SOUS LES OLIVIERS, LA MUSIQUE

Nice, le 24 juillet 2002 - Du 20 au 27 juillet se déroule le Jazz Festival de Nice sur la Côte d’Azur. Ambiance familiale et programmation tournée vers les jeunes générations sont les ingrédients principaux de cet événement estival qui depuis ses débuts, a vu passer d’immenses artistes et qui aujourd’hui, mélange les têtes d’affiche et les découvertes.

Nice Jazz Festival

Nice, le 24 juillet 2002 - Du 20 au 27 juillet se déroule le Jazz Festival de Nice sur la Côte d’Azur. Ambiance familiale et programmation tournée vers les jeunes générations sont les ingrédients principaux de cet événement estival qui depuis ses débuts, a vu passer d’immenses artistes et qui aujourd’hui, mélange les têtes d’affiche et les découvertes.

Un lieu chargé d’histoire, les Arènes de Cimiez, un jardin dessiné par l’alignement des oliviers, et un musée (Matisse) qui pourrait jouer les décors d’une comédie italienne. Voilà où sont installées les trois scènes qui permettent à la dizaine d’artistes programmés chaque soir de se produire. Entre ballade musicale et dégustation de spécialités locales, le spectateur déambule, s’installe sur l’herbe, danse au gré de ses envies et du déroulement de la soirée. La température douce et la nuit claire n’incitent pas à la précipitation mais exactement à l’inverse : au Nice Jazz Festival, on profite de l’instant présent.

C’est dans cet esprit de vacances (il faut bien le dire) que l’on peut écouter une programmation de qualité basée sur un éclectisme tous azimuts, délibérément branchée. Pour frapper fort et de façon inattendue, Viviane Sicnasi, la directrice du festival, a invité en ouverture samedi 20 juillet le groupe de hip hop Saïan Supa Crew. « En France, le public jeune a pour priorité la musique. En plus, c’est une clientèle fidèle. » En effet, pour attirer cette partie du public, il faut élaborer une programmation en conséquence. Devant le musée Matisse, « les rappeurs ont fait jazzer » comme titrait le lendemain le journal local Nice matin. Très en forme, comme d’habitude, le possee s’est avancé sur le devant de la scène en se demandant quel accueil on lui réserverait dans ce festival aux allures un peu élitistes. Sans doute que son appréhension avait pour fondement un non-dit sur lequel Viviane Sicnasi s’explique : « Le terme jazz est fédérateur mais réducteur. Le nom même du festival qui n’est plus vraiment en adéquation avec la programmation , appartient à la ville de Nice. Si j’avais la possibilité de le changer, j’opterais pour les mots International et Musique. Voilà ce qui me semble important. Car il faut savoir évoluer, les choses ne sont pas immuables. Les artistes aujourd’hui, ne sont plus cloisonner dans un genre. » Le message est clair : le Festival de jazz tel qu’on l’a connu à Nice, n’est plus.

Le succès populaire de l’année dernière a confirmé que les orientations prises par Viviane Sicnasi, qui fit tout de même ses armes au Jazz Club Lionel Hampton à Paris pendant plusieurs années sont les plus adaptées pour ouvrir le festival à un public plus nombreux. Elle défend d’ailleurs contre toute critique, ses choix qui s’éloignent largement du jazz au sens strict. « Aujourd’hui, les légendes du jazz ne sont plus de ce monde. Les grandes pointures demandent quant à elles, des cachets exorbitants ou des conditions de concert impossibles. Les jeunes musiciens eux, ne font plus de swing, ils veulent qu’on les écoutent religieusement. Leur musique convient alors mieux à une ambiance de club ». Ce propos est largement vérifié lors du passage du prometteur Baptiste Trotignon lundi soir. Pianiste doué, 28 ans au compteur, aujourd’hui leader d’un trio avec le contrebassiste Clovis Nicolas et le batteur Tony Rabeson, le jeune homme joue entre autres des reprises de Dave Brubeck comme ses propres compositions. Il hésita longtemps dit-on, entre jazz et classique et ses improvisations le confirment. On aurait envie de l’écouter dans une ambiance intimiste, peut-être celle d’un club en effet, que n’a pas permis le passage sur la scène voisine de la dernière découverte italienne, Tiziano Ferro. Même si on a apprécié par ailleurs, la puissante voix du Transalpin, on a été quelque peu déçu du traitement infligé au trio qui eut du mal ce lundi soir, à se faire entendre. Un spectateur mécontent maugréa : « Ce n’est pas bien pour un festival de jazz ». Les nostalgiques devront peut-être migrer vers d’autres terres, celles de Marciac ou Juan-les-Pins.

Le passage de Saint Germain, des Troublemakers et autre Llorca a donné à Nice, des allures de festival branché. Look de circonstances pour tous les spectateurs, bronzage indispensable (on est bien sur la Côte d’Azur), piercing discret mais ‘tendance’ et tenues sorties tout droit des pages mode des magazines. On s’est déplacé en nombre pour écouter mais surtout danser sur des rythmes électro. Dimanche soir, Saint Germain a sorti les beats des beaux jours. Emmené par un Ludovic Navarre toujours aussi statique derrière ses platines et tables de mixage, sans doute un peu timide, le groupe a reçu lundi soir un accueil très chaleureux. Le savoir-faire du musicien dont les deux albums sont sortis chez Blue Note, a enthousiasmé le public. La section de cuivres et le percussionniste qui l’accompagnaient ont balancé un son qui a réchauffé s’il en était besoin, les rythmiques brésilienne ou cubaine dispensées par les ordinateurs. Le set était carré, millimétré. Une fois terminé et sans état d’âme, Saint-Germain s’est éclipsé à 22 heures sonnantes, laissant les spectateurs sur leur faim. Heureusement, la nuit n’était pas finie et le groupe versaillais Air était là pour prendre le relais.

On nous annonçait lundi une soirée « Electo-techno-trendy-jazz, le jazz branché au propre comme au figuré ». Si un doute pouvait persister quant à la programmation, c’en est fini ! A l’affiche, Electro-Bamako (Marc Minelli et Mamani Keïta), Magic Malik, Cam, Ekova, les Troublemakers et Llorca. Nous voici obligés de faire le marathon pour parvenir à capter un peu de chaque concert. Celui des Troublemakers, le trio composé de Dj Oil, Fred Berthet et Arnaud Taillefer rejoints pour quelques morceaux par le charismatique Magic Malik, était très attendu. Originaires de Marseille, ils ont signé sur un label chicagoan, Guidance. Sur scène, ils ont dispensé une électro intelligente et subtile soutenue par des images vidéo projetées sur un grand écran. Leur notoriété internationale et l’originalité de leur expression artistique ont favorisé sans aucun doute, l’intérêt des festivaliers qui se sont massés devant la scène «Matisse».

Aux Arènes un peu plus tard, Llorca, poulain de l’écurie F.Com, a électrisé l’ambiance. Affublé d’un tablier de cuisine et d’un chapeau de paille, le DJ n’a pas ménagé ses efforts. Il était décidé ce soir-là à transformer le lieu en dancefloor. Avec son groupe et la contribution de la chanteuse Ladybird, il a balancé des mixes très groovy, mêlant funk, soul, house, etc. Les Arènes étaient bondées et les 10.000 spectateurs présents se sont pris au jeu du clubbing en plein air. De quoi réjouire Viviane Sicnasi qui veut faire du Nice Jazz Festival, un rendez-vous musical teinté d’esprit festif dans un cadre chaleureux. Pari réussi.

Texte et photos : Valérie Passelègue