LES VICTOIRES DE LA MUSIQUE 2002
Paris, le 11 mars 2002 – Samedi 9 mars a eu lieu à Paris la 17ème édition des Victoires de la Musique. Dix-sept statuettes ont été décernées à presque autant d'artistes, albums ou dérivés (clip, concert, site web…). Pas de révolution culturelle mais une plus vaste répartition des récompenses tendant à prouver que la scène musicale française existe plus que jamais dans la diversité.
La diversité musicale malgré tout
Paris, le 11 mars 2002 – Samedi 9 mars a eu lieu à Paris la 17ème édition des Victoires de la Musique. Dix-sept statuettes ont été décernées à presque autant d'artistes, albums ou dérivés (clip, concert, site web…). Pas de révolution culturelle mais une plus vaste répartition des récompenses tendant à prouver que la scène musicale française existe plus que jamais dans la diversité.
Certes, la cérémonie fut interminable (quatre heures !). Certes, le rituel des remises des prix est toujours laborieux. Certes, la présentation du spectacle (avant tout une émission télévisée) a manqué de peps et de culture musicale de la part d'animateurs pressés. Mais sur la scène du Zénith de Paris, judicieusement aménagée en trois espaces permettant un déroulement plus fluide que la pagaïe de l'Olympia l'an passé, cette 17ème cérémonie des Victoires de la Musique s'est tout de même révélée un assez bon résumé de ce que la création musicale française (en matière de musiques populaires) a proposé ces derniers temps.
A travers 28 live, de Modjo à Lorie en passant par Björk et Brigitte Fontaine, sans un seul play-back, la télévision, pourtant avare de beaux programmes musicaux depuis quelques années, a ce soir-là donné une vitrine à la musique vivante. Comme quoi, c'est possible… Et rassurant après ces dernières semaines où artistes et producteurs indépendants se sont organisés en lobby pour lutter contre le monopole des majors (en particulier Universal) et de certains de leurs produits dans les médias et les bacs des disquaires.
Justement, pour entamer la liste des Victorieux du jour, le prix de l'Interprète masculin de l'année est revenu à Gérald De Palmas, chanteur le plus diffusé sur les radios en 2001 avec plus de trois millions de passages¹… Mais cette Victoire n'était pas forcément prévisible face à Manu Chao, Garou, Noir Désir ou Voulzy. Et elle est surtout un point d'orgue à l'étonnant retour de l'interprète de J'en rêve encore qui depuis sa Victoire de la Révélation masculine en 1995 avait connu un long et sombre tunnel professionnel.
Du côté des filles, c'est une Zazie enceinte et aux cheveux courts qui empoche la Victoire de l'Interprète féminine (La Zizanie / Mercury Universal). Troisième Victoire d'une carrière désormais solide pour une chanteuse appréciée à la fois pour ses qualités de compositrice (Axel Bauer lui doit en partie sa renaissance professionnelle pour le duo A ma place nommé ce soir-là) mais aussi pour son tempérament radieux et oecuménique.
Dans des voies très différentes, Benjamin Biolay embarque sans surprise la Victoire de l'Album Découverte pour le merveilleux Rose Kennedy (Virgin) alors que le Peuple de l'Herbe (Triple zero / PIAS France) gagne la Victoire de la Découverte Scène. Diversité aussi méritée dans les prix des albums rap, reggae et r'n'b, enfin répartis en trois catégories après avoir été longtemps amalgamés en une seule. Cette année, après la remarque d'un des membres de Saïan Supa Crew en 2001, l'erreur est réparée. Les six rappeurs habiles de Saïan y gagnent en obtenant la Victoire de l'album rap-hip hop (X Raisons / Virgin-Source) remis par leur vainqueur de la cérémonie 2000, les beaucoup moins subtils 113. Lord Kossity encaisse la Victoire de l'album reggae-ragga (The real don / Naïve) et Matt celui de l'album R'n'B (R'n'B de rue / Barclay Universal). Large place donc aux musiques dites urbaines dont l'impact commercial et culturel est désormais incontournable.
Autre catégorie, plutôt fourre-tout, souvent bâclée, celle de l'Album musiques traditionnelles ou musiques du monde. Elle voit cette année la réussite de Manu Chao pour Proxima Estacion : Esperanza (Virgin), aussi nommé pour le Meilleur Interprète masculin. Avec ses 2,2 millions de ventes dans le monde, il reste le symbole d'un secteur destiné à loucher de plus en plus entre musique française et musiques du monde… Autre carton à l'export avec 400.000 ventes monde, Modjo et sa Lady (Barclay Universal) empoche la Victoire de l'Album Musiques électroniques, techno ou nouvelles tendances.
Laurent Voulzy, revenant de 10 ans d'absence, repart avec la Victoire justifiée de l'Album variétés pop pour Avril (BMG). En revanche, décernée par le public, la Victoire de la Chanson originale va à un très consensuel carton des charts, Sous le vent, le duo Garou-Céline Dion (Sony Columbia).
Mais ceux qui, ce soir-là, ont squatté l'attention se nomment Noir Désir. Absents des plateaux télé depuis les années 80, leur seule présence est exceptionnelle, eux qui avaient snobé leurs deux Victoires 1998 (Meilleur groupe et Meilleure chanson). Cette année, ce groupe, plus disposé à défendre les sans-papiers ou les mal logés qu'à faire salon avec la profession, est venu et a reçu les Victoires du Meilleur album Rock (Des Visages Des Figures / Barclay Universal) et du Meilleur Clip (Le Vent nous portera). Mais surtout, ils ont donné leur avis sur "le raz-de-marée Universal" et "l'omniprésence" commerciale de leur employeur, Jean-Marie Messier, patron du rouleau compresseur économique Vivendi-Universal. Le "Camarade PDG" s'est vu traité en particulier de "menteur" pour avoir affirmé que Noir Désir (mais aussi Zebda), parfait alibi culturel, faisait de bons scores à l'export. Réponse des intéressés : "Nous n'avons pas demandé à faire partie de ce grand tout que tu diriges, que tu manipules, que tu récupères : critiques, médias et cette lettre que tu vas sûrement essayer de récupérer." Déjà avant la cérémonie, ils avaient refusé la visite dans leur loge de Catherine Tasca, ministre de la Culture.
L'autre coup de gueule de la soirée est à créditer au compte du groupe Aston Villa, désigné Meilleur Artiste ou Groupe Découverte par les votes du public. Avec eux, ce fut encore la fête d'une maison de disques, cette fois BMG et surtout son directeur de l'époque, auquel ils reprochèrent avec virulence de les avoir virés sans ambages après l'échec de leur premier album : "Sous prétexte qu'ils ont obtenu de bons résultats à la tête d'une entreprise de yaourts ou de couches culottes, ils sont considérés aptes à diriger une maison de disques. Contrairement à du yaourt, un groupe n'est pas une matière inerte" lança le batteur Doc Muller.
Si ces derniers mois, la télévision a été le vecteur des mini-scandales Star Academy (remarquablement absent ce soir-là en dépit de son historique succès commercial) et Popstars (nommé en revanche dans la catégorie Album Découverte), elle a prouvé ce soir-là qu'elle est la mieux placée pour promouvoir le spectacle vivant et la diversité musicale de ce pays auprès d'un vaste public. Mais pourquoi une seule fois par an ?
Catherine Pouplain
Résultats complets :
Interprète masculin de l'année: Gérald De Palmas
Interprète féminine de l'année: Zazie
Artiste Découverte de l'année: Aston Villa
Album rock de l'année: Des visages des figures de Noir Désir
Artiste Découverte scène de l'année: Le peuple de l'herbe
Album Découverte de l'année: Rose Kennedy de Benjamin Biolay
Album rap, hip-hop de l'année: X raisons de Saïan Supa Crew
Album reggae-ragga de l'année: The real Don de Lord Kossity
Album R&B de l'année: R&B 2 rue de Matt
Album de musiques traditionnelles ou de musiques du monde: Proxima Estacion : Esperanza de Manu Chao
Album variétés, pop de l'année: Avril de Laurent Voulzy
Album de musiques électroniques, de musique techno ou nouvelles tendances de l'année: Modjo de Modjo
Album de musique originale de cinéma ou de télévision de l'année: Le fabuleux destin d'Amélie Poulain de Yann Tiersen
Vidéo-clip de l'année: Le vent nous portera de Noir Désir, réalisé par Alexandre Courtes et Martin Fougerole
Chanson originale de l'année: Sous le vent de Garou, écrite et composée par Jacques Veneruso
Spectacle musical, tournée ou concert de l'année : Henri Salvador à l'Olympia
Site internet de l'année: Comme un aimant d'Akhenaton
¹ Source disquenfrance.com