Natasha St Pier

La jeune Néo-Brunswickoise a publié voici deux mois un nouvel opus avec la collaboration de Pascal Obispo. Quinze jours après sa sortie, il caracolait en tête des ventes d'albums dans l'Hexagone. Mais dans la Belle Province, les critiques fusent après son récital au Capitole de Québec et sont unanimes pour dire que le répertoire de la chanteuse, "gorgé de ballades quelconques demeure sûrement sa plus grande faiblesse" ¹ en dépit d'une voix prodigieuse qui excelle dans les reprises. Finalement son manque d'assurance est peut être la preuve que les choses vont trop vite pour elle. Première rencontre.

Entre le Canada et la France

La jeune Néo-Brunswickoise a publié voici deux mois un nouvel opus avec la collaboration de Pascal Obispo. Quinze jours après sa sortie, il caracolait en tête des ventes d'albums dans l'Hexagone. Mais dans la Belle Province, les critiques fusent après son récital au Capitole de Québec et sont unanimes pour dire que le répertoire de la chanteuse, "gorgé de ballades quelconques demeure sûrement sa plus grande faiblesse" ¹ en dépit d'une voix prodigieuse qui excelle dans les reprises. Finalement son manque d'assurance est peut être la preuve que les choses vont trop vite pour elle. Première rencontre.

Vous avez sorti trois albums avec à chaque fois un enjeu : l'enjeu du premier album (Émergence, 1996), la conquête de l'Europe (A chacun son histoire, 2000) et la collaboration avec des auteurs à succès dont Obispo (De l'amour le mieux, 2002). Avez-vous conscience de cela ?
Chaque sortie d'album est importante mais je n'ai jamais vu les choses de ce point de vue-là, même s'il est vrai que c'est énorme. Quand je suis en train de faire l'album, je me dis toujours que si c'est pas celui-là qui marche, ce sera le prochain. J'aime croire qu'il y a trois, quatre trains qui vont passer. Si je ne prends pas le premier, il me restera le suivant...

J'ai l'impression que la machine St-Pier est aujourd'hui une machine bien huilée, voir trop. Qu'en pensez-vous ?
En fait c'est sécurisant. C'est bien pour moi d'avoir des gens d'expérience autour de moi pour me rassurer et corriger tout ce qui aurait pu être mal fait ou pour me guider vers la bonne voie, parce que je fais des erreurs et c'est normal.

Après avoir fait la première partie de Garou puis l'Eurovision, les propositions pour un nouvel album français ont dû être particulièrement nombreuses. Pascal Obispo est arrivé à quelle étape de ce processus ? A-t-il bousculé un projet d'album déjà en marche ?
En fait, nous voulions faire un album après la tournée en France et au Québec. Finalement, il est arrivé plus tôt parce qu'on avait trouvé la personne qu'on cherchait. Sans Pascal, l'album se serait fait mais un peu plus tard. J'étais très contente de cette collaboration, j'ai essayé de me contenir un peu parce que je voulais pas m'imaginer trop de belles choses et après, être déçue. Il n'est pas intimidant, ça n'a pas été une rencontre difficile. Au contraire.

Étant vous-même auteur-compositeur, comment avez-vous abordé Et toi qui manque à ma vie et les Diamants sont solitaires, écrits par deux femmes, Julie D'Aimé et Marie-Jo Zarb. Avez-vous été plus réceptive à cette écriture féminine ?
Quand j'ai découvert les textes pour la première fois je ne savais pas qui en étaient les auteurs, parce que je ne veux jamais le savoir pour ne pas que ça puisse influencer ma décision. On aurait tendance à dire qu'il y a une plus grande sensibilité dans des textes féminins mais en même temps j'ai reçu des textes de garçons qui étaient très très beaux, très poétiques où la sensibilité avait une grande place.

Le fait que vous écriviez aussi a-t-il apporté quelque chose dans la conception de votre dernier album et dans ta relation avec l'auteur qu'est Obispo ? Ou avez-vous effacé cet aspect de votre personnalité ?
J'avoue que je me suis laissée faire par Pascal, parce que malgré deux chansons et trois albums à mon actif je ne crois pas avoir une expérience encore assez grande pour juger seule. Donc j'aime m'en remettre entre les mains de quelqu'un comme Pascal. J'ai quand même donné mon opinion sur tout mais s'il y avait un point de désaccord, j'avais tendance à plier plus facilement que je l'aurai fait dans d'autres situations de ma vie.

On a au Québec une façon très nord-américaine de pratiquer la musique. En France le son est très épuré, lisse et on le constate tout particulièrement dans la musique dite populaire, souvent très uniformisée. Comment vous arrangez-vous avec ça ?
Pour décrire le style qui est le mien, les Français disent que c'est de la variété. La plupart des artistes français font ce style-là alors qu'au Québec, on est finalement très peu nombreux à le faire. Je suis assez à l'aise dans ce style musical que j'aime beaucoup. Mais je ne vais pas faire ça tout ma vie. C'est probable que dans un prochain album et sans nécessairement changer de voix, il y aura quelques petites inclinaisons vers autre chose. Nos goûts changent d'un album à l'autre. Je ne sais pas quelle sera la durée de vie de cet album. Je vais sûrement avoir envie d'autre chose. Cependant j'aime beaucoup le blues et le jazz mais je ne ferai jamais un album complet dans ce style parce que j'ai une passion trop forte pour la musique populaire. J'aime aussi le bon soft rock à la Amanda Marshall mais toutefois pas assez pour en faire tout un album.

vous n'avez donc pas eu l'impression avec ce dernier album de rentrer dans un système de productions françaises que certains, au Québec, jugent insipides ou en tout cas répétitives ?
C'est certain que c'est très très français. Mais ayant habité là-bas pendant un an avant la sortie de cet album, j'ai pu me familiariser avec ces sons. De plus, je ne vois pas la différence sauf peut-être dans les clips qui utilisent beaucoup les couleurs vives au Québec. C'est très nord-américain. Alors qu'en France tout est très pâle, tout en transparence. Au niveau musical, mon oreille est tellement habitué à ce son que si on me proposait une chanson en anglais, je serais incapable de te dire si elle est américaine ou française.

Quelle place laissez-vous à la découverte, à l'improvisation et à la surprise quand vous enregistrez un album ?
Mon plus gros défaut est que je ne répète pas énormément mes chansons. Je les apprends, me familiarise avec la mélodie mais jamais par cœur. En studio, avec Pascal, c'est jamais sérieux et quand on se prend au sérieux, c'est là que sortent des choses spéciales. Par exemple, à la fin d'une chanson, je lance un "wow" que l'on a samplé et mis sur une autre pièce plus rythmée. Ça a donné quelque chose de fun. C'est en studio qu'on peut se tromper et avoir l'air fou. On est avec des gens qui nous aiment et qui veulent nous rendre meilleur. J'aime mieux expérimenter en studio et faire des choses qui ne sont musicalement pas intelligentes pour après être correcte devant le public.

Enlève ton blouson est une chanson absente de l'album français. Pourquoi ?
Les gens de la maison de disques en France nous ont dit que cette chanson-là ne s'appliquait pas très bien au marché français. Là on revient peut-être à ce que l'on disait tout à l'heure sur la différence entre les musiques canadiennes et françaises. Moi, je l'aimais beaucoup et je tenais à ce qu'on la garde pour la version québécoise. Un petit compromis.

Votre première tournée en solo vient de débuter. Va t'on pouvoir apprécier vos talents de pianiste ?
Initialement je devais jouer du piano mais la chanson a été coupée parce que le spectacle était trop long. C'était Dans le vent, une chanson dont je suis l'auteur. Comme je ne suis pas une pianiste experte et que je ne maîtrise pas aussi bien mon instrument que Tori Amos, j'ai tendance à me concentrer un peu plus sur ce que joue que sur ce que je chante. A ce moment-là, c'est plus musical.

Les Français savent-ils désormais où se trouve le Nouveau Brunswick ?
Ceux a qui j'ai parlé, oui, mais il y en a beaucoup non. Quand je dis que je viens de là, on me dit "Ah oui, près de Vancouver !" (rires) mais pour moi c'est pareil quand on me demande où se trouve la Sardaigne.

De l'amour le mieux (Sony/Columbia)

¹Citation de Daphné Bédard critique au journal Le Soleil