La Musique dit Non
Le 21 avril dernier, le candidat de l'extrême droite française, Jean-Marie Le Pen, était qualifié face au président sortant pour le second tour des élections présidentielles du 5 mai prochain. Parmi les nombreuses initiatives citoyennes mises en œuvre depuis ce jour pour dire "Non!" à cette mise en danger de la démocratie en général et des arts en particulier, la scène musicale française est montée au créneau.
Face à l'extrême droite, la scène musicale française réagit.
Le 21 avril dernier, le candidat de l'extrême droite française, Jean-Marie Le Pen, était qualifié face au président sortant pour le second tour des élections présidentielles du 5 mai prochain. Parmi les nombreuses initiatives citoyennes mises en œuvre depuis ce jour pour dire "Non!" à cette mise en danger de la démocratie en général et des arts en particulier, la scène musicale française est montée au créneau.
La politique n'est pas la vocation du site rfimusique.com. En revanche, la défense de toutes les musiques produites sur le territoire français par des artistes d'ici ou d'ailleurs est un sujet incontournable. Dans le programme dit culturel du Front national, le parti de l'extrême droite française, on peut lire sous le titre "Assurer la promotion de toutes les bonnes musiques" : "Rap et techno, qui ne sont pas des expressions musicales, seront évidemment privés de tout soutien public." C'est là la seule évocation des musiques actuelles. Le reste du chapitre ne concerne que l'opérette ou d'art choral. Inutile de dire que dans le scénario catastrophe d'une accession au pouvoir du candidat du FN, les musiques dont nous parlons sur ce site - chanson, rock, électro, rap et ô combien les musiques du monde - seraient en partie évincées du paysage musical hexagonal. Mais nous n'en sommes pas là et nous n'en serons jamais là dans ce pays. Nombre de musiciens, entre autres, sont là pour dire non à une telle perspective à la fois si inimaginable et, ces jours-ci, si proche.
Le Net
Un des premiers à réagir fut le chanteur Saez qui dès le lundi 22 avril est entré en studio pour enregistrer une chanson écrite en quelques heures, Fils de France : "J'ai vu les larmes aux yeux / Les nouvelles ce matin / 20% pour l'horreur / 20% pour la peur (…) Honte à notre pays / Honte à notre patrie…". Il en propose le téléchargement gratuit sur son site damiensaez.com.
Toujours sur Internet, le chanteur et poly-artiste CharlElie se fend d'une longue réflexion sur le sujet dans son journal de bord (charlelie.com) : "Je ne sais pas s’il faut en rire ou en pleurer. Rire de nervosité, un rire crispé, les dents serrées, un rire gêné, embarrassé, un rire de hyène dans la nuit. (…) Comment peut-on imaginer regarder ses enfants en face, en disant : voilà ce que je t’ai laissé s’il advenait que par un hasard sordide soit élu ce Le Pen de toutes les peines, riche héritier, aboyeur obtus proférant ses menaces dans les micros tendus comme berger allemand enragé soudain sorti de sa cage, ce raciste xénophobe, orateur arrogant violemment antisémite (…)."
La scène
Puis dimanche 28 avril, une foule d'artistes de tous poils se réunissaient au Zénith de Paris pour exprimer leur volonté de faire du second tour des élections, "un référendum contre l'extrême droite". Parmi les musiciens présents, on comptait Kent, l'Algérienne Souad Massi, Magyd Cherfi de Zebda, Pascal Obispo, Jane Birkin et Jacques Higelin, tous deux très présents dans les manifestations de rue ces jours-ci. Sur scène, ont alternativement chanté, joué ou parlé la chanteuse Sapho, le violoniste de jazz Didier Lockwood, les Africains Manu Dibango et Ray Lema ou encore Thomas Fersen accompagné, entre autres, de Grégoire Simon des Têtes Raides.
Les Têtes Raides et Thomas Fersen participent en outre à une mini tournée improvisée entre le 29 avril et le 4 mai. A leur côtés, se joignent selon les villes traversées (Strasbourg, Lyon, Lille le 3 mai, Orléans le 4) Noir Désir, Yann Tiersen ou Dominique A.
La Vidéo
Autre initiative, celle du rappeur Akhenaton, leader du groupe marseillais IAM, du comédien Jamel Debbouze et de la maison de disques Hostile (Virgin France). Dans des délais très courts, ils ont réussi à enregistrer une vidéo dans laquelle des personnalités dont le footballeur Zinedine Zidane, l'acteur Gérard Depardieu mais aussi les chanteurs Jean-Jacques Goldman, Noir Désir, Kool Shen de NTM, Zazie, Pascal Obispo, Passi ou Stomy Bugsy expriment aussi leur "non" face à l'extrême droite et appellent à faire barrage au Front National le jour du second tour des élections. Cette cassette, intitulée simplement NON, est distribuée à partir d'aujourd'hui dans vingt-cinq villes françaises où le Front national a récolté plus de 18% des voix au premier tour des élections.
La Marseillaise
Mardi 30 avril, place du Trocadéro, sur le parvis des Droits de l'Homme au pied de la Tour Eiffel, un collectif d'artistes nommé pour l'occasion "Vive la France" a appelé les Français à venir chanter la Marseillaise, l'hymne national (photos ci-dessus). Cette initiative tendait à se réapproprier les emblèmes de la nation française depuis longtemps phagocytés par le parti d'extrême droite. A juste titre, les artistes ont donc pensé que le moment était venu de dire que l'hymne national ou le drapeau bleu blanc rouge sont le bien de tous les Français.
C'est donc dans un joyeux désordre, très français et très démocratique, qu'une trentaine de personnalités a entamé La Marseillaise de Rouget de Lisle autour du ténor Roberto Alagna spécialement venu de Londres. Au milieu de drapeaux tricolores portés par les élèves de l'école Sciences-Politiques, on reconnaissait nombre chanteurs : Marc Lavoine, Line Renaud, Doc Gynéco, Henri Salvador, Pascal Obispo, Patrick Bruel, Marc Cerrone, Jean-Louis Aubert, Régine, Jane Birkin, Lââm, Pablo Villafranca, Raphaël, …
La rue
Enfin, lors du gigantesque défilé parisien du 1er mai (400.000 manifestants), une première : répondant à l’appel de l'association Technopole, la scène électronique française s’est retrouvée pour la première fois réunie sur un char anti-Le Pen : house, techno, jungle, hardcore, trance, aucun courant n’a manqué à l’appel de mobilisation civique. Olaf Hund, Patrick Vidal, Benjamin Diamond, Manu le Malin ou DJ Ninja se sont succédés aux platines de 15 à 21h30. Sur le char, très sobre, deux drapeaux flottaient, l’Européen et le Français. Et un slogan : "Le premier mai dansez, le 5 mai votez !".
Manu le Malin nous confiait n’avoir pas voté au premier tour comme la majeure partie des fans de techno qui renvoyait droite et gauche dos à dos. Mais il jure désormais de s’inscrire pour les prochaines élections. Le choc du 21 avril en France a, semble t’il, réveillé la scène électronique française, peu prompte généralement à quelque engagement politique que ce soit. Mais on se souviendra longtemps de ces jeunes fans de hip-hop dansant sur du hardcore ! Vous disiez ? Rap et techno, qui ne sont pas des expressions musicales, seront évidemment privés de tout soutien public ? Trop tard ! Que vivent toutes les musiques !
Catherine Pouplain et Willy Richert
Photos Catherine Pouplain