Marie-Paule Belle chante Barbara
Depuis mars dernier, la Parisienne Marie-Paule Belle revisite le répertoire de Barbara. D’abord au Théâtre de Dix-Heures, puis au Casino de Paris, elle entame aujourd'hui une tournée à travers l’Hexagone jusqu'en été 2002. Un album, Marie-Paule Belle chante Barbara, retrace cette aventure.
De l'émotion…
Depuis mars dernier, la Parisienne Marie-Paule Belle revisite le répertoire de Barbara. D’abord au Théâtre de Dix-Heures, puis au Casino de Paris, elle entame aujourd'hui une tournée à travers l’Hexagone jusqu'en été 2002. Un album, Marie-Paule Belle chante Barbara, retrace cette aventure.
Sur la scène du théâtre de Colombes, en banlieue parisienne, une femme seule au piano répète. Cheveux courts et raides, à peine reconnaissable sans sa tignasse frisée noire, Marie-Paule Belle affiche une beauté insoupçonnée et une sérénité de l’âge.
Dites-moi, chanter Barbara c'est une aventure ?
Oui, vous pouvez le dire ! Barbara est un amour d’adolescence en fait, je l’ai découverte à cette époque en même temps que Brel. C’est eux qui m’ont donné envie de chanter. J’avais donc toujours eu l’idée de leur rendre hommage un jour. J’en avais parlé à mon producteur, il y a des années. Il m’a relancée en août 2000. J’ai longtemps hésité parce qu’entre-temps Barbara était partie et que je pensais le faire de son vivant. Puis, finalement, je me suis laissée entraîner. Mais avec énormément de peur parce que vous savez comme moi que le public de Barbara est intransigeant. Lorsqu’elle donnait un concert, c’était une messe. Je ne voulais pas déranger ce souvenir, toucher à ce qui était intouchable. Son public est encore en deuil.
Quel public est présent lors de ces concerts ? Le sien ou le vôtre ?
Il y a un mélange. Il y a celui qui me connaît très bien et celui qui est fan de Barbara et me connaît très peu. Ce dernier était évidemment un peu sur la défensive. Parfois, je sens que la salle est tendue au début du spectacle, puis peu à peu il y a un apaisement. Je sens qu’il faut que je me batte sur chaque mot, qu’il faut que je fasse très attention. Cela me demande une concentration beaucoup plus forte, me cause un trac beaucoup plus intense aussi. Ce n’est pas mon univers, je rentre dans celui de quelqu'un d’autre.
Est-ce que l’on a des surprises lorsque l’on interprète les chansons de quelqu’un d’autre ?
Oui, par exemple avec Paris, 15 août. Je ne pensais pas reprendre ce titre. Barbara y avait mis une mélodie assez nostalgique avec des temps en mineur. En isolant la musique, j’ai découvert que ce texte était plein d’humour. Elle raconte que son amant est parti en Espagne avec sa femme et ses enfants et qu’en attendant, elle va partir en Bretagne. En réalité, même si elle aurait préférer partager ce 15 août avec elle, elle s’en fiche assez. Je le chante avec des clins d’œil. Cela change complètement et ça, c’est une surprise ! Je ne m’y attendais pas du tout !
Vous ne cherchez pas à imiter Barbara, mais ce n’est pas tout à fait du Marie-Paule Belle non plus.
C’est ce que l’on me dit souvent. Je ne phrase pas comme elle, j’aurais trouvé cela ridicule !
Le disque reflète la scène dans le choix des titres et leur ordre de passage. A trois exceptions près, trois chansons rajoutées en concert.
Absolument. Parmi elles la chanson de fin qui est celle que j’ai écrite en son hommage. Je l’interprète lors du rappel parce que je ne peux pas refaire un bis sur un titre, ni reprendre les chansons qu’elle a trop chantées (comme l’Aigle noir ou Ma plus belle histoire d’amour). Quand j’ai travaillé, j’ai écouté 196 titres (même les versions allemandes), j’en ai sélectionné 140 environ, ensuite je suis descendue à 70… J’ai donc choisi mes propres coups de cœur et supprimé les chansons qui pouvaient faire double emploi. Le plus difficile a été d’établir l’ordre des chansons. J’ai fait au moins dix essais différents avant de trouver le définitif.
Vous dites ne pas avoir repris les chansons trop chantées, vous interprétez pourtant Göttingen et Dis, quand reviendras-tu...
Oui. Elles sont extrêmement connues. Mais si vous demandez aux passants une chanson de Barbara, ils vont tous vous répondre l’Aigle noir. Ce sont les plus populaires auxquelles je n’ai pas voulu toucher. Et celles qui font partie de son autobiographie comme les Insomnies ou Mon enfance... En revanche, je reprends des chansons très générales comme la Solitude et Le mal de vivre. Il n’y a que Il pleut sur Nantes, une chanson très personnelle, que j’ai incluse dans le répertoire. A la mort de mon père je suis arrivée trop tard, il était déjà décédé. Je revois mes propres images et mon vécu donc j’ai l’impression de chanter mon histoire. Puis en fait, il se trouve que j’avais déjà inséré ce titre dans mon propre tour de chant, bien avant de faire ce spectacle. J’avais eu Barbara au téléphone et je lui avais demandé si cela ne l’ennuyait pas que je chante ce morceau. Elle m’avait répondu qu’au contraire cela lui faisait très plaisir.
Est-ce à cette occasion que vous lui avez parlé la première fois.
Non, non. C’était avant. Il se trouve que nous avions une série de points communs. Elle a démarré sa carrière à l’écluse et moi aussi. Elle était accompagnée par Roland Romanelli. Moi aussi. Il l’a suivie pendant 20 ans, moi pendant 10 ans. Ensuite, on a enregistré ensemble une chanson pour une cause humanitaire qui ne réunissait que des femmes, on s’est rencontré ainsi. Nous n’étions pas amies dans la vie, on ne se connaissait pas vraiment, mais je pense que l’on s’appréciait mutuellement. Enfin, de mon côté, c’est peu dire que de l’apprécier ! Mais je pense qu’elle m’aimait bien.
Aujourd’hui, elle vous accompagne tous les soirs...?
Oui. Je sens vraiment sa présence. Surtout dans les moments de grandes émotions, de grande intensité. Il faut dire qu’il y a parfois un silence incroyable dans la salle. Quelques fois, je dépouille tellement le piano que je fais juste deux notes pour indiquer l’harmonie. Les mots sortent alors complètement.
Certaines personnes prétendent que c’est parce que vous fonctionnez beaucoup moins bien aujourd’hui, que vous utilisez le filon Barbara.
Bien sûr ! (Grand rire) Oui, je sais. Pensez bien que lorsque j’ai pris la décision de monter ce spectacle et ce disque, je me suis blindée sur ce qu’on allait dire : "Barbara n’a pas besoin d’elle, elle en revanche a besoin de Barbara...". J’avais bien conscience que j’allais entendre ce genre de choses. C’est aussi pour cela que j’ai beaucoup hésité. Mais je prépare également un nouvel album, je ne vais pas m’arrêter sur Barbara. Quant à ceux qui disent que cela ne marche pas, moi je suis plutôt contente au contraire ! Voilà 30 ans que je chante sans passer spécialement ni à la radio ni à la télé, mais je continue à faire de la scène. Le public s’est toujours dérangé pour venir me voir.
Barbara et vous avez le point commun d’être reconnues comme des femmes de scène.
C’est l’endroit le plus magique. Piaf disait que c’était une drogue. Le quotidien paraît fade et on attend que ce moment exceptionnel. On ne peut pas avoir plus, c’est le maximum ! L’amour des gens à ce point, dans le regard et dans l’écoute. Comment voulez-vous retrouver cela dans la vie de tous les jours ?
Pourtant vous êtes des femmes qui composent, qui écrivent. On peut imaginer que ces bonheurs vous pouvez les avoir aussi au moment de la création.
Oui, mais c’est complètement différent. Quand je compose je suis en manque de chanter. Ce qui est très énervant aussi c’est qu’après la création, le temps que cela soit enregistré, que cela sorte, on est déjà dans autre chose. Donc, au moment où on l’interprète sur scène, il faut se plonger exactement dans le climat du moment, retrouver les mots comme si on les disait pour la première fois. C’est pour cela que je pense qu’il faut privilégier l’émotion.
Vous insistez sur la notion de dépouillement, d’autant plus que pour cet album et ce spectacle on ne peut pas mieux faire en la matière : un piano et la voix !
On ne fait pas plus nu (rires). C’est William Sheller qui m’a poussée à faire cela. On se voyait souvent et on chantait des chansons au piano. Il m’a dit :"Mais pourquoi tu ne chantes pas comme ça sur scène ?" Je lui répondais que je n’oserai jamais, que c’était juste pour les copains. "Tu as tort parce que c’est vraiment toi". Il m’a donc persuadée, en me précisant quand même : "Tu vas voir, tu vas avoir la plus grande trouille de ta vie, mais en même temps la plus grande liberté." Et c’est vrai. La liberté est plus forte que le trac !
Marie-Paule Belle chante Barbara (Philips) 2001