Patricia Kaas, ambiance piano-bar

Patricia Kaas sur les marches du Palais des festivals à Cannes, pour la première de And now, Ladies and Gentlemen, le nouveau film de Claude Lelouch : l’image était belle, dimanche dernier, avant que le film ne sorte sur les écrans français ce mercredi. Rencontre avec la chanteuse devenue comédienne qui à cette occasion, sort un album de reprises de standards français.

Album de reprises de standards français

Patricia Kaas sur les marches du Palais des festivals à Cannes, pour la première de And now, Ladies and Gentlemen, le nouveau film de Claude Lelouch : l’image était belle, dimanche dernier, avant que le film ne sorte sur les écrans français ce mercredi. Rencontre avec la chanteuse devenue comédienne qui à cette occasion, sort un album de reprises de standards français.

Huit ans après l’abandon in extremis d’un projet de Stanley Donen (le réalisateur de Singin’ in the Rain) autour de la vie de Marlene Dietrich, voici enfin la chanteuse en haut d’une affiche de cinéma. «C’était une envie depuis longtemps, avoue-t-elle. Mais je venais de déménager en Suisse, de décider de profiter du temps et de voir combien de temps j’allais en profiter. Quand Claude m’a appelée, je suis allée le voir plus par respect de l’homme que pour décrocher un rôle.» Et voilà : essais concluants, enthousiasme du cinéaste qui avait déjà vu une vingtaine d’actrices et de chanteuses pour le rôle, rencontre féconde entre un cinéaste qui aime les chanteurs (il a tourné avec Brel, Dutronc, Hallyday, Bruel, Nicole Croisille, Lio, Bécaud, Ophélie Winter) et une des plus populaires personnalités du show-biz français.

Elle incarne le rôle de Jane, une jeune femme tout à fait décidée à ne plus croire en l’amour. Elle rencontre Valentin (Jeremy Irons), gentleman cambrioleur tout aussi las d’aimer. Comme Jane chante dans les piano bars des grands hôtels marocains, c’est à la fois un personnage familier et dépaysant que vont découvrir les spectateurs. Et, en langues anglaise et allemande, ce sera aussi Patricia Kaas que l’on entendra parler dans les versions doublées du film, puisqu’elle a tenu à faire elle-même la post-synchronisation du film («C’est plus difficile que le tournage !»).

Et elle a sorti il y a quelques semaines Piano Bar by Patricia Kaas, un disque de reprises de standards français (Ne me quitte pas, Que reste-t-il de nos amours ?, Les Feuilles mortes, Et maintenant) pour la plupart dans des adaptations anglaises. Disque "inspiré" par le film, selon l’expression consacrée, puisqu’il contient à la fois un peu plus et un peu moins que ce que Patricia Kaas chante à l’écran.

La pochette du disque Piano Bar by Patricia Kaas est très originale.
C’est vraiment mon choix. Comme ce n’était pas pour moi un nouvel album mais un album-concept, qui est aussi devenu la musique du film, je n’avais pas envie de mettre mon visage sur la pochette. Nous avions fait cette séance de photos au Maroc pendant le tournage du film, et j’avais demandé que l’on fasse des gros plans de parties de moi. Quand j’ai eu les photos, j’ai voulu aussitôt qu’on travaille sur cette photo du pied. J’ai demandé que le packaging soit mat avec la rose en relief, quelque chose qui ne soit pas ordinaire. Et c’est pourquoi il s’appelle Piano Bar by Patricia Kaas, ce qui n’est pas un titre d’album "normal".

Cet album doit-il tenir le rôle que devait avoir votre album en anglais, plusieurs fois annoncé et abandonné ?
C’est facile de répondre oui. Ça fait des années que l’on parle de cet album en anglais, qui n’a jamais été fini. En fait, depuis des années, Richard Walter, un de mes producteurs, voulait me faire enregistrer un album de grandes chansons françaises. C’était difficile d’enregistrer plus d’une ou deux reprises par album. Et puis il fallait une raison de le faire, ce disque. Le jour où je suis sortie du bureau de Claude après avoir parlé du film avec lui, j’ai repensé à cette idée : comme cette femme gagne sa vie en faisant du piano bar, comme Claude disait vouloir m’entendre chanter du piano bar, c’était évident. Au piano bar, on ne chante que des chansons connues. Mais je ne voulais pas chanter Ne me quitte pas comme le chantait Brel : là, il ne s’agit pas d’attraper absolument toute l’attention des spectateurs, c’est de la musique d’ambiance. Et je voulais un piano bar moderne, ce qui explique que j’ai voulu travailler avec Robin Millar, pour retrouver le son de l’album Older de George Michael. Mais le projet est bien sûr complètement lié au film de Claude, c’est quand même sa bande originale, même s’il n’y a pas toutes les chansons du film, et aussi des chansons qui n’y sont pas.

Ferez-vous des concerts avec ce répertoire ?
C’est tellement intime que c’est difficile sur scène. J’ai envie de le présenter sur scène, mais dans des salles de 400 ou 800 places, grand maximum. Je rajouterai bien sûr quelques chansons, mais je ne sais pas si j’aurai envie de chanter des chansons à moi, ou peut-être sous forme de medley. Je le ferai en septembre-octobre, une trentaine de dates au maximum. Mais ce ne sera pas Patricia en tournée.

Justement, il semble que vous n’avez jamais chanté autant en retrait que sur cet album…
Peut-être sur Je te dis vous, non ? C’était le même arrangeur, d’ailleurs. En fait, l’idée était de faire un piano bar d’aujourd’hui, une musique d’ambiance. Nous voulions garder cette unité, même si en général j’aime bien avoir, outre des chansons lentes, des titres sur lesquels j’envoie le boulet. J’avais envie d’être près des gens. Quand je chante Mon mec à moi, je n’en ai pas nécessairement envie. Sur If You Go Away (Ne me quitte pas), oui.

Cela a-t-il été facile de vous muer en actrice ?
Claude a été très intelligent : mes premiers jours de tournage étaient consacrés à des scènes pendant lesquelles je chantais. Je mettais les pieds dans quelque chose que je connais. Il m’a donné le scénario quinze jours avant le tournage et je n’ai pas eu le temps d’apprendre. Justement, il voulait mes mots, il voulait que cette Jane me ressemble. Je n’ai jamais été devant une caméra et je devais dialoguer. Parfois, on disait tout le texte écrit et, à la fin, on n’entendait aucune voix dire «coupez ». Simplement, la situation plaisait à Claude et il continuait à filmer : il fallait garder le même regard, trouver des gestes naturels, il soufflait de nouvelles phrases de texte… En fait, je m’attendais à ce que ce soit plus dur. Claude m’a donné ce rôle aussi parce qu’il pensait que je ressemblais à ce personnage. Mais si demain je dois faire un film comique, ce sera peut-être plus dur !

Heureuse de cette expérience ?
Aujourd’hui, je suis contente d’avoir réussi. Pas de penser que j’ai réussi, mais que Claude me dise que j’ai réussi. Lui, il a pris un risque, pas moi. Si je suis mauvaise dans un rôle, ça ne va pas changer mon talent de chanteuse. Mais ça lui aurait foutu en l’air son film.

Avez-vous envie de faire d’autres films ?
Je n’en sais rien. Dans ma tête, je ne suis pas une actrice. J’ai fait ce premier film et puis voilà. Je n’ai pas spécialement de projet ou d’envie de tourner avec untel ou untel. Si vous me demandez avec qui j’ai envie de chanter, je peux vous répondre, en revanche.

Avec qui, justement ?
Avec George Michael. Il a toujours été mon chanteur préféré. J’aimerais bien qu’il m’écrive une chanson ou qu’il me produise un album.

Patricia Kaas Piano Bar (Sony / Columbia) 2002