Dion sans surprises
Cela aurait pu être l’événement de la chanson francophone de ce printemps mais, pour son retour discographique, Céline Dion a décidé de chanter en anglais. Quitte à adapter certains tubes français. Un album mi-fugue (vers la soul et le blues), mi-raison (la machinerie à tubes est toujours bien rôdée).
Rien de neuf sous le soleil de Québec
Cela aurait pu être l’événement de la chanson francophone de ce printemps mais, pour son retour discographique, Céline Dion a décidé de chanter en anglais. Quitte à adapter certains tubes français. Un album mi-fugue (vers la soul et le blues), mi-raison (la machinerie à tubes est toujours bien rôdée).
Commençons par le meilleur, c’est à dire par la fin. Surprenante, enthousiasmante que cette reprise du Nature Boy, standard signé d’Eden Ahbez et immortalisé, entre autres crooners, par Nat King Cole. Un piano seul et une voix qui donne, dans la simplicité, toute la palette de sa richesse. Selon Céline Dion, c’est lors d’une conversation téléphonique au sujet de sa grossesse qu’elle eut l’idée de reprendre cet air qui est proche de la berceuse. Un arrangement symphonique était à l’origine prévu mais c’est la prise de départ qui fut privilégiée avec Jorge Calandrelli (pianiste de Barbra Streisand et de Tony Benett) au clavier.
Celle qui est capable des plus fantasques pirouettes vocales, relevant parfois plus du grand chapiteau que de l’agrément acoustique, nous saisit là par l’émotion de son timbre et la justesse de ses respirations. Comme elle l’expliquait il y a quelques jours lors de sa conférence de presse parisienne dans un grand hôtel, depuis la naissance de son fils, Céline Dion chante plus avec son cœur qu’avec ses cordes vocales. La technique et la rigueur sont laissées de côté au profit de l’émotion du moment et d’un peu plus de liberté, ce qui nous donne par moment sur ce disque moins d’emphase, mais plus d’extase, ô combien !
Céline Dion, chanteuse à voix, s’attaque encore au registre d’autres aînées qui quarante ans auparavant, exerçaient dans ce registre sans, malheureusement, connaître le même succès. C’est ainsi qu’Etta James se voit "dérober" son At Last écrit par Gordon & Warren. Il s’agit là d’un soliloque soul où Dion, soutenue par la fine corde d’un violon, chante la joie d’un amour enfin venu. Bel exercice qui laisse entrevoir toute la trame blues qui existe sous la tenue un peu trop proprette de cette "star internationale", comme se plaît à le répéter sa maison de disques, adepte de la méthode Coué.
De Palmas, pas encore sacralisé Interprète masculin de l'année aux Victoires de la Musique, avait déjà quelques mois auparavant emporté une autre forme de jackpot en recevant un coup de fil de René Angélil (le manager, Pygmalion, époux de Céline) l’invitant en Floride pour aider la chanteuse à enregistrer son Tomber sous le titre Ten days. Compte tenu du succès objectif de l’adaptation en anglais et de la volonté du couple québécois d’en faire un prochain single pour les radios, Gérald De Palmas va pouvoir se reposer sur un sacré paquet de royalties d’ici peu, ce qui ne serait que justice.
Pas besoin de cela pour Pascal Obispo qui voit pourtant le tube de sa comédie musicale les Dix Commandements, l’Envie d’aimer atterrir sur les cordes vocales de la Dion : The Greatest Reward. Là encore, un succès interplanétaire probable et une version qui pourrait être celle interprétée à l’avenir par la troupe anglophone lors de l’arrivée de la pièce outre-Atlantique.
Il n’y a pas de doute, pour reprendre des airs ou des succès déjà existants Céline Dion a un goût très sûr et une oreille exercée. Malheureusement, sur dix sept morceaux dont quatre reprises, il reste encore treize compositions qui n’ont d’originales que le nom. Là, les critères de choix semblent plutôt être faits dans la gamme des succès faciles à saisir pour les oreilles engourdies d’un programmateur-radio moyen. Il s’agira sur Super love de prendre, à trente-trois ans, les poses et les intonations de midinette qui ont fait le succès récent de Britney Spears. De draguer avec Aun Existe Amor du côté des Hispanophones avec un titre taillé sur mesure par les Naf-Naf du "prêt-à-chanter", Richard Cocciante et Luc Plamondon.
Pour le reste, attendez - vous à ne pas être surpris. La machine à débiter du tube est toujours aussi bien huilée et cela tombe bien puisqu’à grand renfort d’émissions spéciales à la télévision et de conférences de presse où le tout-média se presse, Céline et René, le couple le plus en amour de la chanson, annonce 600 concerts en trois ans à Las Vegas exclusivement et dans un théâtre construit sur mesure. La mobilisation des foules vers le Nevada sera encore plus motivée par la sortie en mars 2003 d’un album, cette-fois francophone, supervisé par un jeune espoir auteur-compositeur-interprète, Jean-Jacques Goldman, et co-écrit par de non moins jeunes auteurs en devenir : De Palmas et Obispo...
Voilà pour ce qui est de la musique. Pour le reste, que ce soit les premiers rototos du petit René-Charles, l’état d’un deuxième embryon qui attend la jeune maman quelque part dans un bidon cryogénisé à New York ou l’amour sans faille de Rrreenéh et Céline face aux accusations diverses, veuillez-vous référer à votre magasine people habituel.
Céline dion A new day has come Columbia 2002