RAMPLING JOUE ET CHANTE
Paris, le 6 juin 2002 - Charlotte Rampling, le ‘visage’ des années soixante, actrice habituée des interprétations de femmes fatales mystérieuses et névrosées sort aujourd'hui un album de chansons, Comme Une Femme. La star britannique est revenue sous les feux des projecteurs avec le film de François Ozon, Sous le sable, qui l'a fait sortir du silence où elle s’était installée depuis plusieurs années. Le tandem Michel Rivgauche et Jean-Pierre Stora qui a signé bon nombre des succès d’Edith Piaf et d’Yves Montand est venu la chercher, lui proposant d’enregistrer des chansons ‘écrites pour elle’.
La femme fatale du grand écran passe à la chanson
Paris, le 6 juin 2002 - Charlotte Rampling, le ‘visage’ des années soixante, actrice habituée des interprétations de femmes fatales mystérieuses et névrosées sort aujourd'hui un album de chansons, Comme Une Femme. La star britannique est revenue sous les feux des projecteurs avec le film de François Ozon, Sous le sable, qui l'a fait sortir du silence où elle s’était installée depuis plusieurs années. Le tandem Michel Rivgauche et Jean-Pierre Stora qui a signé bon nombre des succès d’Edith Piaf et d’Yves Montand est venu la chercher, lui proposant d’enregistrer des chansons ‘écrites pour elle’.
Pendant quatre ans, Rivgauche et Stora l'ont entourée. L’enregistrement s'est fait dans le plus grand secret. Aujourd'hui, Charlotte Rampling est enfin prête à se glisser dans son nouveau rôle de chanteuse. Mi-chanté mi-parlé, Comme Une Femme est le résultat de cette aventure. RFI/Musique a réussi à rencontrer l’insaisissable star britannique. Sous son célèbre regard d’acier, se cache une femme pleine d’humour…
RFI Musique : La scène musicale contemporaine étant dominée par des stars pour adolescents comme Britney Spears ou le groupe français les L5, n’avez-vous pas eu quelque réticence à vous lancer dans une carrière de chanteuse à l’âge de 57 ans ?
Charlotte Rampling : En fait, je n’y ai jamais pensé en termes de carrière (rires), je n’ai donc pas eu vraiment de réticence à le faire. De plus, je ne me suis pas posé le pari de me lancer dans le monde de la chanson, parce que je ne suis pas chanteuse—disons que je pourrais le devenir si j’y travaillais réellement, mais pour le moment, je ne suis pas chanteuse ! Mes réticences tenaient plutôt au fait que Michel Rivgauche et Jean-Pierre Stora, les auteurs et compositeurs, insistaient pour que j’"interprète" leurs chansons. J’ai donc fini par envisager la question par l’angle opposé. Il n’était pas tellement question de chanter, mais plutôt d’entrer dans des personnages qui me permettraient d’utiliser ma voix, en parlant et en chantant.
Quelles sont vos influences musicales ?
La musique des années 60 et 70 bien sûr, parce que c’est celle qui a bercé ma jeunesse et c’est également pendant cette période que j’ai le plus écouté de musique. J’aimais les grands groupes comme Queen, Supertramp, Pink Floyd, Moody Blues, Led Zeppelin, les Beatles et les Rolling Stones—rien de bien original, j’en conviens, c’étaient les groupes dont tout le monde raffolait ! Pour ce qui est des chanteurs français, j’apprécie Yves Duteil et Francis Cabrel, et j’ai toujours écouté les bons vieux maîtres de la chanson française comme Léo Ferré et Georges Brassens. J’adore cette façon merveilleuse de chanter propre à la chanson française ! Je ne suis pas très au courant de ce qui se fait aujourd’hui. Cela fait des lustres que je n’ai pas acheté de CD !
Est-ce que vous avez l’impression de suivre les traces d’autres actrices anglaises qui se sont aventurées dans la chanson, comme Jane Birkin par exemple ?
Jane est une vraie chanteuse. Elle a débuté alors qu’elle était toute jeune et elle a enregistré tous ces albums merveilleux avec Serge (Gainsbourg), c’est donc assez différent. J’envisage plutôt mon incursion dans le domaine de la chanson comme une sorte d’excentricité, une expérience qui ne se reproduira pas—cependant, on n’est jamais sûr de rien, cela dépend de moi, et de la réception du public bien sûr ! Je n'ai pas de plans prédéterminés.
Avez-vous découvert que vous pouviez exprimer des émotions différentes en chantant plutôt qu’en jouant ?
Le chant est un moyen d’expression très amusant—pour moi, c’est certainement plus amusant que le cinéma ! C’est-à-dire que si l’on prend ma carrière, il faut bien avouer que je n’ai jamais vraiment eu de rôles amusants ! Je dois donc admettre que cela m’a plu de faire une pause par rapport au cinéma, et de me laisser un peu aller, pour changer.
Du fait que les chansons ont été écrites pour vous, leur trouvez-vous un caractère autobiographique ?
Non, pas vraiment. Les chansons ont bien été écrites pour moi, mais Jean-Pierre Stora et Michel Rivgauche ne me connaissaient pas vraiment. Je crois qu’ils ont plutôt écrit les textes avec, en tête, une image assez générale de la femme. Ensuite, j’ai apporté mon interprétation personnelle, et je me les suis appropriés. Je ne dirai pas que les chansons sont vraiment autobiographiques, elles tendent plus à donner l’idée d’une femme universelle.
Pourquoi, à votre avis, Michel Rivgauche et Jean-Pierre Stora, désiraient-ils travailler avec une actrice plutôt qu’avec une chanteuse ? Et pourquoi une Anglaise ?
Ils voulaient que les chansons soient interprétées, et pas seulement chantées. Ils voulaient une actrice pour qu’elle donne un peu d’elle-même à ces rôles. Je suis sûre qu’une chanteuse aurait pu le faire aussi, mais le résultat aurait certainement été un peu différent. Jean-Pierre et Michel voulaient un certain type d’interprétation et que la voix ne soit pas vraiment parfaite. Ils ont beaucoup insisté pour que je parle d’une certaine façon, puis que j’enchaîne sur du chant, et que je repasse ensuite à la parole. Je ne pense pas qu’ils aient vraiment voulu une actrice anglaise. En fait, je ne sais vraiment pas pourquoi ils m’ont choisie ! (rires)
Quel a été votre premier contact avec le français ?
J’avais neuf ans. Je suis allée à l’école française, et ce pendant trois ans. Mon père, qui était militaire et travaillait pour l’O.T.A.N. était basé à Fontainebleau, et on m’a envoyée au collège du quartier… Il n’y avait pas d’enseignement spécifique pour les étrangers. J’ai donc été plongée dans le bain, j’assistais à tous les cours, comme les élèves français. C’était assez horrible, je dois dire (rires). Je n’y ai pris aucun plaisir à l’époque, mais j’ai appris le français—ce qui s’est avéré être une bonne chose puisque je me suis retrouvée en France par la suite !
Je crois savoir que vous avez pensé, à un moment donné, entamer une carrière de chanteuse avec votre sœur Sarah à Londres ?
Et oui, nous étions très jeunes, mais nous ne nous prenions pas pour n’importe qui, c’était incroyable ce que nous étions cool ! J’avais dans les 15 ans à l’époque, et ma sœur en avait 17. Nous avions mis au point un numéro qui comprenait plusieurs chansons françaises, comme C’est si bon et Oh la la !, C’est magnifique ! Nous portions des impers ceinturés, des bérets noirs, et des bas résilles, ce qui faisait beaucoup d’effet. C'était assez osé pour l’époque, dois-je ajouter ! Nous avons commencé par participer à des spectacles dans la banlieue londonienne avec d’autres amateurs, et nous avons fini par décrocher un contrat pour un spectacle dans un cabaret à Piccadilly. Mais mon père a fait preuve de fermeté à ce moment-là. Il a décrété qu’en aucun cas ses filles ne fouleraient les planches d’un cabaret ! Et ça c’est arrêté là…
Et vous n’avez jamais eu envie de chanter quand vous viviez avec Jean-Michel Jarre ou peut-être avez vous pensé à l’époque que vous empiétiez sur son territoire ?
En fait, Jean-Michel a quitté la chanson quand il m’a rencontrée, il est passé à Oxygène et sa période électronique. Il avait auparavant écrit de très beaux textes pour d’autres chanteurs, et nous avons toujours eu le projet de nous associer pour collaborer sur un projet musical mais ça ne s’est jamais concrétisé !
Il y a une chanson que j’aime beaucoup sur l’album, J’aurais voulu être une vamp. Est-ce qu’elle reflète un sentiment vécu ?
Mais, vous savez, j’ai joué des rôles de vamps dans des films !… Je crois que j’étais une vamp très réussie dans Farewell My Lovely avec Robert Mitchum. Ça, c’était vraiment un bon film !
Il y a aussi des versions anglaises de la plupart des chansons sur l’album. Préférez-vous chanter en anglais ou en français ?
Ça n’a pas vraiment d’importance parce que j’ai tellement travaillé sur ces chansons que l’on ne remarque presque plus si je chante en français ou en anglais. De plus, je trouve que les chansons marchent très bien dans les deux langues… Pour tout vous dire, j’ai cru à un moment donné que j’allais pouvoir faire la maligne et traduire les chansons moi-même. Mais j’étais nulle ! J’ai fini par participer à la traduction de deux chansons, dont On aime se sentir aimé.
Du fait de la plupart de vos rôles à l’écran, les gens ont de vous l’image de quelqu’un d’un peu hautain, froid et distant. Mais votre album est plein d’humour. Etes-vous drôle dans la vie privée ?
C’est une question bien indiscrète ! (rires) Je n’y répondrai pas. Je vais rester distante et hautaine si vous le permettez !
Lors d’une interview récente, vous avez mentionné que vous aviez pu enregistrer cet album grâce à votre rôle dans le film de François Ozon, Sous le sable, qui vous a permis d’exprimer le chagrin que vous portiez en vous depuis le décès de votre sœur. Est-ce que cet album vous a aussi servi d’exutoire ?
Oui, les deux m’ont permis d’exprimer des émotions refoulées. Je pense que j’étais enfin prête à ce que ça sorte, comme on dit… J’ai éprouvé la sensation qu’enfin, j’allais vraiment de l’avant, que je n’étais plus retenue par des forces contradictoires, comme nous le sommes si souvent au cours de nos vies. C'était comme si les chevaux étaient finalement libres de galoper à leur guise !
Comment pensez-vous que la reine d’Angleterre réagisse à votre nouvelle version de l’hymne national britannique (God Save L’Amour !) ?
Oh mon Dieu ! Vous savez, je ne suis même jamais allée la voir quand j’ai reçu le titre d’Officier de l’Empire britannique. C’est peut-être aussi bien en fait ! Je ne pense pas cependant qu’elle se préoccupe trop de la chanson.
Quel titre sur l’album vous correspond le mieux ?
Honnêtement, je n’en ai aucune idée. J’étais vraiment dans mes petits souliers pendant toute l’aventure. Et je ne crois pas savoir lequel. C’est peut-être une question que je devrais me poser si je devais par la suite d’interpréter les chansons sur scène.
Et avez-vous un projet de ce genre ?
Non, pas pour le moment. Je ne fais d’ailleurs pas de projet pour quelque avenir que ce soit. Je ne fonctionne pas comme cela…
Mais si vous étiez contactée par quelqu’un qui vous suppliait de le faire?
Il faudrait que cette personne se montre réellement persuasive et qu’elle sache me convaincre… Si je devais faire de la scène, ce serait dans un tout petit cabaret intime. Mais comme je vous l’ai déjà dit, il faudrait que quelqu’un m’y traîne. Comme le disent les paroles que je chante sur l’album, je suis une adepte du farniente (Charlotte éclate de rire et enchaîne avec un accent français très sensuel) "Je suis contente de passer mes journées assise à ne rien faire !".
Propos recueillis par Julie Street
Charlotte Rampling Comme une femme (Inca/EMI Music France)