Silvain Vanot
Cinquième album intitulé Il fait soleil pour ce chanteur qui avec des musiciens comme Brad Scott à la contrebasse ou l’accordéoniste Régis Gizavo met un peu de soleil dans ses mélodies. L’album ne fera certes pas danser dans les afters ou à la prochaine gay-pride, mais certaines mélodies, les orchestrations signées par Bernard Arcadio laissent paraître un Vanot moins désenchanté et toujours aussi plaisant à écouter. Interview.
Un Vanot fait le printemps
Cinquième album intitulé Il fait soleil pour ce chanteur qui avec des musiciens comme Brad Scott à la contrebasse ou l’accordéoniste Régis Gizavo met un peu de soleil dans ses mélodies. L’album ne fera certes pas danser dans les afters ou à la prochaine gay-pride, mais certaines mélodies, les orchestrations signées par Bernard Arcadio laissent paraître un Vanot moins désenchanté et toujours aussi plaisant à écouter. Interview.
Sur votre pochette d’album, vous posez au soleil devant un paysage de campagne. Où a été saisie cette ambiance bucolique ?
C’est une photo prise en hiver à la limite de la Bourgogne et de l’Ile de France. Cela a été un peu compliqué car on attendait le soleil et il n'arrivait jamais. Au bout de quatre séances photo, je me suis dit que si on arrivait pas à attraper le soleil avec l’objectif photo au moins il serait dans le titre de l’album Il fait soleil, cela a un peu déterminé mon choix. L’autre point, c’est que j'adore cette chanson de Jean-Roger Caussimon. Ça me plaisait bien que ce ne soit pas une chanson de moi qui ouvre le disque et qui donne son titre à l'album. Je pense d'ailleurs que je n'aurais pas été capable d'écrire une telle chanson. C'est pour cela qu'on fait des reprises, c'est pour trouver des choses qu'on ne sait pas faire nécessairement.
Caussimon, pour quelqu’un comme vous qui est plus réputé pour écouter Neil Young ou Lambchop, on ne voit pas le rapport immédiat...
C'est quelqu'un que j'ai connu par le biais de Léo Ferré que mes parents écoutaient beaucoup à la maison. Et puis, c'est quelqu'un que j’appréciais aussi pour son côté comédien, avec ce parcours ultra indépendant et assez en marge. Il se permettait de temps en temps de cesser la musique pour faire une apparition dans une série télé comme Belphégor. Je ne suis pas un spécialiste, ni un exégète. C'est juste dans le milieu de la chanson traditionnelle française un des personnages qui me touche le plus. C'est sûr que ce n'est pas le fond essentiel de ma discothèque, mais je ne vois pas bien pourquoi je me limiterais à un genre.
Bien qu’à double sens, cette chanson traduit-elle un état d’esprit plus optimiste ?
Je trouvais incroyable que ce morceau synthétise tant de choses que j'avais voulu mettre dans le disque. Celle-ci pourrait servir de clefs à tout le reste. J’aime cette idée d'aller vers le soleil tout en restant lucide. L'espèce d'innocence heureuse qu'on a au matin, au lever du soleil et qui en même temps ne cache pas tout le reste. C'est ce que dit bien le refrain Il fait soleil et pourtant... Quand il parle de chanter sans remords, de chanter la dégueulasserie du monde mais sans remords, c'est quelque chose dans lequel je me reconnais assez bien. La chanson reste par définition quelque chose de l'ordre du plaisir, même s'il est question de choses graves. Il y a aussi une joie sous-jacente, je crois que c'est ce qu'on voulait dire dans le disque et cela est assez bien dit en trois minutes et des poussières.
Dans l'ensemble, la musique comme les textes paraissent plus gais. Non ?
J'ai quand même l'impression que c’est arrivé progressivement. Je me souviens de m'être posé des questions sur La vie qu'on aime qui est un de mes textes les plus "plombés". C'est une chanson qu'on adore jouer mais on peut l'interpréter sans que cela déprime tout le monde. Cela à l'air de surprendre, mais je trouve assez normal d'essayer d'aller mieux. Il n'est pas question d'un bonheur insouciant et égoïste, mais d’un bien être et d’une certaine harmonie, cela ne me semble pas choquant. Que cela surprenne un peu... C'est sûr qu'en neuf ans les choses ont évolué.
Est-ce que cette image du Vanot renfermé pour ne pas dire renfrogné, triste qu’ont les gens et notamment les journalistes de vous, gène ou agace ?
On ne peut pas empêcher l’auditeur chez qui tu "entres", d’avoir une certaine image de toi, c’est inévitable. Après, soit il te suit et voit ton évolution soit non. Mais ce n'est pas plus gênant que cela parce que tu sais dès le départ comment ça se passe. Il ne faut pas faire ce métier sinon. C'est logique que les gens s'approprient tes chansons mais cela m'est égal. Je ne crains pas la méprise ou le contresens dans l’écoute de mes chansons. Il y a moi d’une part, et d’autre part, le disque qui a son existence propre. Je suis même plutôt heureux que le public s'approprie les chansons et me renvoie des choses que je n'imaginais pas. C'est plutôt flatteur en fait. Parfois, on se dit que la chanson est plus réussie que ce que je pensais. Il y a un exemple que je cite souvent à propos de cette chanson que j'avais rendue allusive sur le fait que je suis orphelin de mère. Et mon batteur croyait que c'était une chanson sur les rapports sado-maso. Je trouvais cela très drôle et en fait je l'ai relu et c'est vrai que cela marchait. Mais bon, je n'ai jamais eu une relation sadomasochiste avec ma mère pour autant. Moi, c'est aussi ce que j'aime chez Dylan ou Lennon, je ne prend pas des exemples très humbles. Norwegian Wood on peut décider d’y voir une chanson sur l'ameublement scandinave ou Ikéa. Pourquoi pas ? (rires)
Une partie des cordes de l’album a été enregistré en Hongrie à Budapest...
Il y a beaucoup de gens qui vont là-bas pour des raisons financières, rapidité d’exécution, qualité du jeu, etc. Moi aussi, mais je ne voulais pas arriver, faire mes trucs, me casser et hop ! merci, au revoir ! Je voulais m’imprégner du truc et ne pas effacer cette couleur musicale qu’ils ont. Ils font beaucoup de choses pour des studios américains, japonais... et en même temps, ils ont été élevés avec cette tradition romantique de l’Est que je tenais à préserver.
Vous êtes resté quatre jours en Hongrie, c’est, malgré tout, un peu court pour lier connaissance.
Oui, mais le manager qui supervise les séances est venu me voir et m’a demandé les paroles des chansons. Je lui ai répondu que c’était en français. Il m'a expliqué que c’était la première fois que les musiciens demandaient cela. Ils ne lisaient pas ou peu le français mais ils voulaient quand même les paroles. Tout cela pour dire qu’il y a eu une relation et un échange. D’ailleurs, je continue de communiquer encore avec certains par internet. Je n’avais aucune envie d’arriver là-bas comme le énième client de ce studio. J’ai pu me balader un peu à Budapest, je trouve que c’est une espèce de minimum culturel et humain de respect que de faire cette démarche et d’être ouvert et accessible. Et puis même, très égoïstement, entendre sa musique jouée par quarante cordes et cuivres, ouah ! ! ! On dirait un porte-avion qui se met en route, c’est très étrange, étonnant ! Malgré la barrière de la langue et de la culture, on sentait une sorte d’échange. Il y a eu des choses extrêmement touchantes. Quand je suis arrivé dans le studio, le chef m’a présenté et ils ont tous pris leur archet et ont tapé sur leur pupitre pour me saluer. On peut considérer que c’est bidon puisqu’ils ne me connaissent pas mais c’est une sorte de tradition qui perdure et qui m’a vraiment touché. C’est une grande marque d’ouverture et de reconnaissance qui est à dix mille lieux du crétin de rocker qui, parce qu’il sait faire trois notes sur sa guitare, te regarde du plus haut de son mépris. Cela fait plaisir de rencontrer des gens comme cela.
Après Madame Charlot (professeur de chant réputée à Paris pour donner des cours à plusieurs artistes de variété) on vous voit remercier sur cet album un autre répétiteur de chant, Richard Cross...
Ils sont quelques-uns à tenir le marché des cours de chant. Moi, j’avais une grosse angoisse liée à une sinusite chronique et j’avais très peur d’avoir perdu le timbre de ma voix. On a appelé Richard, qui m’a dit : "Bon, le timbre ça va ! Mais c’est le reste qui ne vas pas !" (rires). A l’époque, je ne savais pas encore qu’il serait l’un des profs de PopStar. Et je rigolais de le voir parler ensuite à la télé aux élèves de PopStar, comme il me parlait pendant nos répétitions. La première fois qu’on s’est rencontré, il a évoqué Fauré et j’ai embrayé sur les poèmes de Verlaine mis en musique par Fauré. J’ai saisi une petite lueur au fond de ses yeux. Il a du se dire que décidément les élèves se suivaient et ne se ressemblaient pas (rires). Bref, on s’est très bien entendu et il y a eu une vraie complicité.
Vous vous sentiez vraiment obligé de suivre des cours de chant ?
Déjà, les très bons chanteurs prennent des cours. Alors à fortiori, moi !...
Sur votre album précédent Tout brille vous repreniez une chanson africaine des années 60 : La bêtise humaine. Qu’est ce qu’évoque l’Afrique pour vous ?
Beaucoup de douleur et, en ce qui me concerne, une certaine honte. Je considère que le politique française en Afrique a souvent été atroce. Un jeune Rwandais m’a raconté ce qu’était sa vie là-bas et plus il m’en parlait, plus j’avais honte. On a une façon de gérer cela comme un pré-carré qui me paraît insupportable. Et puis, par ailleurs, je pense aussi au highlife, à la musique éthiopienne qui m’emballe. Reprendre comme cela une chanson anticolonialiste avec des paroles très crues à l’époque où en France les yéyés chantaient L’école est finie, je trouvait cela saisissant de contraste.
Silvain Vanot Il fait soleil (Virgin 2002)