Cindy au Midem
"Ils ont beau nous dire / Que c’est un monde sans avenir / Qu’est-ce qu’ils ont dans la tête /Tous ces gourous de la planète ?"
Cendrillon est très malade
"Ils ont beau nous dire / Que c’est un monde sans avenir / Qu’est-ce qu’ils ont dans la tête /Tous ces gourous de la planète ?"
Ce n’est pas vraiment du Verlaine, mais comme le clip vient de passer en boucle pour la dix-huitième fois en attendant l’arrivée de la troupe Cindy, il faudrait avoir un court-circuit dans les neurones pour ne pas retenir ces vers de belle facture. Certains mauvais esprits dans la salle persiflent déjà, insinuant que c’est le début du matraquage. Mais non, c’est simplement qu’il est difficile de se garer sur la Croisette et que Plamondon, habitué aux grands espaces canadiens, a du mal à faire son créneau.
D’ailleurs le voici, Luc, tout de noir vêtu jusqu’aux lunettes, flanqué de son nouveau compère Murray Head, lui aussi habillé en blues brother. L’un en québecois, l’autre en grand-breton vont nous expliquer successivement que :
1°) le MIDEM 98 où fut présentée Notre-Dame de Paris leur ayant porté bonheur, il s’imposait que quatre ans plus tard Cindy soit également déflorée en ce lieu magique.
2°) L’histoire de Cendrillon, dont s’inspire Cindy, a été écrite pour la première fois en Chine, au XIème siècle avant Jésus-Christ (XXXIème siècle avant Plamondon). – C’était notre page culturelle.
3°) Des saltimbanques du nom de Perrault, Grim, Rossini ou Prokoviev en avaient déjà fait quelques remix, avant que Romano Musumarra et Luc Plamondon ne s’attaquent à leur tour à la souillon au soulier de vair.
De Cendrillon à Cindy, en passant par Cindirella, la damoiselle a traversé les époques ; et c’est une pauvre fille de notre temps que l’on découvrira au Palais des Congrès de Paris, le 25 septembre prochain. Autrement dit une meuf de banlieue qui en bave entre sa belle-mère (ex-disco queen et version moderne de la marâtre) et ses demi-sœurs, deux petites connes qui lui pourrissent la vie.
Le prince charmant –car il viendra, rassurez-vous- va prendre les traits d’une rock star, tombée par hasard dans la cité ripoux de Cindy. Mais on ne va pas vous raconter la suite, des fois que vous ne la connaîtriez pas.
Vient alors pour Luc et Murray le moment tant attendu de nous présenter les acteurs-chanteurs de cet "opéra-pop". Casting impeccable. Il y a le Chtimi à la gueule d’ange, façon Dave rajeuni, Frank Sherbourne –le prince charmant, œuf corse. Le Black nickel, Jay, ex Poetic Lovers. Une métisse Vietnamo-antillaise, Kristel Adams. Une beur, Assia. Deux Québecoises, pour le côté pro, Judith Bérard et Patsy Galland.
Mais la vraie trouvaille, c’est Lââm, pour le rôle-titre. La petite beurette d’origine tunisienne, placée à la DDASS à l’âge de 6 ans, était une Cendrillon grandeur nature, il eût été dommage de s’en priver. Quand la réalité dépasse l’affliction...
Et comme la production Charles Talar ne manque décidément pas de génie, c’est une recalée de "Star Academy", Karine, qui viendra in-extremis prendre le rôle d’une des deux frangines. (Bingo ! A la fin du spectacle, Karine sera la plus convoitée pour la séance d’autographes.)
Pour que ce portrait de nos banlieues soit tout à fait complet, et que tout le monde s’y retrouve, il manque bien quelques figures emblématiques ; le retraité franchouillard, le vigile facho, la femme de ménage portugaise… Mais c’est vrai qu’il faut en garder pour le prochain "opéra-pop".
Onze extraits du dit opéra vont maintenant être offerts, en avant-première, aux privilégiés du Grand Auditorium Cannois. Ne soyons pas méchant : il s’agit d’un "show-case", comme le dit prudemment le dossier de presse, et la première apparition publique de cette troupe hétéroclite, pas encore rôdée. Il est bien normal qu’il y ait du flottement, voire une certaine émotion.
Mais il y en a aussi qui chantent faux (on ne les dénoncera pas, à vous de les reconnaître si, d’ici septembre, ils ne se sont pas inscrits au Petit Conservatoire de Mireille). Il y en a aussi qui gueulent, et beaucoup. Et puis il y a surtout des textes d’une rare indigence, à se faire retourner Perrault dans sa tombe. Il est bien clair que ce spectacle s’adresse à des enfants. Mais il est à craindre que, passé trois ans et demi, ils exigent d’être remboursés.
Demain, si tout va bien, on vous parlera de musique.