eu lieu au festival Sonar de Barcelone en 1999. Ce soir-là, Miss Kittin habillée en infirmière interprète de manière détachée des titres bourrés d’humour comme Franck Sinatra, devenu depuis un classique de l’underground joué par les plus grands DJs du monde, ou Life on MTV. Ce concert aura été le meilleur du festival qui a pourtant vu défiler la crème mondiale de l’électronique.
Ce First album, est un album électro, même si le duo rejette cette appellation, eux préférant se classer dans la catégorie électro-pop : affaire de spécialistes… Ce qui est sûr, c’est qu’à l’écoute de cet opus, vous replongerez directement au cœur des années 80. Ce style étant largement plus plébiscité en Allemagne qu’en France, il est donc normal que Miss Kittin & The Hacker aient signé sur le label électro de référence basé à Berlin, International Deejay gigolo records, fondé par DJ Hell. Miss Kittin a d’ailleurs décidé de quitter la Suisse pour s’installer à Berlin.
On retrouve cette DJ française, une des meilleures, sur des albums étrangers comme celui de Félix Da Housecat, qui lui voue un véritable culte, et celui du collectif Détroit Grand Pu bah. Preuve, si besoin est, de l’aura que Miss Kittin a à l’étranger. Il est intéressant de se rappeler que les Daft Punk ont dû, eux aussi, sortir leur premier maxi sur un label étranger, Soma en Ecosse, avant de rencontrer le succès qu’on leur connaît aujourd'hui en France. En sera t’il de même pour ce duo ? On l’espère !
Gotan Project : La revancha del tango
On change complètement d’univers avec ce trio international que l’on connaissait déjà sous le pseudo Boy’z from Brazil. Le Français Philippe Cohen-Solal, le Suisse Christophe H. Müller et l’Argentin Eduardo Makaroff, après avoir relifté la musique brésilienne, s’attaquent à l’Argentine et à son tango. Les plus futés d’entre vous auront remarqué immédiatement que "gotan", c’est bien sûr tango en verlan. Les Argentins appellent ainsi leur musique en langage familier.
Autant les rythmes brésiliens se marient à merveille avec les beats électroniques, autant mettre à la portée des jeunes le tango de Piazzola n’est pas une mince affaire. Et pourtant… Est-ce la vague lounge qui déferle dans l’Hexagone ou tout simplement le talent des Gotan Project ? Toujours est-il que nous tenons là, l’album qui, de 7 à 77 ans, fera l’unanimité. On savait depuis quelques années que les musiques dites «traditionnelles» se mariaient à merveille avec l’électronique mais rarement une fusion aura semblé aussi naturelle, aussi fluide.
Le trio basé à Paris a réussi le tour de force de moderniser le tango sans dénaturer le côté nostalgique de cette musique. Beaucoup de producteurs se mordront les doigts de n’y avoir pas pensé avant, tant la fusion avec le trip-hop, la house et le dub semble couler de source. Encore fallait-il en avoir le talent. Gotan Project signe là l’un des albums les plus frais de ces six derniers mois. Paradoxalement, la Revancha del tango connaît un succès aux quatre coins de l’Europe, porté par les meilleurs DJs du continent comme Gilles Peterson ou Richard Dorfmeister. Gotan Project se paie même le luxe de se classer n°1 au Portugal devant Michael Jackson ! Mais cela semble démarrer plus lentement en France, une fois de plus…
The Youngsters : Lemonorange
Direction cette fois l’univers techno de ce duo montpelliérain. C’est, une fois de plus, Laurent Garnier qui a découvert ces Youngsters et qui les a signés sur son label Fcom.
Dès qu’un disque contient quelques beats électroniques aux rythmes vitaminés, immédiatement on y colle l’étiquette techno. C’est aller un peu vite en besogne et c’est oublier que le terme techno correspond à un style bien défini du courant électronique qui a vu le jour aux Etats-Unis (à Détroit exactement). C’est de ce courant dont se réclament Gilles le Gamin et Olivier M., de cette techno froide, mais mélodieuse. Pourtant leur premier album ne se limite pas à une série de titres techno, bien au contraire. Ambiant, électro ou dub, les Youngsters nous livrent ici un album éclectique qui s’adresse tout de même à un public averti. Il faut noter qu'ils se produisent en live et sont certainement l’un des duos les plus efficaces du moment en club, la scène électronique manquant généralement de punch sur scène. Pour un premier essai, ce n’est pas un coup de maître mais il faut suivre de près ce duo qui redonne ses lettres de noblesse à un style trop longtemps cantonné aux seules raves et free parties.
Qu’elle soit teintée de revival années 80 comme chez Miss Kittin & The Hacker ou mixée avec des influences traditionnelles, comme chez Gotan Project ou alors empreinte de techno américaine façon Youngsters, la musique électronique française se porte bien en cette fin d’année 2001. Elle nous prouve que le courant house-funky, même s’il est toujours aussi vendeur à l’étranger, ne doit pas devenir l’arbre qui cache la forêt de producteurs prêts à en découdre avec les Bob Sinclar et autres Daft Punk.
Miss Kittin & The Hacker : The First Album (International deejay gigolo records)
Gotan Project : La revancha del tango (Ya Basta/Barclay)
The Youngsters : Lemonorange ( Fcom)