Électro Maghreb

A l'occasion de Latitudes Villette/Maghreb, la grande manifestation organisée conjointement par la Cité de la Musique et le Parc de la Villette à Paris jusqu'au 9 juin, RFI Musique propose aujourd'hui d'évoquer la scène électro maghrébine dont la soirée du 31 mai au Cabaret Sauvage permettait de faire découvrir au grand public des artistes comme DJ Awal, Momo et U-Cef, habitués des fameuses soirées parisiennes, New Bled Vibration.

Latitudes Villette/Maghreb présente la nouvelle scène maghrébine

A l'occasion de Latitudes Villette/Maghreb, la grande manifestation organisée conjointement par la Cité de la Musique et le Parc de la Villette à Paris jusqu'au 9 juin, RFI Musique propose aujourd'hui d'évoquer la scène électro maghrébine dont la soirée du 31 mai au Cabaret Sauvage permettait de faire découvrir au grand public des artistes comme DJ Awal, Momo et U-Cef, habitués des fameuses soirées parisiennes, New Bled Vibration.

On peut parler de phénomène mondial. Du Mexique à Cuba en passant par les pays de l'Est et certains pays d'Asie comme le Kurdistan par exemple, les musiques dites traditionnelles trouvent un second souffle avec l'arrivée dans leurs pays de l'électronique. Le Nortec collectivo du coté de Tijuana mélange le norteno (polka mariachi) avec de la house alors qu'à Cuba, les Sin Palabras marient chants yoruba, percussions et deep house.

Lassés des seules rythmiques techno composées uniquement par ordinateur, les artistes du monde entier semblent envisager cette nouvelle culture comme un moyen de redécouvrir la leur. C'est aussi vrai en Europe avec les producteurs issus du Maghreb, émigrés en Angleterre et en France.

Pour Lahcen Lahbib, l'un des leaders du groupe Momo, basé à Londres, auteur d'un formidable album The birth of dar qui marie chants marocains, rythmique gnawa et beats électroniques cette fusion est une évolution naturelle : "J'ai longtemps joué avec les Joi (un des groupes leader de la scène asian vibe en Angleterre qui mélange tablas indiens et sonorité électronique). Ce son-là nous a montré à nous Marocains, qu'il était temps de s'y mettre. Ce sont les producteurs indiens de Londres qui nous ont montré le chemin. Tu sais, la musique gnawa et la musique électronique ont beaucoup de points communs. Les gens pensent souvent que la musique gnawa est basée sur un rythme lent, une sorte de blues... alors que même s'il y a une dimension spirituelle, elle est aussi destinée à te mettre en transe. Quant à la musique électronique, elle est carrément faite pour danser : le mariage des deux devient évident. Nous sortons beaucoup en rave parties et on entend souvent des éléments de musique marocaine dans les productions. D'ailleurs, depuis qu'on a sorti notre album, on reçoit des mails de DJ's du monde entier qui jouent notre musique, c'est très motivant".
The birth of dar, l'un des morceaux a été remixé par Steve Hillage, le producteur des premières tentatives arabo-techno de Rachid Taha. Lahcen Lahbib a baptisé sa musique "dar" ce qu'on peut traduire littéralement en anglais par "house". Il lui préfère pourtant la signification "Digital And Roots".

En France, cette fusion se développe doucement grâce aux soirées mensuelles New Bled Vibrations au Divan du Monde à Paris qui réunissent public beur et européen. Doucement, car les jeunes issus de l'immigration, souvent cantonnés aux banlieues de la capitale sont plus touchés par le rap que par la techno. Mohand, organisateur des New Bled Vibrations : "Bien sûr, le rap touche plus de monde chez les beurs que la techno, mais il y a une explication musicale et sociologique. Le hip hop est plus prompt à parler directement de leurs problèmes, contrairement à la house et la techno qui sont souvent des musiques instrumentales. Et puis n'oublions pas que les portes des célèbres clubs parisiens ne s'ouvrent pas facilement pour les gamins basanés. Difficile donc pour eux de découvrir cette culture et de l'intégrer, mais j'ai bon espoir que petit à petit cette nouvelle culture urbaine fasse l'unanimité".

Preuve de cette richesse musicale, le second volume des New bled électro vibration compilés par DJ Awal, le DJ résident des soirées New Bled Vibrations. D'Enrico Macias remixé electro-funk en passant par Momo et U-Cef, auteur en 99 de l'album Halalium, entre autres, voilà un échantillon représentatif pour tous ceux qui douteraient de la bonne santé de cette scène. DJ Awal : "Quand nous avons commencé les soirées en 98, nous n'avions pas du tout ce genre de productions. Il a donc fallu innover. Je mixais donc des vocaux de chanteurs arabes d'un côté avec une rythmique house sur l'autre platine. L'effervescence de cette scène me rappelle ce qui se passait à la fin des années 70 à Paris dans le reggae. Lors des premiers concerts, le public était uniquement composé de rastas, puis un autre public est arrivé. Bien que le reggae, comme notre musique, possède des racines profondes, elle parle pourtant à tout le monde."
Malheureusement, cette fusion électronique a des difficultés à se voir programmer sur les ondes des radios. U-Cef, musicien et philosophe nous en explique les raisons : "Que ce soient les pays occidentaux ou orientaux, tous traversent une crise d'identité qui les fait se replier sur eux-mêmes. Vas donc expliquer aux radios françaises ou anglaises que mixer de la musique arabe sur de la techno peut s'adresser au plus grand monde. Je reste quand même optimiste : avec la baisse du prix des studios d'enregistrement, des samplers et des boîtes à rythmes, des fusions comme la nôtre vont se multiplier".

Voilà pourquoi depuis plusieurs mois, les productions les plus innovatrices en musique électronique ne nous viennent pas de New York, Paris ou Berlin mais plutôt de Tijuana, Bamako ou Casablanca. La revanche des pays du sud grâce aux ordinateurs. Ce n'est que le début.

Momo The birth of dar 2002 (Le Maquis/Naïve)
U-Cef Halalium 1999 (Apartment 22)
Compilation New bled electro vibration 2002 Virgin