Astonvilla pour Survival
Pour la seconde année consécutive, le Bataclan accueille ce soir un concert au profit de l'association Survival France. Le groupe Astonvilla, à l'origine de l'évènement, y partage l'affiche avec Saïan Supa Crew, Tryo, Axel Bauer, Sanseverino et Benabar. Laurent Muller, alias Doc, batteur d'Astonvilla et membre de Survival, nous parle de cet engagement.
Le rock français soutient les peuples en voie de disparition
Pour la seconde année consécutive, le Bataclan accueille ce soir un concert au profit de l'association Survival France. Le groupe Astonvilla, à l'origine de l'évènement, y partage l'affiche avec Saïan Supa Crew, Tryo, Axel Bauer, Sanseverino et Benabar. Laurent Muller, alias Doc, batteur d'Astonvilla et membre de Survival, nous parle de cet engagement.
Fondée en 1969, l'organisme Survival International défend les droits fondamentaux des peuples indigènes (300 millions de personnes dans le monde), et particulièrement leurs droits territoriaux, par des campagnes de pression mobilisant l'opinion publique internationale. Les bénéfices du concert 2002 financeront en particulier la campagne de sensibilisation de l'opinion à la situation des Bushmen du Kalahari, que le gouvernement du Bostwana tente d'évincer de leur territoire.
Doc, qu'est-ce qui a motivé ton engagement auprès de Survival ?
Il y a quelques années, j'ai découvert l'art africain. Ça a été un choc assez important pour moi. Je me suis intéressé aux gens qui avaient produit ces objets, à leurs formes de vie, à leur organisation sociale, etc. Ça m'a donné l'occasion de comprendre à quel point la colonisation avait été destructrice pour ces cultures. Mon pays était largement responsable de ces dégâts, en Afrique, dans le Pacifique, etc. J'en ai éprouvé un certain sentiment de culpabilité et j'avais envie de faire quelque chose. On ne pouvait pas réparer ce qui s'était déjà passé, remonter le temps et faire en sorte que les Kanaks n'aient pas été parqués pendant 50 ans ou qu'on n'ait pas évangélisé de force partout dans le monde. Mais certains peuples sont aujourd'hui victimes d'attaques qui ressemblent beaucoup à celles-ci. Là, par contre, il est encore temps de faire quelque chose. Cette réflexion a coïncidé avec ma rencontre avec Survival.
Que fais-tu auprès de l'organisation ?
Ma tâche principale consiste à m'occuper du concert annuel. Ça me prend à peu près six mois dans l'année. Les musiciens ne sont pas calés sur les vacances scolaires ou sur les congés d'été et c'est un cauchemar pour réunir tout le monde sur une seule soirée. D'autant plus que ça ne leur rapporte pas d'argent, donc certains managements traînent un peu des pieds pour mettre la machine en marche. Quand la date approche, c'est une grosse organisation, parce qu'il y a un plateau infernal : sept groupes cette année. Et puis il faut s'occuper de la promo.
L'éclectisme de la programmation est assez inhabituel. Dans quelle démarche s'inscrit-il ?
Pour nous, c'est la meilleure façon d'illustrer la diversité culturelle. Les médias et les magasins de disques ont décrété qu'il fallait mettre les musiciens dans les bacs et les séparer. Mais la plupart des gens n'écoutent pas un seul style de musique. Je ne vois pas beaucoup de soirées ou l'on puisse écouter plusieurs styles en même temps. Pourtant, ça fonctionne très bien. Le public est ravi, et les artistes sont contents de se mélanger comme ça.
Votre musique exprime-t-elle à tes yeux une forme d'engagement ?
Engagement, c'est peut-être beaucoup dire. Oui, au sens où l'on traite souvent de la place de l'humain dans la société. Nos chansons racontent des petites histoires, auxquelles tout le monde peut s'identifier. Par exemple, on évoque les jours ou ça ne va pas trop, la solitude, la surconsommation, etc. Pour le reste, on n'a jamais été très clairs. C'est une démarche préméditée. On n'a jamais voulu annoncer la couleur parce que ça nous aurait coupé d'une partie du public. Là, je tenais à réunir des gens très différents sur ce concert. Personnellement, à supposer que ce soit mes opinions propres, je ne veux pas m'adresser seulement aux gauchistes et pas aux autres. Ceux qui ont l'esprit un peu ouvert, qui ont envie d'aider des gens qui ne vivent pas sur le même modèle sont les bienvenus. Il est plus facile de dire ça franchement en interview, mais pas dans notre musique. On s'inscrit dans une tradition plutôt poétique, les textes sont parfois un peu nébuleux, pas très figuratifs, il faut interpréter.
En parlant d'interprétation, que signifie la chanson Raisonne ?
C'est sujet à interprétation mais l'une des versions possibles évoque le parcours d'un musicien ou d'un artiste de manière générale qui, à un moment donné, s'enferme sur lui-même pour trouver sa voie, et faire quelque chose qui va résonner en lui. C'est d'ailleurs les paroles du refrain : ”Je cherche quelque chose”. On peut essuyer des refus, des critiques très dures (”les portes closes”, ”les sourires en forme de mépris”). Et malgré l'espèce de désillusion qu'on peut ressentir (”j'ai profondément les nerfs quand tu me trashes en plein vol”), quand on a foi dans ce qu'on fait, on persévère, on s'enferme chez soi, on travaille et on essaie d'arriver au meilleur résultat.
L'une de vos chansons s'intitule J'en rêve. Qu'est-ce qui fait rêver Astonvilla ?
Jusqu'à présent on a toujours rêvé de jouer dans un groupe de rock, et le rêve commence à se réaliser. Moi, je suis en train de m'activer pour qu'ait lieu le concert du 12 février, donc je cauchemarde plus que je ne rêve mais je souhaite que ça se passe aussi bien que l'année dernière. D'une manière générale, une dynamique s'est amorcée depuis la sortie de l'album acoustique. On est en train de construire et on espère bien ne plus s'arrêter, pouvoir continuer à travailler dans les meilleures conditions et faire de bons disques. On n'a jamais souhaité autre chose, pouvoir continuer le plus longtemps possible à faire ce métier.
Vous sentez-vous des affinités musicales avec certains artistes français ?
Ces derniers temps, on a pas mal fréquenté Axel Bauer, on va d'ailleurs faire des trucs avec lui dans le cadre de la soirée Survival. J'ai acheté le dernier Noir Désir parce que j'aime bien Cantat. C'est vraiment un super artiste, même si ne je suis pas fan de Noir Désir. J'ai acheté l'album de Tété, que j'aime bien, qui devait initialement venir à la soirée, mais qui s'est désisté. J'aime bien le Saïan, c'est l'un des rares groupes de rap que j'apprécie d'ailleurs, parce qu'ils vont au-delà des clichés habituels et leur attitude générale est beaucoup moins sectaire que celle de la plupart des groupes de rap. Et puis, sur scène, ils sont assez irrésistibles. Sinon j'avoue que je n'écoute pas beaucoup de groupes français. Adolescent, j'adorais Téléphone. Aujourd'hui, j'écoute Brassens, Brel, Trenet, beaucoup de jazz, Coltrane, de la musique afro-cubaine, toutes sortes de choses en fait. Pas trop d'électro par contre. Les autres aiment beaucoup, Fred et Djib surtout et, dans le deuxième album, il y a pas mal de machines, donc j'étais quand même bien obligé de m'y intéresser, mais ce n'est pas ce qui m'attire le plus.
Quand pourra-t-on écouter votre prochain album ?
On va l'enregistrer au printemps. Je pense qu'il sortira à la rentrée.
Propos recueillis par Cécile Sanchez
Astonvilla Live Acoustic (Naïve) 2001