Africolor : Répétition
Deux créations seront présentées lors de cette treizième édition d'Africolor qui se déroulera du 14 au 25 décembre : Falak, rencontre entre Néba Solo et le trio iranien Chemirani et Amakwaya, création entre le groupe vocal français Soli Tutti et les sud-africains de Colenso Abafana. Nous avons suivi les artistes dans les méandres de leurs répétitions.
Micro-climat en Seine Saint-Denis
Deux créations seront présentées lors de cette treizième édition d'Africolor qui se déroulera du 14 au 25 décembre : Falak, rencontre entre Néba Solo et le trio iranien Chemirani et Amakwaya, création entre le groupe vocal français Soli Tutti et les sud-africains de Colenso Abafana. Nous avons suivi les artistes dans les méandres de leurs répétitions.
A Africolor, les années se suivent et ne se ressemblent pas. Pour sa treizième édition, ce festival qui croise à l’envie, musiques de l’Afrique et de l’océan Indien ,quitte son port d’attache habituel, le Théâtre Gérard-Philipe de Saint-Denis et rayonne dès le 14 décembre dans tout le département de la Seine- Saint-Denis, en banlieue parisienne. Il n’en oublie pas pour autant ce lieu qui l’a vu naître (en 1989), puis grandir, où la fête s’achèvera comme d’habitude le 24 décembre avec la traditionnelle nuit de Noël malienne. On y retrouvera, entre autres, Nahawa Doumbia, l’une des voix les plus célèbres du Mali, et les balafons fougueux de Néba Solo, également à l’affiche deux jours avant pour un dialogue atypique avec les percussions du Trio Chemirani, originaire d’Iran. Outre le fait qu'il témoigne avec un engagement militant du foisonnement musical de l’Afrique et de l’océan Indien, le festival Africolor propose de vraies créations. Falak, la rencontre entre Néba Solo et le Trio Chemirani, est l’une de celles présentées cette année.
A la base de cet échange original entre percussions iraniennes et balafons, une envie, une curiosité. Celle de Keyvan, 33 ans, l’un des deux frères Chemirani qui avec Djamchid, le père, forment un trio familial exemplaire de cohésion, centré autour du zarb, la percussion principale de la musique savante persane. «J’avais un a priori vis à vis de la percussion africaine, raconte Keyvan, j'étais saturé par tous les joueurs de djembé que l’on croise un peu partout et puis un jour j’ai entendu un percussionniste fabuleux dont j’ai, hélas, oublié le nom. J’ai pris une claque. Comme j’en ai pris une autre en voyant les frères Coulibaly, du Burkina Faso, puis en découvrant la kora, le balafon, etc.» Une répétition de coups de foudre qui finit par éveiller en lui le désir d’une confrontation, d’un discours croisé avec des musiciens africains.
Lorsque Philippe Conrath, directeur d’Africolor, lui fait écouter Néba Solo, il sait que c’est exactement avec ce qu’il entend là, qu’il veut tenter l’expérience. «J’adore la sonorité du balafon, son côté mélodico-rythmique et ce jeu répétitif qui ne s’arrête jamais.» L’idée germe alors d'une rencontre entre deux familles de musiciens. La sienne, le Trio Chemirani et celle de Souleymane Traoré, dit Néba Solo, qui se produirait également avec son frère Siaka et son père. Cette idée prend alors valeur de symbole évoquant la notion de transmission d’un savoir, d’un patrimoine musical au sein d’une même famille. Un processus universel, un trait d’union entre les générations qui perdure dans différentes cultures, même s’il s’effrite dangereusement parfois.
Lorsque le père de Souleymane est décédé en mai, le projet aurait pu être enterré. Tout le monde a voulu continuer. Oumar a rejoint ses deux cousins. Le trio Néba Solo était prêt pour l’aventure. «Quand Keyvan m’a parlé de ce projet,raconte Djamchid Chemirani, installé à Paris depuis 1961, j’ai été à la fois réticent et enthousiaste. Je ne connaissais pas leur musique mais j’avais croisé Souleymane dans un festival à Rotterdam où des musiciens de plusieurs horizons jouaient ensemble : on avait eu un échange musical assez séduisant. Cependant, aller jusqu’à rapprocher trois percussionnistes et trois balafons, c’était quand même un point d’interrogation pour moi. Et puis on s’est rencontrés et ça a fonctionné.»
La rencontre s’est faite en deux temps. En septembre, Keyvan et Bijan Chemirani se sont rendus chez Néba Solo à Sikasso, au Sud du Mali, pour un premier travail, tisser la trame de cette conversation entre les rythmes sénoufos et ceux de la tradition persane. Les choses se sont affinées ensuite dans un studio parisien jusqu’à une ultime répétition la veille de la première, le 7 décembre à Echirolles (festival 38e Rugissants). Cette création a été reprise le 11 à Strasbourg et donnera le coup d’envoi d’Africolor le 14 à Montreuil, en Seine Saint-Denis.
Patrick Labesse