Festival Mawazine au Maroc

La capitale du Maroc, Rabat, célèbre du 18 au 23 mai, les rythmes du monde. Première édition d’un festival haut en sons et en couleurs où l’Amérique du Sud, les Caraïbes, l’Afrique sub-saharienne, l’Océan indien et le Maroc sont à l’honneur. Musique, danse, arts plastiques, cinéma sont au programme de ces six jours de festivités placés sous le haut patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI.

Rabat revêt ses habits de fête

La capitale du Maroc, Rabat, célèbre du 18 au 23 mai, les rythmes du monde. Première édition d’un festival haut en sons et en couleurs où l’Amérique du Sud, les Caraïbes, l’Afrique sub-saharienne, l’Océan indien et le Maroc sont à l’honneur. Musique, danse, arts plastiques, cinéma sont au programme de ces six jours de festivités placés sous le haut patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI.

La culture des festivals est toute jeune au Maroc. On connaît celui de Fès qui en est à sa huitième édition et celui d’Essaouira qui débuta en 1998. Ces deux manifestations ont rapidement obtenu une reconnaissance internationale faisant des deux cités, des références incontournables, après Marrakech, bien sûr. Et la capitale dans tout ça ? Culturellement bien discrète, comme le confirme Abdejalil Lahjomri, directeur général du festival et président de l’Association Maroc Cultures, organisatrice de Mawâzine : «La ville n’avait pas de signature culturelle (…). Il n’y a pas un événement majeur qui marque la capitale du Royaume du Maroc et qui, sur le plan national et international, permet de l’asseoir dans un rayonnement culturel. Rabat, à l’instar de Fès, de Marrakech, d’Essaouira, devait avoir un événement qui puisse tous les ans essayer d’être sa signature culturelle». Nous y voilà. Abdejalil Lahjomri explique également que la ville souffre d’un désintéressement touristique. Rares sont les visiteurs qui y passent la nuit. Certes, des quatre villes impériales que compte le Maroc, Rabat fait pâle figure. Au moins, sa médina n’est-elle pas (encore) envahie de boutiques à souvenirs. Il a fallu neuf mois seulement, de préparation pour ce festival très ambitieux et quelque sept millions de dirhams, seulement, selon Abdejalil Lahjomri. Quand le Roi veut…

Steelband, Diablada, Dama et Bamoums

Samedi, 17h. L’Ebony Steelband (Grande-Bretagne) lance les festivités, suivie de la parade. Colorée et bruyante, elle attire timidement les Rbatis. Les enfants scrutent avec un étonnement amusé les masques aux couleurs éclatantes de la Diablada d’Oruro (ville minière de Bolivie) qui ne compte pas moins de 70 personnes. Ces structures de plâtre et de bois, qui peuvent atteindre jusqu’à un mètre d’envergure, se hérissent de cornes, de trompes et de plusieurs paires d’yeux énormes, souvent des phares de voitures peints. Accompagnés d’une banda, fanfare locale, ces insectes géants doivent exorciser la peur des mines d’étain et d’argent. La Dama des Dogons (Mali) exhibe quant à elle ses masques de bois à l’effigie de l’antilope, du buffle ou encore des échassiers. Les Bamoums de l’ensemble de la cour royale de Foumban clôturent la parade aux couleurs du Cameroun. Parmi cette joyeuse cacophonie, la clochette du vendeur d’eau a eu son mot à dire et son chapeau rouge, lancé trois fois, a dignement salué les artistes.

Oumou, Danyel, Susana et les autres

L’affiche est éloquente : Oumou Sangaré, le Super Rail Band de Bamako, Youssou N’Dour, Susana Baca, Africando, Danyel Waro, Toto la Monposina, Cesaria Evora, Celia Cruz, Mory Kanté, Nazaré Pereira, pour les plus connus. Pour réunir une telle brochette d’artistes, il faut certes des moyens.

Premier concert au Maroc pour Oumou Sangaré, sur les planches du théâtre Mohammed V. Elle est toujours aussi belle, émouvante et toujours aussi engagée, contre la polygamie et pour l’émancipation de la femme africaine. Des messages qu’elle ne cesse de chanter sur les rythmes de son Wassoulou natal. La communauté est là, au premier rang, histoire de chauffer un peu la salle. Le public, ravi, est cependant peu démonstratif.

Africando inaugurera la scène principale à l’extérieur du théâtre : Medoune Diallo, Gnonnas Pedro, Ronal Baro et Mamadou Traoré «Balaké» pour les ténors, accompagnés de leurs sept musiciens et du chef d’orchestre Miguel Lopez. Sono, lumières, scène, l’organisation n’a pas lésiné. C’est beau, c’est fort, très fort, et le tout paraît un peu démesuré au regard du peu de foule. Mais l’ambiance est là et Medoune a compris le truc : «Vive le roi !» à chaque fin de morceau, ça plaît.

La Médina fait également partie de la fête. Trois dar (maisons traditionnelles) accueillent les artistes dont le quatuor mariachis d’Anahuac (musique populaire du Mexique), Inzouddine Ben Saïd Massondi et les musiciens de l’île d’Anjouan (Comores), Suzana Blasko (Argentine), ainsi que l’excellente Lucy Acedevo et sa musica negra, la musique des Noirs du Pérou.

Si la première soirée fut peu animée, il n’en est pas de même pour la suite. Il semble que le bouche à oreille ait fonctionné. On va chercher les dépliants en famille ou entre copains. On s’arrête pour décortiquer le programme et faire son planning du soir. Car il n’est pas facile de tout voir d’autant que les manifestations se dispersent sur trois sites malheureusement éloignés les uns des autres. Dimanche, la star incontestée est Youssou N’Dour. Le service de sécurité est sur les dents mais pas de problèmes durant les deux heures de concert huilé données par le roi du m’balax avec démonstration de «ventilateur». La danseuse est d’ailleurs la seule à dérider les vigiles.

Danyel Waro quant à lui, réussit à faire danser un public poli aux sons du maloya et Toto la Momposina illumine la grande scène de sa fougue et de son éternelle jeunesse. La reine, c’est elle. Elle seule a, jusque-là, droit au rappel de la foule.

A travers Mawâzine, Rabat espère un rayonnement culturel international et ça se sent. La première édition brille par ses invités de renom et le festival est entièrement gratuit. Les habitants, qui les premiers jours semblaient regarder de loin, se prêtent peu à peu au jeu. L’ambiance se crée même si à 23h30 les rues sont de nouveau désertes. C’est un premier essai plutôt réussi. Et la fête continue. Pour ce soir, place à Susana Baca et Mory Kanté.

Site du festival Mawâzine

Frédérique Hall
Photos : Pierre-Emmanuel Rastoin