FRANCOS DE LA ROCHELLE

La Rochelle, le 17 juillet 2002 - Les 18e Francofolies de La Rochelle s'achèvent ce soir, sur un bilan plutôt positif. Artistiquement, le festival a convaincu et les taux de fréquentation des salles laissent penser que 2002 sera un bon cru francofou. Une réussite due à un cheval de bataille fixé depuis maintenant dix-huit ans. Pas de clocher, pas de chapelle, mais un seul mot d'ordre : l'éclectisme.

Le grand melting pot musical

La Rochelle, le 17 juillet 2002 - Les 18e Francofolies de La Rochelle s'achèvent ce soir, sur un bilan plutôt positif. Artistiquement, le festival a convaincu et les taux de fréquentation des salles laissent penser que 2002 sera un bon cru francofou. Une réussite due à un cheval de bataille fixé depuis maintenant dix-huit ans. Pas de clocher, pas de chapelle, mais un seul mot d'ordre : l'éclectisme.



Alors que Jean-Louis Foulquier, le papa des Francofolies, vient d'être investi d'une "mission nationale sur l'auto-production et les labels indépendants" par le ministre de la culture, l'édition 2002 du festival de l'Atlantique continue de jouer la carte du mélange des genres. L'éclectisme, c'est presque une profession de foi à La Rochelle ! Le cru 2002 ne fait pas exception et tape souvent juste, alternant le franchement grand public et les choix de programmation plus pointus. C'est notamment le cas à la Salle bleue, sorte "d'enclave jeunes talents" du festival rochelais. Cette salle relativement modeste accueille le plus souvent des noms obscurs aux yeux du grand public (Barsony, Mobiil...), ce qui ne l'empêche pas d'afficher régulièrement complet - ce fut le cas pour l'affiche Jeanne Chéral/Vincent Delerm - et de receler de belles découvertes. Sportès est de celles-là. Avec seulement un CD six titres sous le bras, il a livré à La Rochelle un spectacle enthousiasmant et généreux, mélange subtil de folk et d'énergie rock'n'roll, relevé d'une touche orientale ou électro selon l'humeur. Artiste à suivre, Sportès a passé l'examen francofou haut la main !

Les découvertes ne sont pas exclusivement réservées à la petite Salle Bleue. Les affiches rochelaises comprennent en moyenne deux ou trois artistes. C'est parfois l'occasion de vrais coups de cœur, comme avec le Belge Marka, programmé sur la même scène que Bénabar. Fin mélodiste et poète à ses heures, Marka a fait un véritable carton sur la scène du Grand Théâtre, avant de jouer les VRP à la sortie de la salle en vendant lui-même ses albums ! Aussi curieux que cela puisse paraître vu la qualité du bonhomme, Marka n'a effectivement plus de maison de disques en France après s'être fait congédier par Sony !…

On suivra également la Québécoise Jorane, qui prouve que l'on peut venir de la Belle Province sans fatalement donner dans la beuglerie ! Alternative heureuse aux clones célinedionesques, Jorane, ses sons précieux, ses harmonies apprêtées et ses vocalises sensuelles - Jorane chante des sons plus souvent que des mots, en s'accompagnant au violoncelle - a emballé la scène de la Coursive qu'elle partageait avec Louis Chédid. Ce dernier n'a pas été en reste et a démontré à ceux, peu nombreux à La Rochelle il est vrai, qui ne voyaient en Chédid senior qu'un gentil chanteur intimiste, qu'il est bel et bien une véritable bête de scène, appliquant à la lettre la formule de son titre God Save the Swing : "en soupirs, en silences, en noires ou en blanches, faut qu'la musique danse!"

Mélanges des genres

Le credo des Francos, c'est de mélanger les genres et les générations, mais il faut admettre que la mayonnaise ne prend pas à chaque fois. En témoigne l'échec relatif des soirées électro et rap-reggae, des styles pourtant largement représentatifs dans les bacs des disquaires. L'affiche Matt, Burning Spear et Kerry James n'a effectivement pas déplacé les foules malgré la bonne prestation de l'ex-membre d'Ideal J. On est loin des "hip hop folies", le label rap du festival, initié il y a dix ans (une compilation des meilleurs moments de cette scène sort le 13 août prochain chez Sony Music). Peut-être était-il un peu hasardeux de vouloir faire cohabiter hip hop, reggae et R'N'B dans une même soirée alors que les genres sont finalement assez cloisonnés...

Dans un autre style, la nuit "électron libre", avec Llorca, Ginkgo et DJ Pacman, faisait, elle, un flop retentissant. Programmée à 1h du matin, devant une esplanade Saint-Jean d'Acre quasi vide, cette soirée restera le ratage des Francos 2002. La formule pour intégrer les musiques électroniques dans un festival généraliste comme les Francofolies reste encore à trouver...

La grande scène à ciel ouvert du Saint-Jean d'Acre convient mieux aux grands raouts populaires et aux artistes "têtes de gondole" comme Henri Salvador ou bien aux concerts festifs, comme celui de Sergent Garcia et de ses Locos del Barrio. Privé de Francofolies l'an dernier (son concert avait été annulé pour cause de vents violents), le zébulon ska-rock-salsamuffin à la sauce cubaine n'a pas compté à la dépense sur la scène rochelaise. Après un concert à l'énergie, il lui restait suffisamment de forces pour finir la soirée dans un bar de la ville, non pour jouer les piliers de comptoir, mais pour un sound-system auquel il avait convié ses amis et le public.
Au même endroit, devant un public acquis, Yannick Noah remplissait parfaitement son rôle "d'agent d'ambiance" lors de la soirée d'ouverture. Il faut reconnaître à l'ancien joueur de tennis une bonne humeur communicative, mais le consensus dont il a fait l'objet à la Rochelle demeure assez confondant. C'est moins sa formule un peu balloche que ses manies de moniteur de colonies de vacances (tutoiement du public et autres "fait yeah yeah !" et "Oh Oh!") qui, passées trois chansons, peuvent lasser les moins indulgents.

Il n'empêche que Noah aura été l'une des sensations de ces dix-huitièmes Francofolies de La Rochelle. Au même titre que Noir Désir qui accroche le plus gros score en matière de fréquentation, même si Bertrand Cantat a choisi de brader son charisme sur le Saint-Jean d'Acre. Généreux quand il s'agit de faire parler les décibels, il s'est montré volontiers démago, voire un poil méprisant quand il a invité un fan à monter sur scène, pour le renvoyer illico dans la foule et le traiter vertement de "guignol de la soirée"... Un trait d'humour sans doute, mais on ne peut s'empêcher de penser qu'en terminant leur concert par un Tostaky syndical, les Noir Des' n'ont jamais aussi bien chanté "soyons désinvoltes, n'ayons l'air de rien"...

Loïc Bussières

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