CAM
Paris, le 12 juillet 2002 - Difficile de coller une étiquette à DJ Cam... Artisan d’un style instrumental nommé abstract hip hop, orfèvre du sample et camarade de jeu du Japonais DJ Krush, ce fan de jazz peut remixer un titre de Jean-Louis Murat et fricoter avec Laurent Garnier avec le même bonheur. Le tout en gardant sa crédibilité intacte. La suite de ses aventures s'appelle Soulshine, un nouvel opus façon nu soul de salon au générique prestigieux : Guru, l'instigateur des projets Jazzmatazz ou DJ Premier, China, l'Indonésienne Anggun ou la légende funk Cameo. Rencontre avec Laurent Daumail, alias Cam, qui s’il n'en est pas à sa première galette, abandonne en effet pour la première fois le préfixe "DJ".
Soul-soleil, exactement !
Paris, le 12 juillet 2002 - Difficile de coller une étiquette à DJ Cam... Artisan d’un style instrumental nommé abstract hip hop, orfèvre du sample et camarade de jeu du Japonais DJ Krush, ce fan de jazz peut remixer un titre de Jean-Louis Murat et fricoter avec Laurent Garnier avec le même bonheur. Le tout en gardant sa crédibilité intacte. La suite de ses aventures s'appelle Soulshine, un nouvel opus façon nu soul de salon au générique prestigieux : Guru, l'instigateur des projets Jazzmatazz ou DJ Premier, China, l'Indonésienne Anggun ou la légende funk Cameo. Rencontre avec Laurent Daumail, alias Cam, qui s’il n'en est pas à sa première galette, abandonne en effet pour la première fois le préfixe "DJ".
RFI Musique: Pourquoi Cam et non plus DJ Cam ?
Cam: Sur cet album, je suis avant tout producteur, compositeur et arrangeur. Tout est joué en acoustique à 90%, donc je trouvais ça un peu débile de mettre «DJ Cam». Le public ne considèrerait peut-être pas ce disque à sa juste valeur s’il y avait le mot «DJ» devant. On aurait pu penser que c’est un disque à base de samples !
Pour le grand public, le mot DJ signifie hip hop ou musiques électroniques…
Ou «dance» de merde ! Donc je n’avais pas du tout envie de laisser le mot DJ.
L’inspiration première de Soulshine, c’est Quincy Jones ?
Je me suis dit qu'il ne fallait pas faire n’importe quoi. Il fallait que je fasse un disque dont je serais fier, pas une démo. Un disque que je pourrais donner à Quincy Jones quand je le rencontrerais. C’était le but. C’est pour ça que j’ai énormément réécouté ce qu’il avait fait : pour essayer de comprendre… même si ça reste loin de la qualité de Quincy.
Est-ce que le but de votre carrière est de faire un disque et de lui remettre en mains propres ?
Oui ! D’ailleurs, je vais lui donner celui-ci ! Je sais que l’an dernier, il était à Montreux pendant que je donnais un concert. Je ne sais pas s’il a apprécié. C’est prévu de lui donner un exemplaire de Soulshine ou au moins de lui envoyer avec un petit mot. Même s’il ne me répond pas, j’aimerais bien qu’il écoute. C’est une musique qui peut le toucher.
Etre adoubé par Quincy Jones, c’est le fantasme suprême ?
Si tu es cautionné par Quincy Jones, ça t’ouvre pas mal de portes ! Déjà au niveau de la presse, si tu as un autocollant avec marqué «approuvé par Quincy Jones», les critiques sont un peu plus… (rire). Quoique pour l’instant je n’ai pas à me plaindre !
Soulshine est avant tout un album de musicien ?
Tout à fait. J’ai tout composé chez moi. Ensuite, j’ai passé beaucoup de temps en studio avec les musiciens que j’avais choisi, pour leur faire rejouer ce que je voulais à ma façon. Je ne voulais pas tomber dans un album de jazz, une démonstration de virtuosité. Je voulais vraiment qu’on garde le groove. Je suis assez dur quand je travaille avec les gens car j’ai une idée précise de ce que je veux, et c’est vrai que là, j’ai eu la chance de travailler avec des musiciens très ouverts et très cool. On se respectait mutuellement. Mais c’est vrai que j’aime aller au bout de mes idées.
Soulshine est plus un album soul que hip hop?
Il y a un courant américain que l’on appelle la nu soul, une espèce de soul/R’n’B, mais avec des vrais instruments. J’avais beaucoup apprécié le dernier album de D’Angelo, Voodoo ou le dernier Erika Badu, avec un retour aux vrais instruments. Je voulais faire un album de nu soul avec mon background personnel, parce que je suis français, sans non plus tomber dans le mielleux, le côté cheap que l’on peut trouver dans certaines productions R’n’B !
Vous n’avez pas craint une confusion avec ce courant R’n’B très uniformisé ?
A chaque nouveau disque, j’essaie de faire quelque choses de différent. Je n’ai pas peur de prendre des risques.
Quel est votre point de vue sur les clichés R’n’B, le gospel après l’école, Curtis Mayfield et Donny Hattaway en guise de disque de chevet par exemple ?
Il y a une part inventée, bien sûr, mais j’ai vu un documentaire sur Bilal, et tout le courant nu soul de Philadelphie… Quand on voit les gens jouer et chanter, des gamins qui ont entre seize et dix-huit ans, ils ont quand même le truc ! Après, ils embellissent peut-être un peu, mais pour le coup, le concert dans l’église, c’est quand même pas mal !
Et en ce qui concerne les artistes de R’n’B français, quel est votre sentiment ?
Ah… Sans commentaire ! C’est un peu le côté «on s’achète une crédibilité» ! La différence se fait sur scène. C’est là qu’on peut voir la valeur de l’artiste.
C’est peut-être un problème de culture. La France n’a pas de culture «funky» contrairement aux Etats-Unis !
En France, la culture funky-soul est soit disant énorme, et il y a toujours des dossiers sur le sujet dans les magazines. A mon avis, c’est de la branchitude parisienne ! Ce qui est important de toutes façons pour moi, c’est que les gens écoutent les disques, qu’ils apprécient la musique peu importe le nom qu’on lui donne. Si on veut appeler ça du hard rock, après tout, pourquoi pas ?
Partant de ce principe-là, ne pensez-vous pas que Soulshine se vendra mieux à l’étranger qu’en France ?
C’est vrai que c’est un disque destiné en grande partie à l’international. Je vends beaucoup plus de disques et suis plus populaire à l’étranger qu’en France. Pour être honnête, j’ai avant tout fait ce disque pour les gens que j’admire et que je respecte aux Etats-Unis. Mais mes parents adorent ! De tous mes albums, c’est leur préféré !
Vous êtes une sorte de Jean-Michel Jarre-soul : vous vendez plus de disques hors des frontières hexagonales !
(Rire) Je ne crois pas ! Je préfère être le Quincy Jones français ! Je respecte Jean-Michel, avec qui j’ai d’ailleurs fait un remix que je cautionne tout à fait, mais en ce moment, je suis plus Quincy !
Le générique de Soulshine est impressionnant : Guru de Gangstarr, Cameo…
Je connais Guru et DJ Premier depuis longtemps, et ils ont répondu présent, très chaleureusement. Quant à Cameo, c’était mon groupe de funk préféré quand j’avais onze ans ! Je leur ai envoyé le morceau, ils ont kiffé comme des malades, et on s’est retrouvé à enregistrer ensemble, à New York ! Etant donné que je suis producteur du disque, je n’ai pas les moyens d’une multinationale. Et donc tous les gens présents sur l’album avaient vraiment envie de faire partie du projet, plus que de prendre un gros cachet. De toutes façons, il n’y en avait pas ! J’ai tout de suite mis les choses au clair. Certains artistes que je souhaitais voir apparaître sur Soulshine étaient plus attirés par le pognon qu’autre chose. Il y a des mythes qui se sont brisés à ce moment-là ! Je ne citerai pas les noms, on ne sait jamais…Je pourrai être amené à travailler avec eux.
Parmi les artistes présents sur Soulshine, on trouve Anggun, une artiste plutôt estampillée variété…
J’aime bien sortir les gens de leur contexte. Et puis le résultat est très satisfaisant ! C’est le premier single et la première vidéo de l’album. Anggun et Cam, c’est inattendu !
A quand Cam et Lara Fabian ?
Je ne sais pas. J’aurai trop peur qu’elle me casse les tympans !(rire) Dans le cas d’Anggun, c’est moi qui était demandeur. Du moment que la personne est intègre… Après tout, Lara Fabian, pourquoi pas ? Si elle est sincère. Je refuse les collaborations quand il s’agit pour un artiste de se servir de mon image, de s’acheter une crédibilité.
Vous avez remixé Jean-Louis Murat, Jean-Michel Jarre… L’éclectisme est votre marque de fabrique !
On apprend énormément en travaillant avec d’autres personnes. Récemment, j’ai fait un remix pour CharlElie, ça m’a permis d’apprendre encore plus sur d’autres univers. Etant donné que je cherche vraiment à me concentrer sur la production d’albums pour d’autres artistes, c’est assez enrichissant de travailler avec des personnes différentes : aujourd’hui, je me sens plus à l’aise, je n’ai peur de rien ! Cela dit, je sépare bien les choses, parce que je me suis aperçu que les gens avaient du mal à assimiler mon côté hip hop new-yorkais, mon côté ambiant hip hop, le côté house… Maintenant il y a des pseudos pour chaque projet que je tiens secret !(rire)
Vous avez déclaré que vous ne vous verriez pas scratcher à quarante ans. Vous n’avez pas changé d’avis ? Je ne sais pas. En vieillissant, je me vois tout à fait scratcher à quarante, même cinquante ans !(rire) Je pense que j’aurai assez de sagesse pour me retirer au moment où il faut. Je veux bien être un vieux sage de la production, mais les platines, ce n’est pas mon ambition première !
Propos recueilli par Loïc Bussières.
Photo de homepage: Columbia
Cam Soulshine (Columbia/Sony 2002)