36ème MIDEM

Cannes, le 19 janvier 2002- Qui a dit que l’exception culturelle française avait vécu ? Alors que s’ouvre à Cannes le 36ème MIDEM, et qu’arrivent les premiers chiffres de l’industrie musicale pour l’année 2001, la France montre au contraire une santé insolente, à contre-courant des autres grands marchés mondiaux.

Côte d’Azur et production française : micro-climats

Cannes, le 19 janvier 2002- Qui a dit que l’exception culturelle française avait vécu ? Alors que s’ouvre à Cannes le 36ème MIDEM, et qu’arrivent les premiers chiffres de l’industrie musicale pour l’année 2001, la France montre au contraire une santé insolente, à contre-courant des autres grands marchés mondiaux.


Alors qu’aux Etats-Unis, par exemple, les ventes de disques ont chuté de près de 10%, la France affiche une hausse du même ordre ! Et, cocorico absolu, 65% de ces disques seraient des productions hexagonales, record historique.

Même si le MIDEM (Marché International du Disque et de l’ Edition Musicale) les adore, il faut bien sûr se méfier des chiffres. Quantité n’est pas synonyme de qualité. C’est ainsi que bon nombre de ces albums écoulés dans nos grandes surfaces l’année dernière sont le fruit des « reality shows » inaugurés en 2001 par les télévisions françaises, M6 et TF1. Il s’agit de ce que le métier appelle des « coups », s’appuyant sur un marketing fort, une clientèle très jeune, et une durée de vie très courte dans les bacs des disquaires. On est loin de l’installation progressive d’un artiste dans le goût du public, qui reste la seule garantie de longévité pour une maison de disques digne de ce nom.

Considérer comme une victoire que 65% des CDs vendus cette année soit d’origine française est également un leurre. Outre, comme nous l’avons vu, que ces produits n’ont pas de suite garantie, ils viennent bien souvent prendre la place de véritables artistes, français, francophones ou représentants des musiques du monde. Le marché se rétrécit, et les radios elles-mêmes sont dans le collimateur, pour ne plus oser prendre de risques dans leurs programmations : toutes les play-lists finissent par se ressembler, et les producteurs indépendants qui investissent encore dans de nouveaux talents ne savent plus par quel biais faire connaître leurs poulains.

En clair, on vend plus de disques, mais sur un nombre plus limité de titres. A l’instar d’une entreprise dont le chiffre d’affaires repose sur un petit nombre de clients, ce n’est pas un signe de bonne santé.


La seule vraie bulle d’oxygène, dans tout cela, reste l’export. Selon toute vraisemblance 2001 aura encore marqué, pour la production hexagonale, une nouvelle progression après les records historiques de 2000. Grâce en particulier à Manu Chao, premier artiste français à être entré directement numéro 1 des ventes d’albums en Europe, de toute l’histoire du show-business. Grâce aussi à la french touch qui, bien qu’un peu faiblissante, a encore eu quelques perles exportatrices tel le très eurodance Daddy DJ, sixième meilleure vente de l’année en Europe.

Ne boudons donc pas notre plaisir : puisque le métier, tout au moins français, a l’air de vouloir prendre ce 36ème MIDEM avec le sourire, voyons ce que la fête nous propose.

Pour la troisième année consécutive elle commence avec le désormais rituel Midemnet, journée où sont rassemblées toutes les problématiques liées à la diffusion de la musique sur internet. On s’est beaucoup calmé, de ce côté ! Bien des start-up qui, les années précédentes, affichaient des stands clinquants et des sourires dominateurs, ont tout simplement disparu du paysage. Et les majors ont retrouvé de leur superbe, chacune montrant son site de téléchargement (payant, bien sûr) ou son système de CD personnalisé, à la carte. Aucune d’entre elles ne gagne encore d’argent avec ça, mais elles occupent le terrain, au cas où ce serait un jour rentable. Ce qui est loin d’être sûr, car les petits frères de Napster, même s’ils sont moins célèbres, continuent d’avoir la préférence des internautes-pirates, ces garnements qui ne respectent rien, et surtout pas la loi du marché (pourquoi payer si on peut avoir la musique gratos ?).


C’est dimanche que commencent les choses sérieuses avec, comme à peu près chaque année, onze mille participants venus des quatre coins du monde. A noter cette fois quelques bizuths comme l’Inde, le Costa Rica, la Jordanie, le Ghana, le Nigéria et la Chine. De cette dernière on se méfie un peu, car elle est connue pour pirater à peu près tout ce qui lui tombe sous la main. Mais, OMC oblige, on ne peut pas bouder un marché potentiel d’ un milliard deux cents millions de mélomanes…

Côté spectacles, la Norvège est à l’honneur qui ouvrira le bal dimanche avec un florilège d’artistes… parfaitement inconnus au sud du cercle polaire. Citons, au hasard, Kroyt, Furia, Sondre Lerche, Briskeby, Mikal Telle… C’est d’autant plus méritoire, de la part du MIDEM, de nous faire découvrir ces talents nordiques, que le reste de la programmation « world » est d’une pauvreté surprenante. A part une soirée espagnole, mardi (Javier Ruibal, Deliquantes, et Garja Jack), il faudra se contenter –le même soir, on en ratera forcément une sur les deux- d’un curieux « global melting pot » avec Rosario (Espagne) Si*Se (USA), Suhseela Raman (Angleterre), Issa Bagayogo (Mali), et Gotan Project (France). Bref, la carpe et le lapin. On est loin des ces années folles où le monde arabe côtoyait la Chine, où l’Afrique Noire succédait à l’Amérique Latine. Le MIDEM, qui est le reflet de l’industrie du disque, n’est décidément plus passionné par la sono mondiale !

Pour ce qui est des nouveaux talents, finies également les sympathiques programmations de chaque soir dans le joli et petit « Magic Mirror » qui donnait un peu d’humanité au bunker. Une seule soirée, cette année, réservée aux petits jeunes, et tout le monde rentre dans le « Palais », des fois qu’on irait se perdre sur la Croisette. Lundi, donc, on pourra entendre Souad Massi –plus tout à fait une découverte- Bum Cello, Matmatah, et Juan Rozoff.

A noter que lundi, également, sera présentée en avant-première la nouvelle comédie musicale de Luc Plamondon (sans Cocciante) : Cindy, alias Cendrillon. On reviendra vous en parler, avant que le carrosse ne se transforme en citrouille.

Ce sont peut-être les amateurs de techno qui trouveront dans cette nouvelle édition du MIDEM le plus de grain à moudre. Dans le Village Electronique, créé en 1998, seront rassemblés près de 300 labels, ce qui montre la bonne santé de ce secteur. Et les deux soirées « Electronic Lounge » (en partenariat avec RFI et MCM) devraient permettre de découvrir quelques nouveaux DJs intéressants, tels Miss Kiitin and the Hacker (France), Mr Scruff (Angleterre), ou Mike Grant (USA). Pour les inconditionnels du genre, à noter aussi que le célèbre hôtel Martinez, autrefois temple du rock pur et dur, s’est lui aussi spécialisé techno et présentera chaque soir ses « Electronic Happy Hours » avec de nombreux DJs venus des quatre coins de la planète.

Jean-Jacques Dufayet

Site du MIDEM