Plamondon 2002

Qui ne connaît pas le Québécois Luc Plamondon, le parolier le plus célèbre de la Belle Province ? Auteur de plus de 400 chansons, des livrets de Starmania et Notre-Dame de Paris, il joue avec les mots depuis 30 ans comme à un jeu d’enfants. Alors qu'est présentée aujourd'hui au Midem de Cannes sa nouvelle création (avec Romano Mussumara), Cindy-Cendrillon 2002, une évidence s'impose : cet homme-là, il faut le rencontrer.

Toute une vie

Qui ne connaît pas le Québécois Luc Plamondon, le parolier le plus célèbre de la Belle Province ? Auteur de plus de 400 chansons, des livrets de Starmania et Notre-Dame de Paris, il joue avec les mots depuis 30 ans comme à un jeu d’enfants. Alors qu'est présentée aujourd'hui au Midem de Cannes sa nouvelle création (avec Romano Mussumara), Cindy-Cendrillon 2002, une évidence s'impose : cet homme-là, il faut le rencontrer.

Il y a quelques mois, alors que j'attends Luc Plamondon pour un premier rendez-vous, un coup de fil m'informe qu'il est en fait en partance pour Ottawa, capitale du Canada, invité des Jeux de la Francophonie. Ses interprètes, Isabelle Boulay, Diane Dufresne, Luck Mervill, entre autres, font le spectacle d’ouverture. Il a de plus signé la chanson-thème des Jeux, L’un avec l’autre, avec Romano Mussumara. Malgré son horaire chargé, Luc accepte gentiment de déplacer le rendez-vous.

Quelques temps plus tard, je rencontre enfin cet homme pressé. On fait le tour de sa vie étourdissante, de Montréal (son fief professionnel) au lac Mempheymagog (sa maison d’été, voisine de celle de France Gall) en passant par Paris (son lieu culte en Europe) et Dublin où il a élu domicile. En cette fin d'année 2001, Plamondon travaille plus que jamais sur Cindy-Cendrillon 2002, dont les premières représentations auront lieu en septembre prochain. 2002 est son année. Celle de ses 30 ans de métier et de ses 60 ans d'âge.

L'écriture d'abord

Mais d'où vient cet homme que le site people québécois canalstars.com nomme "la multinationale" Luc Plamondon ? Tout a commencé le 2 mars 1942, à St Raymond de Portneuf, près de Québec. Le campagnard devenu très urbain se raconte et se rappelle ses premiers rêves : "Alors que mon frère se destinait à une sérieuse carrière en politique, j’étudiais le piano avec ma tante, l’organiste du village. Elle m’a donné le goût de la musique car mes parents ne baignaient pas dans ce milieu ni celui de la littérature. Mon père était marchand de chevaux et fermier. Dans ma chambre, j’écoutais Sa jeunesse d’Aznavour et rêvais de devenir auteur-compositeur et interprète. Au moment de Tiens-toé ben j’arrive (interprétée par Diane Dufresne en 72, ndlr), je l’ai rencontré à Paris. Sans me connaître, mais sachant que j’étais québécois, il m’a parlé d’un nouvel auteur québécois qu’il trouvait très bon… C’était moi ! Quelle surprise et quel honneur !"

Etudiant, le jeune Plamondon se plonge dans des études de pédagogie à Québec, de Lettres à Montréal, d’histoire de l’art à l’École du Louvre de Paris, puis d'anglais à Cambridge, d'espagnol à Grenade et d'allemand à Berlin. Ses vastes connaissances lui ouvrent des horizons et surtout la porte toute grande à l’écriture. Sa première chanson Dans ma Camaro en 1970, mise en musique par son ami André Gagnon, prend la direction du sommet des palmarès en un rien de temps. Son interprète, Steve Fiset, devient vedette de la chanson du jour au lendemain.

Une des clés de son succès est un style tout à fait personnel qui se démarque, à l'époque, des auteurs pop façon Woodstock. Québécois pure laine, il profite inconsciemment de sa culture métissée nord-américaine et française pour introduire un langage qui lui est propre. Il utilise un ton plus rock, avec des mots souvent anglophones qui n’ont un sens précis que dans leur langue d’origine.

Diane Dufresne

Une des premières rencontres essentielles, est celle de Diane Dufresne, dont la carrière est alors en plein essor. En 1972, il lui offre la chanson-titre de son premier album Tiens toé ben j’arrive. Il rit mais acquiesce lorsqu’on lui fait remarquer que ce titre s’appliquait aussi à lui. "C’est vrai que nos carrières ont explosé en même temps et que nous sommes entrés dans le milieu de la chanson sur des chapeaux de roues." Il se rappelle : "Nous ne savions pas où cette aventure allait nous mener. Ça ne ressemblait à rien. Diane est devenue ma chanteuse fétiche, même si j’écrivais également pour d’autres."

Grâce à lui, toute la francophonie découvre la diva québécoise (et en particulier l'inoubliable J'ai rencontré l'homme de ma vie en 73). On craque pour les mots de Plamondon et on s’écroule devant la bête de scène Dufresne. Tous les deux forment un tandem artistique inséparable pendant une quinzaine d’années. "Avec François Cousineau qui composa les musiques pour les quatre premiers disques, on nous appelait le trio infernal. Puis il y eut trois autres albums avec d’autres compositeurs jusqu’au jour où Diane Dufresne décida de chanter ses propres textes."

Dès lors, tous les interprètes rêvent de chanter cet auteur devenu très tôt mythique. Il façonne la personnalité de plusieurs artistes en leur mettant en bouche, les mots qu’ils désirent chanter.

Le théâtre musical

Outre la chanson, le parolier est depuis toujours fasciné par le théâtre musical. Son premier choc, c'est l’Opéra de Quat’sous de Berthold Brecht et Kurt Weill. Puis, lors d’un séjour à New York, la comédie musicale Hair le convainc de tenter cette voie musico-théâtrale. Déjà en 1973, alors que sa carrière de parolier est en pleine expansion, il écrit l’Opéra Cirque en un acte pour Diane Dufresne. Son premier opéra-rock est créé à Montréal. En 1983, il lui en destine un deuxième, Dioxine de carbone, en collaboration avec Angelo Finaldi, dont la création aura lieu au Cirque d’Hiver à Paris.

Sa renommée amène Luc Plamondon à s’installer en France dès le milieu des années 70. C’est alors qu'il fait une rencontre déterminante avec Michel Berger. Ce dernier, qui avait commencé à plancher seul sur un opéra rock, fait appel au Québécois. Très vite, naissent La complainte de la serveuse automate, Stone le monde est stone ou le Blues du businessman, titres phares de Starmania qu'ils mettent deux ans à écrire. Tout le monde connaît le succès sans précédent de ce spectacle. Le disque sort en 1978 et 5 millions d’albums sont vendus. Quant au spectacle créé en 1979 à Paris, il a été vu à ce jour par plus de 3 millions de spectateurs à travers le monde. En 1994, les Francofolies de La Rochelle ont fait "la Fête à Plamondon". Pour l’occasion, ses cinq principales Marie-Jeanne (personnage de Starmania) sont montées sur scène en même temps, de Fabienne Thibault à Maurane. L’émotion était à son paroxysme.

Mais le souvenir de Michel Berger, décédé brutalement en 92, demeure vivace : "Michel Berger était mon ami et mon complice de chansons. Malheureusement, on connaît sa fin tragique. Nous savions tous les deux que nous formions un tandem magique et avions plusieurs autres projets ensemble." Une deuxième création apparaît de leur potion magique, la Légende de Jimmy en 1989, mis en scène par Jérôme Savary, avec la Québécoise Diane Tell dans le premier rôle féminin.

La plume de Plamondon, souvent porteuse d'or, fut cependant parfois porteuse d'échec. Le plus connu, et le plus regrettable, est sans doute Lily Passion qu'il avait signé en 1986 pour Barbara et Gérard Depardieu sur des musiques de la chanteuse. Idem avec Catherine Lara en 1991 pour le spectacle Sand et les Romantiques.

Fabriquant de vedettes

Après Dufresne et Starmania, Luc Plamondon se construit rapidement une réputation de ‘fabriquant de vedettes’. S'il écrit déjà pour plusieurs interprètes québécois, les artistes français le réclament aussi. Julien Clerc (la Fille aux bas nylon, Lili voulait aller danser), Catherine Lara (Au milieu de nulle part), Johnny Hallyday (Animal) chantent ce parolier qui signe tube sur tube. Il se rappelle avec émotion : "Un matin, le téléphone sonne. Une petite voix timide m’interpelle… 'Bonjour, c’est Françoise Hardy'. J’étais bien surpris qu’une artiste de sa renommée, m’appelle." Il lui écrit Flashback en 1977.

L’auteur, devenu vedette malgré lui, possède une plume dont l’encre est inépuisable. En 1991, Céline Dion rend hommage à l’auteur francophone. L'album Dion chante Plamondon est double Disque de platine au Québec et sous le titre Des mots qui sonnent en France, s'envole à plus d'un million d'exemplaires. La chanteuse la plus populaire du monde fait revivre La chanson de Ziggy, version qui d'ailleurs amorce la carrière française de Céline. Aujourd'hui, lorsqu’une nouvelle voix masculine ou féminine de style pop émerge dans les palmarès et sur les scènes francophones, la plupart du temps il y a du Luc Plamondon dans la recette.

Sa poésie est aussi publiée. Jacques Godbout, écrivain et cinéaste québécois, a publié 150 textes de ses chansons dans un recueil intitulé Plamondon, un cœur de rocker. Sous forme de documentaire, le livre parle au lecteur de l’homme Plamondon, ses racines et son monde.

Notre-Dame de Paris

A la fin des années 90, un nouveau succès n'en finit plus de dorer le blason (et le compte en banque) de l'auteur décidément prolixe. Il s’appelle Notre-Dame de Paris et c'est une réussite sans précédent. Toujours auteur du livret, c'est le Franco-Italien Richard Cocciante qui compose les célèbres mélodies de cette histoire librement inspirée du roman de Victor Hugo. Les chansons deviennent d'énormes tubes (Belle). Le spectacle bat tous les records d'audience (près de 4 millions de spectateurs). Les ventes de disques explosent les scores (plus de 8 millions). Ses interprètes méconnus du public, à l'exception de Daniel Lavoie, se transforment en monstres sacrés de la scène et des ondes.

Ce grand voyageur, cultivé, polyglotte est couvert d’éloges et d’honneurs. Son immense talent est souligné en France, avec le prix du Premier ministre pour la jeune chanson française en 1975, déjà. Il reçoit l’Oscar de la chanson française pour Cœur de rocker (Julien Clerc) en 1984, la Victoire de la Musique pour Nuit magique de Catherine Lara, en 1986. Récipiendaire d’innombrables Félix (équivalent québécois des Victoires), il est également décoré Chevalier de l’Ordre du Québec, Membre du Conseil des Arts du Québec, Docteur honoris causa pour l’ensemble de son œuvre à l’Université Laval de Québec.

Luc Plamondon est un homme formé aux grands idéaux des années 60. C’est sans doute pourquoi, envers et contre tous, depuis ses débuts dans la chanson, il livre une bataille sans relâche pour la défense du droit d’auteur au Québec, pour lequel il a fondé en 1981, la Société Professionnelle des Auteurs, Compositeurs du Québec (SPACQ) dont il a longtemps été le président. Il raconte une anecdote importante qui l’a influencé : "Un matin, je reçois un chèque, pour ne pas dire des miettes de la SOCAN, Société perceptrice des droits d’auteurs au Canada, un chèque d’environ 7 francs, une insulte. Ce montant correspondait à un spectacle de Diane Dufresne, dans une salle de 12.000 à 15.000 places. J’avais signé toutes les chansons du spectacle. J’ai alors co-fondé la SPACQ."

À la question, quelle chanson aurait-il aimé écrire, il répond : "la Complainte du phoque en Alaska du Québécois Michel Rivard. J’aime les histoires et ceci en est une que j’envie."

Le rêve continue

Après l’entrevue, dans un studio de radio, quelques jeunes artistes attendent Luc Plamondon dans le corridor avec leur cassette ou CD démo et leur dossier de presse. On l’aborde, il s’arrête : "Bonjour, depuis quand chantez-vous ? Je ferai bientôt des auditions pour Cendrillon. Laissez-moi vos coordonnées. Je vous rappelle." Aujourd'hui, on sait que les rôles principaux sont tenus par la Française Lââm et l'Anglais Murray Head, le tout mis en scène par le Québécois Lewis Furey. Rendez-vous le 15 février pour écouter l'album d'un nouveau succès en perspective. Le rêve continue…

Louise Ethier