Sinsemilia part en live
Apparentés à la famille du reggae français qu’ils ont étendu jusqu’aux frontières du rock en rencontrant un grand succès commercial, les dix Sinsemilia sont d’abord connus pour la qualité de leurs prestations sur scène, l’endroit où s’est construit leur popularité. Enregistré en public, Sinse part en Live, quatrième album du groupe, est à la hauteur de cette réputation.
Sortie d'un quatrième album du groupe grenoblois
Apparentés à la famille du reggae français qu’ils ont étendu jusqu’aux frontières du rock en rencontrant un grand succès commercial, les dix Sinsemilia sont d’abord connus pour la qualité de leurs prestations sur scène, l’endroit où s’est construit leur popularité. Enregistré en public, Sinse part en Live, quatrième album du groupe, est à la hauteur de cette réputation.
Mars 2001. Sinsemilia donne deux concerts à Grenoble où a démarré leur aventure musicale dix ans plus tôt. Sur le programme distribué aux 5000 spectateurs, deux phrases planquées dans un coin, écrites de travers : « Y’a un bruit qui court comme quoi Sinsemilia sortirait un album live en novembre prochain… Y’a même un bruit qui court qu’il serait enregistré ce week-end…». La rumeur était bien fondée même s’il a fallu attendre cinq mois de plus pour le vérifier. Sinsé part en live déborde de vie, d’énergie, comme les shows du groupe qui se déroulent toujours dans des ambiances survoltées. Rencontre avec Mike, l’un des chanteurs de la tribu grenobloise.
RFI Musique : Ce nouvel album a été enregistré à l’occasion d’un événement particulier. Quels souvenirs gardez-vous de ce week-end pas comme les autres ?
Mike : Fêter nos dix ans chez nous, à Grenoble, deux soirs de suite, avec un public venu partager cet anniversaire, pour nous c’est un excellent souvenir. Ceci dit, à aucun moment au cours de ce week-end, j’ai pensé qu’on enregistrait. Je crois que ça s’entend, on fait un concert à 100%, comme d’habitude. Mais je me dis que c’est bien de sortir un disque live qui ne soit pas n’importe quel concert de la tournée. Ce n’est peut-être pas le meilleur musicalement mais c’est un des plus forts émotionnellement parlant. On est plusieurs sur scène à avoir eu les larmes aux yeux quand le public nous souhaitait un bon anniversaire.
Comment reste-t-on concentré après une telle émotion ?
Je suis content parce que je ne joue pas à ce moment-là alors que j’étais un de ceux qui prenaient la plus grosse baffe. J’ai mis au moins 50 secondes pour me remettre. Je revois l’image : je mets ma tête sous la serviette et j’attends que ça passe. J’étais bien sous ma serviette ! Rike et Fafa (respectivement chanteur-guitariste et trompettiste, ndlr) ont eu aussi du mal à se remettre dedans. Il fallait essayer de se concentrer quand même pour ne pas se laisser submerger par l’émotion et continuer à jouer.
Quelques minutes après la fin du dernier morceau sur ce CD, vous nous donnez un aperçu de l’ambiance qui règne entre vous en dehors de la scène. Vous aimez faire partager ce que vous vivez et en même temps vous n’aimez pas trop la célébrité que vous tournez en dérision dans la chanson-sketch Amour Gloire et beauté. N’est-ce pas contradictoire ?
Au contraire, j’ai l’impression que je partage beaucoup plus que ceux qui sont dans Voici(hebdomadaire people racoleur ndlr ). Pour partager vraiment, il faut rester au niveau des gens. Et comme de toute façon, on y est, on n’a pas besoin de se forcer. Je peux me promener dans Grenoble, discuter avec les gens et parler avec le public après les concerts. Leur regard a changé quand on nous a pas mal vu à la télé. Mais, on a remis les choses à leur place avec Amour Gloire et beauté pour dire : « regardez, je suis passé à la télé mais je continue à traîner dans les mêmes coins, à faire les mêmes choses ». On a voulu montrer qu’on n’avait pas changé.
Aujourd’hui, il est devenu courant d'utiliser la technologie pour retoucher en profondeur les enregistrements en concert. Jusqu’où êtes-vous allés, comment avez-vous conçu cet album ?
Il faut déjà la matière de base pour en faire ce qu’on veut. On ne pouvait pas aller bien loin, parce qu’on n’a pas de métronome sur scène, contrairement à beaucoup de groupes ou tout au moins de batteurs. Ce qui fait qu’on ne pouvait pas prendre certaines parties et les recaler. Il y a eu un travail de son et d’équilibrage, et pas tant que ça de retouches parce que ça ne s’y prêtait pas. On voulait également que ce soit représentatif de nos dix ans d’existence. C'est pour ça qu’il y a des morceaux de chacun des trois albums. On a essayé de donner un semblant de cohérence, comme on le fait sur scène, entre des morceaux rapides et des morceaux un peu plus posés.
Quels albums “live” vous servent de références ?
J’aurais rêvé de faire le Live & Direct d’Aswad ou le Live in Paris de Steel Pulse, mais manque de pot, eux sont propres et pas nous. On a un “live” de Sinsémilia, tel qu’on est. Sur un album studio, tu peux penser, pas sur un live. C’était le disque le plus léger à faire, comparé aux précédents. Comme chaque soir, on est monté sur scène et on a fait un concert. À la fin, on avait un nouvel album. Si on avait voulu faire comme d’autres artistes, on n’aurait pas pu, parce qu’on ne sait pas.
Parmi tous les concerts que vous avez donnés, quels sont ceux qui vous ont semblé les plus insolites ?
D’abord, à Amsterdam, l’été dernier. On était programmé aux côtés des Jamaïcains Black Uhuru, Mister Vegas, Morgan Heritage et Sizzla, on se demandait vraiment ce qu’on faisait au milieu. Et on est passé pour des extra-terrestres, un groupe de rock’n roll. Je pense qu’il y a une moitié du public qui n’a vraiment pas aimé, et l’autre qui a été agréablement surpris. Mais tout le monde a vu qu’il y avait une erreur de casting. Ensuite, je pense aussi à la soirée privée des Pink Floyd en 1994. Ils avaient joué au stade Gerland à Lyon et avaient fait une fête après, sur une péniche. Le groupe de reggae qui s’y produisait, c’était nous. Et on était un peu en décalage, pieds nus et en boubous au milieu de la soirée privée des Floyd.
Sortir un album “live”, n’est-ce pas un moyen de faire patienter votre public avant de faire de nouvelles chansons sur le prochain disque ?
On a dit qu’on allait faire une pause de deux ans. On reviendra juste cet été pour la saison des festivals. Après, réellement, on ne reprendra pas la route avant début 2004. C’est nécessaire. Pour que ça ne devienne pas routinier, pour nos équilibres en tant qu’êtres humains, pour passer du temps à Grenoble avec nos proches. Pour avoir le temps de faire d’autres choses à côté, pour ceux qui le veulent. On est plusieurs à bosser sur différents projets. C’était nécessaire également pour le public. Ça n’avait plus de sens de passer pour la 649e fois dans la même région. Il fallait couper pour revenir avec quelque chose de neuf et frais. Si on avait fait un nouvel album maintenant, on aurait peut-être refait Tout C’Qu’on A en moins bien. On doit se laisser le temps d’avoir de nouvelles inspirations. Je viens encore de passer deux ans dans un bus, je ne vais pas raconter l’histoire du bus ! La question ne se pose pas seulement pour les paroles, mais également pour la musique. Je ne sais pas ce que sera le prochain album de Sinsémilia. Du pur “roots” des collines ou du trash métal ? Prendre du recul, nous permettra d’avoir le temps de ressentir et de faire ce qu’on ressent. Tu ne peux pas, si tu es toujours entre deux concerts.
Sinsemilia Sinsé part en live... (Epic/Sony) 2002